Taha Bouhafs reconnu coupable d’injures raciales envers Linda Kebbab


Le jugement a été rendu ce mardi 28 septembre par le tribunal correctionnel de Paris.

Le journaliste militant Taha Bouhafs a été reconnu coupable d’injure publique à raison de l’origine mardi 28 septembre par le tribunal correctionnel de Paris pour avoir qualifié la syndicaliste policière Linda Kebbab d’«arabe de service». Il est condamné à payer une amende de 1500 euros et devra aussi payer 2000 euros de dommages et intérêts à Linda Kebbab.

Le tribunal a considéré que l’expression «arabe de service» constitue «un propos outrageant et méprisant» envers Linda Kebbab et qu’en le tenant Taha Bouhafs s’est volontairement fondé sur son origine, à laquelle il l’a réduite pour l’assigner à une place peu valorisante voire dégradante pour une syndicaliste d’alibi, ce qui par ailleurs a pour effet de décrédibiliser ses déclarations.

«C’est une décision à la fois logique et importante. Logique car le tribunal a confirmé sa jurisprudence. Et importante car Monsieur Bouhafs, militant muni d’une carte de presse, a tenté d’obtenir de la justice une définition du racisme conforme à l’idéologie indigéniste. Il était donc essentiel que les magistrats gardent le cap face à une idéologie dont l’objectif est de fracturer la société française», réagit auprès du Figaro Me Thibault de Montbrial, avocat de Linda Kebbab. «Ma cliente est particulièrement heureuse de cette décision car les propos de Monsieur Bouhafs l’avaient très profondément affectée», ajoute-t-il.

Pour rappel, le jugement avait été mis en délibéré, mercredi 9 juin, après un débat contradictoire de près de dix heures. Le procureur de la République avait alors requis 1500 euros d’amende à l’encontre de Taha Bouhafs évoquant «un propos intrinsèquement raciste qui tombe sous le coup de la loi».

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L’affaire Adama Traoré en toile de fond

Les faits relatifs à cette affaire remontent au 3 juin 2020, au lendemain d’une manifestation interdite dénonçant les «violences policières» organisée à Paris à l’initiative de proches d’Adama Traoré, un jeune homme mort en 2016 dans des conditions controversées. Invitée sur France Info, Linda Kebbab, déléguée nationale du syndicat de police Unité SGP-FO, avait alors accusé Assa Traoré, la sœur d’Adama Traoré, de se «saisir» de la mort de George Floyd aux États-Unis pour faire valoir ses propres intérêts.

«Le fond du problème, c’est cette affaire, avec cette jeune fille, la sœur d’Adama Traoré, dont je comprends la colère et la souffrance d’avoir perdu son frère, qui se saisit d’une affaire américaine qui n’a absolument rien à voir, ni dans son histoire, ni dans son fond, ni dans sa technicité», avait déclaré Linda Kebbab. Dans un message posté le jour même sur Twitter, Taha Bouhafs avait commenté l’intervention médiatique de Linda Kebbab en la qualifiant d’«ADS : Arabe de Service», avant d’effacer son tweet. La policière avait déposé plainte dans la foulée pour injure publique à caractère raciste.

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Deux visions de la société

L’audience du mercredi 9 juin avait donné lieu à des débats animés autour de la définition du racisme, opposant deux visions de la société aux antipodes. Lors de cette audience, Taha Bouhafs s’était défini comme «un journaliste de gauche» et «un militant antiraciste». «Linda Kebbab est une syndicaliste qui fait de la politique et utilise son origine pour invisibiliser le racisme dans la police», avait accusé le jeune homme de 24 ans. «La formule («arabe de service», NDLR) n’était pas la bonne mais il n’y avait pas d’intention raciste (…) Je visais son discours et sa place dans le champ social et politique, pas son origine», avait-il assuré.

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«Monsieur Bouhafs parle de Madame Kebbab en tant que syndicaliste de police. Il n’a aucune animosité personnelle. Le problème c’est qu’elle tient un discours qui utilise son origine pour protéger une institution raciste», avait appuyé Me Arié Alimi, l’avocat de Taha Bouhafs. «Linda Kebbab a été mandatée pour fermer les yeux sur les actes racistes dans la police», avait lui renchéri Me Yassine Bouzrou, qui défendait également le journaliste militant.

Au cours de l’audience, de nombreux militants décoloniaux avaient également défilé à la barre à la demande de la défense. «Le racisme est lié à une histoire. Peut-on isoler une scène entre deux individus de toute une histoire sociale ?», avait notamment questionné le sociologue Éric Fassin. La militante féministe Françoise Vergès avait quant à elle estimé qu’«arabe de service» est «une expression politique et sociale» recouvrant une instrumentalisation d’individus et mettant en lumière une stratégie du racisme.

Je ne suis pas une indigène, je suis Française !

Linda Kebbab, déléguée nationale du syndicat de police Unité SGP-FO

«J’ai été souillée par cette injure», avait de son côté expliqué Linda Kebbab, au bord des larmes. «C’est comme si je n’avais pas d’intelligence, pas de compétence, pas de courage. Mais que j’étais là parce que je suis une Arabe et que c’est la seule raison pour laquelle on me connaît (…) je suis policière parce que j’aime mon métier», avait-elle poursuivi, très émue. «Vous êtes censé lutter contre le racisme mais vous assignez les gens», avait aussi dit la syndicaliste policière en s’adressant à Taha Bouhafs. Avant d’affirmer avec force : «Je ne suis pas une indigène, je suis Française !».

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«Quand on regarde le parcours de Monsieur Bouhafs, on voit qu’il est dans une logique de fracturation de la société», avait lui plaidé Me Thibault de Montbrial, l’avocat de Linda Kebbab. «La stratégie indigéniste, c’est de tout faire pour que les jeunes d’origine étrangère ne rentrent pas dans l’universalisme républicain. Ce discours, c’est ‘soit tu es leur larbin et tu nous trahis, soit tu es leur victime’», avait conclu l’avocat.



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