Une ex-secrétaire d’un camp de concentration de 96 ans jugée en Allemagne


Âgée à l’époque des faits de 18 à 19 ans, Irmgard Furchner, jugée pour «complicité de meurtre dans plus de 10.000 cas», officiait comme dactylographe du commandant du camp.

Une ancienne secrétaire d’un camp de concentration aujourd’hui âgée de 96 ans comparaît à partir de jeudi 30 septembre devant la justice, seule femme impliquée dans le nazisme à être jugée depuis des décennies en Allemagne. Ce procès devant une Cour de Itzehoe, dans le nord de l’Allemagne, sera suivi par celui, une semaine plus tard, d’un centenaire, un ancien gardien du camp nazi de Sachsenhausen, près de Berlin. Jamais encore l’Allemagne, qui a longtemps montré peu d’empressement à retrouver ses criminels de guerre, n’avait jugé d’anciens nazis aussi âgés. L’affaire est en outre examinée à la veille du 75e anniversaire de la condamnation à mort par pendaison par le tribunal de Nuremberg de 12 des principaux dirigeants du Troisième Reich.

Âgée à l’époque des faits de 18 à 19 ans, la nonagénaire Irmgard Furchner, qui vit dans une résidence pour personnes âgées près de Hambourg, doit être jugée par une Cour spéciale pour jeunes pour «complicité de meurtre dans plus de 10.000 cas», selon le Parquet. L’accusation lui reproche d’avoir participé au meurtre de détenus dans le camp de concentration de Stutthof, dans la Pologne actuelle, où elle travaillait comme dactylographe et secrétaire du commandant du camp, Paul Werner Hoppe, entre juin 1943 et avril 1945.

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Dans ce camp proche de la ville de Gdansk où périrent 65.000 personnes, «des détenus juifs, des partisans polonais et des prisonniers de guerre soviétiques» ont été systématiquement assassinés, selon le Parquet. Selon l’avocat Christoph Rückel, qui représente depuis des années des survivants de la Shoah, «elle a tenu l’ensemble de la correspondance du commandant du camp». «Elle a aussi tapé à la machine les ordres d’exécution et de déportation et apposé ses initiales», a-t-il assuré sur la chaîne régionale publique NDR.

Pour son avocat, Wolf Molkentin, elle ignorait le sort exact des détenus. «Ma cliente aurait travaillé au milieu de SS expérimentés dans la violence. Mais devait-elle partager leur niveau de connaissance ?», s’est-il interrogé dans un entretien au Spiegel. «À mon avis, ce n’est pas forcément évident», a-t-il ajouté, insistant sur le recours à des termes «codés» dans les échanges épistolaires entre responsables de la machine de mort nazie «de telle manière qu’une secrétaire ne pouvait pas nécessairement les décoder», selon lui.

À l’issue d’une longue procédure, la justice avait estimé en février que la nonagénaire était apte à comparaître malgré son grand âge. Mais les auditions, prévues pour s’étaler jusqu’en juin 2022, devraient se limiter à quelques heures par journée d’audience. Soixante-seize ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la justice allemande continue de rechercher d’anciens criminels nazis encore en vie.

4.000 femmes gardiennes de camps

Huit dossiers impliquant d’anciens employés des camps de Buchenwald et Ravensbrück notamment, sont actuellement examinés par différents parquets allemands, a indiqué l’Office central pour l’élucidation des crimes du national-socialisme à l’AFP. Ces dernières années, plusieurs procédures ont dû être abandonnées en raison de la mort des suspects ou de leur incapacité physique à être renvoyés devant des tribunaux.

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Mais alors que l’Allemagne a condamné ces dix dernières années quatre anciens gardes ou comptable des camps nazis de Sobibor, Auschwitz et Stutthof, elle a jugé très peu de femmes impliquées dans la machinerie nazie, selon des historiens. La justice s’est penchée sur le cas d’au moins trois autres femmes employées dans des camps nazis, notamment une autre secrétaire qui travaillait à Stutthof mais celle-ci est morte l’an dernier avant que la procédure n’aboutisse. Le parquet de Neuruppin, près de Berlin, examine actuellement le cas d’une autre femme employée dans le camp de Ravensbrück, selon l’Office central basé à Ludwigsbourg.

Quelque 4.000 femmes ont officié comme gardienne dans les camps de concentration, selon des historiens. Mais peu ont été jugées après la Guerre. Parmi celles qui ont répondu des exactions commises sous le Troisième Reich, la gardienne du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau Maria Mandl, surnommée «la bête féroce», avait été pendue en 1948 après sa condamnation à mort par un tribunal de Cracovie. Entre 1946 et 1948, à Hambourg, 38 personnes dont 21 femmes ont comparu devant des juges militaires britanniques pour avoir officié au camp de concentration de Ravensbrück, spécialement réservé aux femmes.

La jurisprudence de la condamnation en 2011 de John Demjanjuk, un gardien du camp de Sobibor en 1943, à cinq ans de prison ferme, permet désormais de poursuivre pour complicité de dizaines de milliers d’assassinats n’importe quel auxiliaire d’un camp de concentration, du garde au comptable.

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