Qui est Invader ?
Avec Banksy, il est l’un des street artist les plus connus dans le monde tout en étant… parfaitement anonyme ! C’est tout juste si le pseudonyme d’Invader laisse deviner un profil de quinquagénaire, biberonné gamin aux premiers jeux vidéo, s’éclatant à jouer à Pong sur un gros téléviseur cathodique branché sur une Atari 2600 à cartouches. Avec un style unique, l’artiste s’est fait connaître en « envahissant », selon sa propre expression, les villes de ses créations : c’est le projet Space Invader.
Le projet Space Invader c’est quoi exactement ?
Au coin d’une rue, au-dessus d’un porche, d’un pont… Où que vous vous trouviez sur cette planète, vous avez sûrement croisé ces œuvres en carreaux de céramique lors de vos promenades urbaines. Entre art conceptuel et street art, le projet Space Invaders consiste à « envahir » l’espace urbain avec des space invaders, mosaïques puisant dans l’esthétique du 8-bit, celle des premiers jeux vidéo aux personnages numériques ultra-pixelisés.
Presque vingt-cinq ans que ça dure ! Les badauds sont intrigués, les collectionneurs d’art en sont fous… Et pas seulement, puisque la chasse aux œuvres d’Invader excite toute une communauté qui les « flashent » (photographient) avec l’application « FlashInvaders » créée en 2014 par l’artiste. Le principe ? Vous « flashez » la mosaïque in situ et un algorithme de reconnaissance d’image et de position GPS vous attribue des points. Mais sachez que votre score sera sacrément challengé ! En effet, « FlashInvaders » rassemble aujourd’hui près de 300 000 joueurs internationaux et plus de 16 millions de flashs ont déjà été validés.
Combien y en a-t-il ?
Peu d’artistes contemporains peuvent se targuer d’un tel corpus ! Au 10 novembre 2022, on compte 4 066 mosaïques d’Invader dispersées dans 170 villes du globe. Invader est un infatigable « spotteur » toujours à l’affut d’un endroit qui fera mouche : « La phase de repérage et de recherche des spots est un élément capital de mon modus operandi, explique l’artiste. Ce choix obéit à quelques critères tout en étant très subjectif. En tous cas, quand un spot attire mon attention, je prépare la mosaïque qu’il va recevoir et je mets tout en œuvre pour l’atteindre. C’est pourquoi j’ai souvent qualifié ma pratique d’acupuncture urbaine. »
Quand et où tout a commencé ?
C’est dans une ruelle de banlieue parisienne que l’aventure a démarré. Mais l’artiste n’ayant pas pris soin de photographier sa mosaïque in situ, avant sa disparition, il n’en reste rien… On n’y reprendra plus Invader qui, dès lors, va tout archiver. On trouve ainsi à Paris PA_01 (son numéro d’inventaire selon le propre système de catalogage de l’artiste, deux lettres pour la ville et un chiffre), aujourd’hui comme fossilisé dans le ciment où il a pris le 15 janvier 1998 passage de la Main-d’Or, dans le 11e arrondissement. Ce space invader de 117 carreaux de céramique de 2 × 2 cm (de couleur turquoise pour la créature, rouge pour les yeux, sur un fond jaune doré) fait partie de la première « vague » d’« invasion » de la capitale française qui rassemblera 147 mosaïques collées en cette année 1998.
Les villes les plus envahies ?
Avec 1 467 space invaders, Paris et sa banlieue arrivent largement en tête des terrains préférés de l’artiste. Juste derrière, mais avec un chiffre nettement moins haut de 219 space invaders collés, on trouve New York. La Grosse Pomme est talonnée par Los Angeles qui trône à la 3e place du podium avec 214 œuvres. La France est de loin le pays le plus envahi avec 2 025 pièces disséminées sur 98 villes. Mais on trouve des space invaders sur les cinq continents, avec quelque 100 œuvres en Afrique et 405 en Asie, principalement au Japon et à Hong Kong mais aussi jusqu’au Bhoutan et au Népal !
