véritable enjeu de filière ?-Économie et gestion, Faits divers


Face à la volatilité des marchés ou encore la demande sociétale, l’autonomie protéique est un enjeu de taille pour l’élevage français. « Pour ce faire, le besoin d’innovation est important », souligne Sylvain Pellerin, directeur de recherche de l’Inrae Bordeaux. Mais aujourd’hui dans la pratique, pourquoi et comment améliorer l’autonomie des exploitations et des territoires ? Quelques éléments de réponses suite au débat sur l’autonomie des élevages.

« L’élevage français présente un déficit de matières riches en protéines de l’ordre de 50 % », explique le directeur de recherche à l’Inrae de Bordeaux Sylvain Pellerin, lors de son intervention sur l’autonomie protéique organisée par le salon de l’agriculture de Nouvelle-Aquitaine. Concrètement, on ne produit que la moitié de ce dont on a besoin.

« Même si la France reste mieux placée par rapport aux autres pays de l’UE, le déficit perdure malgré les divers plans de relance. Malgré le regain des dernières années, les surfaces en protéagineux restent trop faibles, tout comme celle des légumineuses fourragères pures. »

Forcément, ce déficit est compensé par les importations, notamment de soja en provenance d’Amérique du Sud, mais cela pose problème : « L’élevage français est alors vulnérable à la volatilité des cours. En plus, cette entrée massive d’azote importé crée des situations locales d’excédents d’azote génératrices de fuites vers l’environnement (même si beaucoup de progrès ont été faits sur la génétique des animaux ou encore l’ajustement des rations pour améliorer l’efficience de l’azote). Autre point non négligeable : cette demande croissante en protéines contribue à la déforestation. »

Élevage et cultures : le duo gagnant !

Puisqu’il n’y a pas que du négatif, Sylvain Pellerin rappelle aussi que l’élevage produit des effluents riches et utilisables comme engrais, se substituant ainsi aux engrais de synthèse. « Si l’animal seul n’est pas très efficient, associé aux productions végétales, il boucle le cycle. Le problème c’est que l’évolution de l’agriculture a conduit à des spécialisations par régions de productions (régions d’élevage versus régions de grandes cultures), avec une concentration croissante des élevages. »

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Pour le directeur de recherche, il est urgent de relocaliser les productions végétales destinées à l’alimentation animale (protéagineux, légumineuses, méteils). Il faut aussi travailler plus largement à l’échelle du territoire en développant les échanges de matières (aliments, paille, effluents), de surfaces ou d’animaux. « En Nouvelle-Aquitaine par exemple, les besoins en protéines sont importants car l’élevage est fortement présent. Pour autant, la majorité des surfaces sont consacrées aux céréales à paille et au maïs grain. »

« Nos élevages ne gaspillent pas les protéines consommables par l’Homme »

Autre sujet qui alimente le débat : la concurrence feed/food. « Beaucoup affirment qu’il est préférable de consommer directement les ressources végétales, sans passer par l’élevage, car les animaux en gaspillent une partie, relate Guillaume Durand, maître de conférence à Bordeaux science agro, mais attention : beaucoup de protéines consommées par les animaux ne sont pas valorisables par l’Homme. »

Expert en la matière puisqu’il l’enseigne à ses étudiants, il explique qu’il faut regarder l’efficience protéique nette des élevages, qui met en relation les protéines consommables par l’Homme et celles uniquement valorisables par les animaux. Et dans la plupart des cas, « les élevages sont producteurs nets de protéines : ce ne sont pas des gaspilleurs. » Cela est d’autant plus vrai dans les systèmes à potentiel agronomique faible : « Ce sont les animaux qui permettent de produire le plus de protéines par unité de surface, pas les cultures. »

Les systèmes herbagers sont ceux où l’autonomie est la plus facile à obtenir : « Là, pas besoin de calcul, les animaux sont tous producteurs nets pour l’alimentation humaine et assurent une certaine sécurité alimentaire. De plus, les prairies rendent beaucoup de services écosystémiques, comme le stockage du carbone, un abri pour la biodiversité, le pâturage, etc. »

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Du soja français pour limiter les importations

Bien-sûr, tous les élevages ne peuvent pas baser leur système sur l’herbe. Dans ce cas, le chemin vers l’autonomie se fait soit via les fourrages cultivés, soit par la production locale de céréales et protéagineux.

Pour la consommation en grains, plusieurs options sont envisageables : la mise en place de céréales en pures ou en mélange comme le seigle ou le triticale, les mélanges méteils ou encore la culture de protéagineux en pur comme le pois avec une option de toastage derrière, ou encore le soja.

En ce qui concerne le soja, Mathias Hugou témoigne au nom de l’unité de trituration SojaPress dans le Lot-et-Garonne : « Lancée par Terre du Sud en 2012, SojaPress a pour ambition d’offrir un débouché à la production de soja bio et non OGM du territoire pour l’alimentation du bétail. Le soja arrive par camions pour être trituré. Le tourteau fabriqué est directement utilisé dans l’usine d’aliment attenante. »

Côté technique, le tourteau obtenu est un peu différent de celui importé : « Le process est plus simple puisqu’il consiste simplement à cuire et presser la graine. Le tourteau est alors plus gras car l’extraction est moins poussée qu’avec la chimie. On obtient un tourteau à 45 % de protéines et 10 à 12 % de matière grasse (contre 1 à 2 % sur le tourteau importé). » En revanche, cela crée un débouché et un aliment local pour les agriculteurs du secteur.



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