Tour d’horizon des moyens de lutte – Les oiseaux, véritable fléau pour la culture de tournesol


Les oiseaux représentent une véritable problématique pour les producteurs de tournesol. En cas d’attaque, plus d’une parcelle sur deux a fait l’objet d’un re-semis en 2020, selon Terres Inovia. Quels sont les moyens de lutte possibles pour aujourd’hui et demain ?

Robustesse, efficience à l’eau, très bon précédent pour une céréale… : c’est indéniable, le tournesol présente de multiples atouts agronomiques. Cependant, depuis plusieurs années, les dégâts d’oiseaux représentent un tel fléau (principalement à la levée en Europe) que de nombreux producteurs vont parfois jusqu’à abandonner la culture… 

« Plus d’un tiers des parcelles de tournesol étaient, en effet, concernées en 2020 (enquête pratiques culturales Terres Inovia et Vigicultures) », indique Christophe Sausse, chargé d’études chez Terres Inovia, au département agronomie, économie et environnement, dans le webinaire « Tournesol, vers une culture robuste et rentable ».  

Retrouvez tous les résultats de l’enquête « Dégâts d’oiseaux dans les cultures d’oléo-protéagineux 2020 »

« Le pigeon ramier reste l’ennemi numéro un »

Parmi les oiseaux signalés, le pigeon ramier, ou palombe, est celui qui « rassemble le plus de signalements (57 %) ». Viennent ensuite « les corvidés, et en particulier le corbeau freux et la corneille noire, sur la seconde place du podium (15 %). Ces espèces sont historiquement plus présentes sur les territoires du grand Est et du Centre. Les pigeons bisets, ou de ville, sont quant à eux signalés dans près de 7 % des cas ».

Dégâts d’oiseaux signalés sur les oléo-protéagineux en France en 2020 (©Terres Inovia)

Quels sont les moyens de protection aujourd’hui ? 

Pour faire face à cette problématique, la plupart des agriculteurs mettent en place un dispositif de protection (86 % des parcelles signalées). « Et le moyen le plus cité reste l’effaroucheur, qu’il soit sonore (type canon/tonne-fort…) ou visuel (épouvantails, corbeaux volants…) ». Pour Christophe Sausse, il est important de les « utiliser de façon mesurée pour éviter que les oiseaux ne s’habituent ». Selon l’enquête, les principales autres pratiques de lutte sont l’intervention de chasseurs ou l’usage de répulsifs.

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Pour ce dernier, deux types de produits de biocontrôle peuvent être employés, en plein lorsque les tournesols lèvent (AMO 03-09, Avifar, Gibstop) ou sur les semences (PNF19). Néanmoins, si les essais réalisés entre 2016 et 2019 montrent des « effets possibles, ils sont (très) faibles et aléatoires, indique l’expert. De plus, le positionnement des traitements en plein est assez délicat ».

Usage d’engrais starter ou semis de tournesol sous couvert ? 

« L’utilisation d’engrais starters (Ecobios, Trika Expert, Microplus) ou de variétés « vigoureuses », testés par l’institut technique entre 2016 et 2019, ne présente pas, non plus, de preuves tangibles d’un raccourcissement de la phase sensible », précise Christophe Sausse. Autre technique mise à l’essai : le semis de tournesol sous couvert, pour un effet de confusion. « Le couvert, d’orge ou de féverole, doit être semé 40 jours avant le tournesol et sera détruit au plus tard au moment du semis de tournesol ». D’après les neuf essais en bandes mis en place entre 2016 et 2019, les résultats sont, pour le moment, mitigés : leur réussite est possible, à conditions que « la pression oiseaux reste modérée et que le climat soit favorable pour l’implantation du couvert et le semis du tournesol ».