Pour les repérer, se munir des « Invasions Maps » ! Ces cartes éditées par l’artiste pour un certain nombre d’invasions indiquent la position approximative de chaque pièce posée. Disponibles en version imprimée, en quantités limitées, ces cartes sont aussi accessibles sur le site de l’artiste où le décompte des invasions est aussi tenu à jour en temps réel.
Mais ce qu’on voit en galeries c’est quoi au juste ?
Aux aliens urbains, dont le nombre est en constante évolution, il faut ajouter les « Alias », soit le double unique d’une mosaïque in situ que l’on peut voir en galeries, dans les musées, ou chez quelques heureux collectionneurs. Voués au marché de l’art, les « Alias » sont réalisés sur des panneaux de plexiglass et abritent une carte d’identité avec des informations (métadonnées) sur la mosaïque in situ : matricule et photo de la mosaïque source, date et numéro chronologique d’installation, adresse, taille, score, etc. Invader consigne tout ! Les élus sont toutefois rares car l’artiste sélectionne avec soin les créatures de pixels auxquelles il donnera une seconde vie avec un « Alias ».
Quels sont les plus difficiles à atteindre ?
Ces space invaders là se sont échoués ! Au-delà du bitume, l’artiste n’a pas hésité à gagner la mer, des calanques de Marseille, cité quadrillée en 2020, jusqu’au large à Perth, aux confins australiens, où une mosaïque trône sur une balise marine depuis le 22 octobre 2002. Voire par moins de trois mètres sous les eaux turquoise du Mexique, à Cancún. Un spécimen est aussi stratosphérique puisque Space2 culmine à près de 400 km au-dessus de la Terre, gravitant à bord de l’ISS depuis le 12 mars 2015. Petit tip : s’il est difficile d’aller le voir in situ sans être Thomas Pesquet, vous pouvez flasher la créature lorsque l’ISS passe dans le ciel par temps clair au-dessus de vous !
Mention spéciale au 4 000e space invader !
Le plus symbolique est aussi le plus perché ! POTI_01 est la 4 000e mosaïque d’Invader. Elle a été posée le 31 décembre 2021, dernier jour de l’année, à Potosí, une des villes les plus hautes du monde au cœur de la Bolivie, sur un mur qui culmine précisément à… 4 000 mètres d’altitude !
Du 10 décembre 2022 au 22 janvier 2023
La galerie Over The Influence, fraîchement inaugurée il y a quelques mois à deux pas de la place Beauvau à Paris, dédie ses cimaises à Invader pour son premier solo show officiel dans une galerie parisienne, après onze années d’expositions à l’international et en musées. Le parcours rassemble 50 Alias créés en référence à 50 space invaders de la planète et retrace cette «invasion mondiale» débutée il y a vingt-cinq ans.
Galerie Over the influence • 2 Rue des Saussaies • 75008 Paris
overtheinfluence.com
Invader Rubikcubist
Du 24 juin 2022 au 8 janvier 2023
Mima • 41 Quai du Hainaut • 1080 Molenbeek-Saint-Jean
www.mimamuseum.eu
Foire foraine d’art contemporain
Du 17 septembre 2022 au 29 janvier 2023
CENTQUATRE-PARIS • 5 Rue Curial • 75019 Paris
www.104.fr
Le livre à se procurer
4000 — The Complete Guide to the Space Invaders, 1998 – 2021
C’est une encyclopédie et un trésor pour les collectionneurs ! Editée par l’artiste, 4000 — The Complete Guide to the Space Invaders, 1998 – 2021 est une somme, joliment imprimée en format poche sur un papier bible, qui rassemble de façon exhaustive les 4 000 mosaïques posées en vingt-cinq ans de travail d’Invader. Quelle œuvre ! En 1 024 pages, tout est soigneusement répertorié, année par année, jour par jour, ville par ville, mosaïque par mosaïque… Quel voyage ! Ouvert sur cinq continents, ce livre-manifeste dessine les contours, photos à l’appui et géniales infographies, d’un projet en constante mutation.
Control P Editions • anglais / français • 40 €
Disponible en librairie à partir du 10 décembre 2022 et sur le site de l’artiste
https://space-invaders.com/spaceshop pour l’international dès janvier 2023.
Avec une préface de Jean-Baptiste de Panafieu, docteur en océanographie biologique et un épilogue d’Invader.