Vivre au temps des Mérovingiens


Panoplie féminine de la dame de Chaouilley, détail peigne

Panoplie féminine de la dame de Chaouilley, détail peigne

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© RMN Grand Palais (musée d’Archéologie nationale) / Franck Raux

L’Empire romain s’est écroulé, mais nous ne sommes pas encore au cœur du Moyen Âge… Drôle de période que cette ère mérovingienne, passionnant entre-deux dont beaucoup d’aspects demeurent encore mystérieux, même aux yeux des archéologues les plus aguerris ! Alors, que sait-on vraiment du quotidien des Francs à cette époque ?

Il faut imaginer un royaume boisé, de vastes étendues de nature (parfois déjà exploitées par l’homme, comme cela est le cas par exemple en Île-de-France) semées de villages très espacés. Mieux vaut donc, en cas de voyage, se déplacer à cheval, savoir improviser un campement, et se munir d’une arme en cas de rencontre avec un loup ou toute autre bête sauvage ! Il ne reste rien ou presque des habitations franques. La plupart du temps, seules sont retrouvées les traces des poteaux de bois plantés dans le sol, érigés pour soutenir la charpente. Les fermes, très présentes dans ce royaume rural, comprennent de nombreux petits bâtiments (poulailler, atelier, garde-manger…) qui se présentent sous la forme de cabanes semi-enterrées ou perchées sur pilotis s’il s’agit de « greniers » – une astuce habile pour protéger le grain des rongeurs.

Panoplie féminine de la dame de Chaouilley, détail instrument de toilette

Panoplie féminine de la dame de Chaouilley, détail instrument de toilette

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© RMN Grand Palais (musée d’Archéologie nationale) / Franck Raux

Dans les champs, les chevaux sont des auxiliaires de plus en plus recherchés, en complément des bovins qui tractent charrues et charrettes. Les paysans élèvent des moutons et des chèvres pour leur laine et leur lait, et surtout des porcs dont ils consomment la viande, bien plus répandue sur les tables mérovingiennes que le bœuf, qui reste réservé aux banquets des plus riches, où il se déguste arrosé de bière et de vin venu de loin (le vin de Gaza semble particulièrement apprécié). Chez les Mérovingiens, on aime aussi beaucoup la chasse, mais la plupart des Francs se contentent de repas très frugaux, composés de haricots, de lentilles, de pois ou de fèves, accompagnés de pain de seigle.

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Ceux qui recherchent l’aventure doivent se rendre dans les villes, où affluent commerçants et pèlerins, parfois venus de très loin. La Méditerranée est en effet sillonnée de bateaux syriens, grecs et égyptiens, qui se rendent jusqu’en Inde ou au Sri Lanka pour en rapporter des épices odorantes ou des grenats, gemmes rouges très appréciées. Guerrier, forgeron et orfèvre constituent des métiers de prestige pour les hommes francs, tandis que les femmes qui travaillent s’affairent dans les fermes, au-dessus d’une marmite ou dans des ateliers de tissage. Ces villes, où se dressent des palais et des églises en pierre, sont gérées par un comte et un évêque, tous deux nommés par le roi et vers lesquels on peut se tourner pour des questions de justice. Mais leur taille est encore limitée. Paris, la capitale du royaume de Clovis, ne compte que quelques milliers d’habitants, qui vivent parmi les ruines romaines et les élevages d’animaux !

Panoplie masculine du « Chef » de Chaouilley, détail épée

Panoplie masculine du « Chef » de Chaouilley, détail épée

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© musée d’Archéologie nationale / Loïc Hamon

Les hommes du peuple sont très religieux mais peu instruits. Car si l’Église crée des écoles gratuites où sont enseignées toutes les disciplines, les familles (même si certaines y placent parfois l’un de leurs bambins) préfèrent souvent ne pas perdre de temps et envoyer rapidement leur enfant au travail ou en apprentissage.

À moins d’entrer dans un monastère, rester célibataire est très mal vu. Il faut vite se marier, et de préférence en faisant une alliance avantageuse approuvée par la famille, qui revêt une importance primordiale, chacune formant un clan soudé qu’il ne faut pas contrarier, au risque de se retrouver victime d’une vendetta ! Avoir de nombreux enfants est considéré comme un signe de réussite et de solidité, mais les petits meurent souvent en bas âge, malgré les gris-gris et les symboles chrétiens utilisés pour chasser le mauvais œil…

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Table d’autel

© RMN Grand Palais (musée d’Archéologie nationale) / Franck Raux

Pour beaucoup, le quotidien est rude. Sous le règne de Clovis, l’esclavage hérité de l’Empire romain existe encore et le peuple est mal protégé des aléas de la vie et des agressions humaines. Fait sidérant, la loi salique permet de se tirer d’un meurtre en payant une simple amende, endossée par la famille du coupable et reversée aux proches de la victime, et sur laquelle le comte prend un pourcentage – 35 sous pour avoir tué un esclave, 200 pour avoir occis un homme libre et 900 pour l’assassinat d’un évêque ! Sachant qu’à l’époque, il faut débourser deux sous pour un bœuf, et douze pour un cheval…

Mais les Mérovingiens n’étaient pas non plus les brutes qu’ont dépeints les historiens du XIXe siècle, tels qu’Augustin Thierry, dont l’ouvrage Récit des temps mérovingiens (1840) a nourri le ressentiment national à l’égard des Allemands – car le premier roi de la dynastie, Childéric Ier, père de Clovis, était originaire de Tournai, en Belgique actuelle, et son épouse d’Allemagne centrale… Si les papyrus (utilisés jusqu’aux alentours de 650) ont peu survécu, des parchemins témoignent d’une aristocratie plutôt cultivée – les comtes écrivent beaucoup, alors qu’ils seront souvent illettrés au temps de Charlemagne, trois-cents ans plus tard –, tandis que les créations d’orfèvrerie exposées à Saint-Germain-en-Laye laissent entrevoir la part de raffinement de cette société franque, dont le quotidien était illuminé par des fêtes, des jeux, des repas conviviaux et de la musique.

L’analyse des squelettes a également permis d’établir que seules 5 % des morts étaient dues à des causes violentes telles que la guerre, des rixes ou des meurtres. Un chiffre bien inférieur à ce qui sera constaté pour le XIVe siècle en France… Une intéressante remise en perspective !



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