un Sri Lankais accusé de blasphème lynché à mort, une centaine de personnes arrêtées


Ce meurtre sauvage, relayé en vidéo sur les réseaux sociaux, a choqué le premier ministre Imran Khan, qui a évoqué un «jour de honte pour le Pakistan».

Plus d’une centaine de personnes ont été arrêtées au Pakistan après le meurtre d’un directeur d’usine sri-lankais battu à mort et immolé par le feu par une foule qui l’accusait de blasphème, ont annoncé samedi des responsables locaux. Ce meurtre sauvage, documenté par des vidéos relayées par les réseaux sociaux, a choqué, le premier ministre Imran Khan évoquant un «jour de honte pour le Pakistan».

La question du blasphème est particulièrement sensible au Pakistan, où des allégations souvent non prouvées d’offense à l’islam ont plusieurs fois provoqué des lynchages meurtriers ces dernières années. Elle est régulièrement utilisée comme prétexte dans des disputes qui n’ont au départ rien à voir avec la religion, soulignent les organisations de défense des droits de l’Homme. Parfois même des allégations non prouvées d’offense à l’islam peuvent entraîner assassinats et lynchages.

Peine capitale pour «blasphème» prévue dans la loi

La loi pakistanaise, farouchement défendue par les partis islamistes, prévoit la peine capitale pour quiconque est reconnu coupable d’avoir insulté l’islam ou le prophète Mahomet. Aucun condamné pour blasphème n’a toutefois jusqu’ici été exécuté. Les opposants à cette loi lui reprochent d’être instrumentalisée pour régler des conflits personnels ou attenter aux droits des minorités religieuses.

«L’incident d’aujourd’hui montre à quel point il est urgent de corriger un environnement qui permet les abus et met à risque des vies», a réagi sur Twitter Amnesty International South Asia.

Lire aussi article :  Emmanuel Macron veut mettre «un énorme coup d'accélérateur» d'ici les JO 2024

Le meurtre a eu lieu vendredi à Sialkot, dans la province du Pendjab, à environ 200 km au sud-est de la capitale Islamabad, après la diffusion de rumeurs indiquant que le directeur d’usine s’est rendu «coupable de blasphème», selon la police.

«Une rumeur s’est répandue dans l’usine selon laquelle le responsable avait déchiré une affiche religieuse et l’avait jetée dans une poubelle», a déclaré à l’AFP Zulfiqar Ali, un officier de police local.

Jusqu’à 120 personnes, dont l’un des principaux suspects, ont été arrêtées à la suite du meurtre, a indiqué à l’AFP Khurram Shehzad, un porte-parole de la police.

Selon Tahir Ashrafi, représentant spécial du premier ministre pour l’harmonie entre les religions, les ouvriers de l’usine s’étaient plaint avant le meurtre de la trop grande sévérité du responsable. «Les experts de la police enquêtent sur l’affaire, explorant plusieurs pistes, dont la possibilité que des employées de l’usine aient utilisé l’excuse de la religion pour se venger contre le responsable», a confié Tahir Ashrafi.

Des vidéos diffusées sur Twitter montrent la victime frappée par des individus, dont certains hurlent des slogans dénonçant le blasphème. D’autres images laissent ensuite apparaître son corps entièrement brûlé devant une foule de plusieurs dizaines d’hommes. Nombreux sont ceux qui ne font aucun effort pour cacher leur visage et vont même jusqu’à prendre des selfies devant le corps en feu.

Lire aussi article :  [UP] The World Ends With You aura finalement droit à une suite, et sur consoles

«La foule regardait tout cela en silence, et personne n’a tenté de lui porter secours», a déclaré à l’AFP Malik Naseem Awan, un avocat de Sialkot, en se disant profondément choqué. Presque tous les partis politiques et religieux, ainsi que la puissante armée, ont condamné le meurtre. Un responsable pakistanais a indiqué à l’AFP qu’Islamabad avait assuré aux diplomates sri-lankais que «tous ceux qui sont impliqués dans ce crime haineux» seraient «traduits en justice».

Dimanche 28 novembre dernier, des milliers de personnes avaient attaqué et incendié un poste de police dans le nord-ouest du Pakistan, après avoir demandé aux policiers de leur remettre un homme accusé d’avoir brûlé le Coran.

Plusieurs précédents

En juin 2017, Mashal Khan, 23 ans, a été battu et blessé par balle avant d’être jeté du deuxième étage de sa résidence universitaire et tué. La police a ensuite déterminé qu’il était innocent des faits de blasphème dont on l’accusait.

Un jeune chrétien et son épouse enceinte, accusés d’avoir profané le coran, avaient été battus à mort en 2014 par une foule qui avait ensuite brûlé leurs corps dans le four d’une briqueterie dans le Punjab.

Le cas emblématique d’Asia Bibi

De même, la chrétienne Asia Bibi avait été condamnée à mort pour blasphème en 2010, après avoir été accusée par deux villageoises musulmanes, avec qui elle travaillait, d’avoir «insulté le prophète» lors d’une querelle autour d’un verre d’eau.

Son cas était devenu emblématique des dérives de la loi sur le blasphème au Pakistan, via la diffusion de fausses accusations. Cette quinquagénaire avait fini par être acquittée en 2019 par la Cour suprême pakistanaise, la plus haute instance judiciaire du pays, après avoir passé plus de huit ans dans les couloirs de la mort.

Lire aussi article :  Tite espère «un grand spectacle» pour Argentine-Brésil



Source link