Christophe Sausse souligne notamment les soucis de concurrence entre la culture et le couvert dans certains cas. Des tests ont aussi été réalisés avec des couverts à l’automne, mais sans résultats intéressants pour le moment…

Résultats d’essais de semis direct de tournesol sous couvert (neuf essais en bandes entre 2016 et 2019). (©Terres Inovia)

Et demain ? 

D’autres pistes sont en cours, comme l’usage « d’un drone terrestre couplé à un effaroucheur AgriProtech. Les drones volants sont aussi étudiés aux États-Unis et en Australie. Cela pourrait se développer dans les années à venir, même s’il reste en France la question réglementaire à soulever. Le drone ne peut être complètement autonome, il faut qu’il y ait un opérateur à vue. […] Chez Terres Inovia, nous travaillons en lien avec Inrae pour développer un boîtier de détection optique en temps réel, qui permettrait de déclencher un signal d’effarouchement à chaque détection (projet Plant2Pro C3PO) », détaille Christophe Sausse. 

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Les agriculteurs font également des tests sur leurs exploitations, à l’instar de Christian Daniau, producteur en Charente, qui a semé ses tournesols de manière très précoce, début mars en zone boisée. Objectif : « obtenir des levées avant l’arrivée des jeunes pigeons et la pousse des arbres qui servent de refuge ». L’agriculteur donne rendez-vous en avril pour les résultats. 

À l’inverse, Jacky Berland, agriculteur en Vendée, les sème plutôt fin juin (dérobé de blé). Là encore, le but est d’ être en décalé par rapport au cycle des ravageurs. Il confie « n’avoir jamais de dégâts d’oiseaux ». 

Au-delà de la parcelle, l’institut technique pense également à une gestion à l’échelle du paysage ou de la région face à cette problématique. « Une étude sur 100 parcelles, avec 1 parcelle attaquée par jour au stade sensible (vert vif), a, par exemple, montré qu’en cas de levée groupée, le nombre de parcelles attaquées était de 12, contre 20 en cas de levée étalée, indique Christophe Sausse. Cela consiste à jouer sur l’offre. Il faut également voir comment varie la demande pour déterminer quand semer au bon moment, quand les oiseaux consomment moins ou consomment autre chose ». Pour l’expert, « l’avenir est donc plutôt à une  gestion territoriale équilibrant offre et demande, s’appuyant aussi sur les  leviers technologiques et les partenariats/échanges d’informations (agriculture, chasse, naturalistes, voire secteur urbain).

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Quelques règles pour une approche intégrée 

En attendant, si «  la solution miracle n’existe pas aujourd’hui », quelques règles permettent une « approche intégrée » : 

  • « Respecter les fondamentaux d’un semis réussi : date, état du lit de semence, réglage et conduite du semis, protection contre les ravageurs » ;
  • « Éviter les parcelles historiquement exposées, la proximité de colonies de corbeaux freux » ;
  • « Être attentif à l’activité des oiseaux avant semis et si nécessaire, recourir aux possibilités de destruction conformément à la réglementation » ;
  • « Si possible, coordonner les semis avec les voisins » ;
  • « Protéger les parcelles avec une utilisation mesurée d’effaroucheurs (l’effet des répulsifs est trop faible) ».

Malgré toutes ces mesures, un re-semis peut parfois être nécessaire. En 2020, « plus d’une parcelle sur deux en a fait l’objet, une proportion équivalente à 2019, mais bien supérieure à la campagne 2018 (une parcelle sur trois re-semée) », précise l’enquête Terres Inovia. Rappelant le surcoût économique d’un re-semis, Christophe Sausse note que cette décision ne doit « se baser que sur un  diagnostic visuel au niveau des plants,  et non sur une vision globale de l’état de la parcelle. Les plants dont les cotylédons sont coupés, même ras, restent viables ». 

Enfin, dernier point : afin de mener des études et d’avancer sur des méthodes de prévention potentielles, Christophe Sausse appuie aussi sur l’importance de déclarer les dégâts observés via l’enquête Terres Inovia dédiée





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