Témoignage C. Benoist (45) – La course contre la montre des betteraviers pour sauver leur récolte


« Ici, il y a une malheureuse survivante. Pour en retrouver, c’est un sacerdoce ». Agenouillé dans sa parcelle de la Beauce frappée depuis deux semaines par le gel, Cédric Benoist dresse un amer constat : il va devoir resemer ses 18 hectares de betteraves à sucre pour tenter de sauver une récolte.

« On est dans une parcelle qui a été semée le 10 mars, les betteraves étaient parfaitement levées, parce qu’il y a eu de la pluie derrière », mais le froid a frappé au « stade le plus fragile de la plante », explique, dépité, Cédric Benoist, installé depuis 1995 à proximité de Pithiviers (Loiret), où il cultive aussi des céréales. « On a eu des gelées noires, des gelées sèches, ici on a eu – 7 degrés, avec un vent du nord. (…) Quand vous avez une plante très poussante et un coup de froid par-dessus, c’est comme si on vous sortait de la douche et qu’on vous mettait dehors par – 10 degrés : ça ne va pas le faire », explique l’agriculteur.

L’expert dépêché vendredi par son assureur arrive à point nommé pour confirmer le diagnostic : il déroule un ruban sur quelques mètres pour mesurer son terrain d’expertise, sort un couteau qu’il plante doucement dans la terre pour exhumer les graines, une à une, avec rien autour, sans feuilles. Alors qu’un hectare compte habituellement 110 000 plants au moment des semis, un peu moins à la récolte, « sur la mesure qu’on vient de faire, on a 12 000 pieds à l’hectare qui ne feront rien », confirme Alain Coquelet, l’expert d’assurance. Il va donc pouvoir déclencher l’indemnisation des coûts liés à cette nouvelle opération de semis, soit 300 liée principalement au coût des graines. Mais cela ne couvrira pas toutes ses pertes : Cédric Benoist pourrait in fine perdre 300 euros par hectare en termes de rendement.

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«  C’est la course, pour resemer. Plus vous reculez, plus vous perdez du potentiel de rendement. La graine doit rattraper son retard par rapport à une date de semis normale », explique l’agriculteur.

Le spectre de la jaunisse

Seul problème, les graines « arrivent au compte-gouttes », selon Cédric Benoist, qui n’est évidemment pas le seul à vouloir resemer son champ. « Il y a une pression terrible sur les semenciers, il faut qu’ils produisent, c’est comme les vaccins. C’est assez tendu, il y en a qui ne comprennent pas » le manque de disponibilité de semences, explique-t-il. L’une des deux coopératives avec laquelle il est sous contrat lui a livré des graines le matin même. Il remplit avec ce qu’il a la douzaine de bacs qui composent son semoir, large comme trois fois son tracteur, avant de parcourir ses terres de long en large.

« Les graines manquantes devraient être là ce week-end. En milieu de semaine, si tout va bien, tout devrait être resemé », assure toutefois l’agriculteur. Sous un ciel changeant, avec une épaisse couverture nuageuse, le fond de l’air reste frais, ce qui rend finalement moins graves ces petites difficultés logistiques : « on continue d’avoir des gelées à – 2, – 3 degrés, depuis une semaine, ça empêche la reprise de la végétation ».

Ce n’est d’ailleurs pas ce qui l’inquiète le plus : « On n’a pas droit à un deuxième semi en semences néonicotinoïdes, donc on prend un deuxième risque vis-à-vis de la jaunisse », explique-t-il en référence à cette maladie causée par un puceron vert qui a occasionné de lourdes pertes de rendements en 2020 et amené le gouvernement à réautoriser provisoirement l’usage des insecticides controversés car « tueurs d’abeilles », en enrobage de semences.

La crainte de Cédric Benoist est compréhensible : le plus fort du gel est tombé pile dans les régions touchées par la jaunisse l’année dernière, au sud de Paris, selon le syndicat des betteraviers. Ce qui amène l’agriculteur à se demander en conclusion: « Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? », en riant, un brin désabusé.

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