Sébastien Lecornu au front pour sortir du piège antillais


RÉCIT – Le ministre des Outre-mer est arrivé dimanche soir en Guadeloupe pour tenter de trouver une issue au conflit et entamer des discussions sur l’autonomie de l’île.

Envoyé spécial à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe).

Dépêché dimanche en Guadeloupe, quinze jours après le début d’un mouvement de contestation de l’obligation vaccinale des soignants et des pompiers, Sébastien Lecornu a tenu à réaffirmer la ligne initiale de l’exécutif: la fermeté. Ce sont les forces de l’ordre qui devaient être les premières à être visitées par le ministre des Outre-mer. À Pointe-à-Pitre, où le calme revient peu à peu après les scènes de pillages de la semaine dernière, avant de se rendre mardi en Martinique, il fait cette promesse: «Je n’incarnerai jamais un État faible

Son allocution prononcée la veille a pourtant suscité le trouble de l’opposition. En se disant «prêt à parler» de «l’autonomie» de la Guadeloupe, il a provoqué la réaction courroucée de Marine Le Pen qui l’a accusé de «lâcher» l’archipel caribéen. «Les Guadeloupéens et les Martiniquais ne veulent pas moins d’État, au contraire: ils entendent que l’État se tienne à leurs côtés et assume ses responsabilités», a également estimé Xavier Bertrand, pendant que la contestation fait tache d’huile en Martinique.

«Des urgences multiples»

Ces critiques, Sébastien Lecornu n’en a cure. «Confondre autonomie et indépendance, c’est le signe d’une faillite culturelle très forte de décideurs parisiens à l’endroit de l’outre-mer», explique-t-il. Lui veut d’abord envoyer un message de responsabilité aux élus locaux alors que les problématiques auxquelles sont confrontées les Antilles sont innombrables et anciennes. En mettant sur la table ce sujet cher à la classe politique locale, il cherche avant tout à les renvoyer à leurs responsabilités. En comptant sur la défiance de la population à leur endroit. L’autonomie, «c’est une demande des élus mais pas forcément celle de la population», observe d’ailleurs Victorin Lurel, le sénateur socialiste de Guadeloupe interrogé par Franceinfo.

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Devant les élus locaux qu’il rencontrera ce lundi, Sébastien Lecornu rappellera néanmoins l’engagement de l’État à financer 1000 emplois aidés pour les jeunes. Là encore, charge aux collectivités de se saisir puis de déployer cette proposition. Malgré ces annonces – dont le report au 31 décembre la mise en œuvre de l’obligation vaccinale des soignants qui devait initialement s’appliquer le 15 novembre -, Sébastien Lecornu réfute l’idée selon laquelle l’État serait en train de céder du terrain aux émeutiers.

Il n’empêche, sa méthode interroge au sein même de la majorité. Des députés regrettent de ne pas avoir été associés. «Le terme d’autonomie n’a pas été validé en amont», jure un conseiller de l’exécutif dubitatif devant la façon dont le ministre des Outre-mer gère la crise. «Le vrai drame, y compris parfois dans la majorité c’est qu’il y a de moins en moins de culture ultramarine», tance Sébastien Lecornu, sûr de son initiative. Qui ajoute: «Le discours du président à l’AMF est du même ordre, face à certains élus qui demandent plus de décentralisation mais pas toujours les responsabilités qui vont avec

À l’Élysée, on ne s’étend pas sur le sujet. Consigne était donnée dimanche de rappeler que «personne n’a parlé d’indépendance, donc de moins d’État», dixit Christophe Castaner, le patron des députés LREM interrogé sur BFMTV. Et ce dans un contexte de référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, le 12 décembre prochain.

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Seul en piste

À l’Élysée, cette crise a allumé tous les warnings. À la contestation des mesures sanitaires contre le Covid, se mêlent des interrogations identitaires par rapport à la métropole, une dérive émeutière des manifestants et des revendications sociales… «Les urgences sont multiples», observe-t-on dans l’entourage du chef de l’État. Emmanuel Macron suit de très près l’évolution de cette situation que le chef de l’État qualifie «d’explosive». Il a encore échangé samedi avec son ministre des Outre-mer.

Pas question pour autant de donner l’impression de paniquer en réagissant trop fort. «Le président surveille mais il n’a pas d’inquiétude outre mesure», assure l’un de ses proches. «Il faut garder son sang-froid, éviter les récupérations et constater que les choses s’améliorent», souffle-t-on à l’Élysée. Seul Sébastien Lecornu a été dépêché sur place. Il faut dire que les volontaires n’étaient pas nombreux pour l’accompagner. Directement concerné par la crise, le ministre de la Santé, Olivier Véran, préfère se concentrer sur la recrudescence de l’épidémie dans l’Hexagone. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, n’a pas non plus fait le déplacement malgré le souhait du président de la région Guadeloupe, Ary Chalus.

Voilà donc le ministre des Outre-mer seul en piste, sous le regard attentif de macronistes qui ne lui veulent pas que du bien. Son intention de jouer un rôle de premier plan lors de la prochaine campagne présidentielle d’Emmanuel Macron crispe quelques ministres rivaux. «Ces commentaires de courtisans anonymes m’indiffèrent», confie-t-il. À moins de cinq mois de l’élection présidentielle, Sébastien Lecornu avance sur un fil. L’accueil qui lui sera réservé aux Antilles sera scruté.

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