Qui était le facteur Cheval, autodidacte créateur du Palais idéal ?


En bref

Si la peinture eut son douanier en la figure d’Henri Rousseau, l’architecture eut son facteur. Ferdinand Cheval (1836–1924) est le créateur du Palais idéal, « rare architecture naïve » (André Malraux), situé dans une commune rurale de la Drôme. Personnage fantasque, un peu poète, un peu architecte, un peu farceur, le facteur Cheval est moins un fou qu’un héroïque et obstiné rêveur, admiré dans les années 1930 par les surréalistes. Il est considéré comme préfigurateur de l’art brut.

Portrait photographique de Ferdinand Cheval, dit le Facteur Cheval

Portrait photographique de Ferdinand Cheval, dit le Facteur Cheval

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© Bridgeman Images / Photo Patrice Cartier

Il a dit

« 10 000 journées, 93 000 heures, 33 ans d’épreuves, plus opiniâtre que moi se mette à l’œuvre. »

Sa vie

Ferdinand Cheval est né dans une famille de cultivateurs pauvres de la Drôme, où il passe toute sa vie. D’abord boulanger, marié avec Rosalie et père de famille, Ferdinand semble voir sa vie toute tracée. Mais le décès de son premier enfant le conduit à abandonner son premier métier. Devenu ouvrier agricole, il connaît une certaine misère et passe le concours pour devenir facteur. En 1869, il est affecté à Hauterives et parcourt tous les jours à bicyclette les 32 kilomètres qui le séparent de Tersanne, sous le soleil de la Drôme. Il conserve cette tournée jusqu’à la retraite.

Quelques années après la mort de sa femme, et son remariage en 1878, le facteur, poète à ses heures, élabore un étonnant projet après avoir simplement buté sur une pierre. Élever le palais de ses rêves. Un château en Espagne ? Non, une architecture totalement baroque et farfelue, à l’image d’un palais hindou imaginaire, à Hauterives. Trente ans sont nécessaires à la création de ce lieu tout à fait unique, édifié totalement de ses mains, à l’aide de pierres amassées patiemment pendant des années grâce à sa « fidèle brouette ».

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Son entreprise est le fruit d’une passion, et d’une obstination tenace. Le facteur commence par creuser les fondations de son Palais idéal, composé de deux façades monumentales à l’est et à l’ouest de 26 mètres de haut, et de deux autres façades (nord et sud) d’une dizaine de mètres. Ces deux dernières sont reliées par un véritable labyrinthe de sculptures. L’ensemble architectural est solidifié au moyen d’armatures métalliques, d’un mélange de chaux et de ciment. Le Palais idéal est ainsi officiellement achevé en 1912.

Les influences esthétiques du facteur ne sont pas clairement connues. Sans doute s’inspire-t-il de magazines (Le Magasin pittoresque) présentant des reportages sur des contrées exotiques. Ce doux rêveur s’est créé un monde peuplé de personnages fantastiques, à mi-chemin entre tradition médiévale et imaginaire cosmopolite, mêlant représentations animalières (pieuvre, pélican, ours, éléphant…), personnages mythologiques et formes végétales. Les murs accueillent diverses inscriptions poétiques, inventées par le facteur.

Le Palais idéal du Facteur Cheval

Le Palais idéal du Facteur Cheval

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© Frederic Jouhanin Le Labo

S’il est perçu comme un fou par les habitants de son village, le facteur Cheval accueille volontiers des visiteurs à partir de 1905. Il met d’ailleurs en place une billetterie et construit un belvédère pour mieux observer l’édifice ! Son œuvre est connue, fait parler d’elle. En 1907, il intente même un procès à un éditeur de cartes postales qui commercialise des images du Palais sans son consentement.

Juste à côté du Palais, Ferdinand Cheval a fait construire la villa Alicius, dédiée à sa fille adorée Alice, morte à l’âge de 15 ans en 1894. Si le facteur souhaitait se faire lui-même inhumer dans son Palais idéal, il n’obtient pas les autorisations nécessaires et s’attèle dès lors à la création d’un tombeau dans le cimetière communal d’Hauterives. Le Tombeau du silence et du repos sans fin est achevé en 1922, deux ans avant que son créateur y soit enterré, à l’âge de 88 ans.

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André Breton découvre le palais du Facteur Cheval en 1931 et s’y rend régulièrement. Considérant Ferdinand Cheval comme « le maître incontesté de l’architecture et de la sculpture médianimiques », il intéresse ses amis surréalistes à cette œuvre spectaculaire et unique, préfiguratrice de l’art brut. Classé monument historique par André Malraux en 1969, le lieu accueille aujourd’hui un musée d’art brut et contemporain. En 2019, l’histoire du facteur Cheval a inspiré la réalisation d’un film par Nils Tavernier, L’Incroyable Histoire du facteur Cheval.

Ses œuvres clés

Carte postale figurant la façade Ouest du Palais Idéal du facteur Cheval à Hauterives (Drôme)

Carte postale figurant la façade Ouest du Palais Idéal du facteur Cheval à Hauterives (Drôme)

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Façade ouest

La façade semble tout droit sortie d’un rêve baroque. Elle invite en effet aux voyages imaginaires grâce à l’évocation d’un chalet suisse, d’un temple hindou, d’une maison algérienne et d’un château médiéval. Cet assemblage étonnant témoigne de l’imagination éclectique de son auteur, mais aussi de son syncrétisme. En effet, une mosquée figure aussi au programme à l’angle de cette façade. Le facteur Cheval était attiré par le mystère, sous toutes ses formes, visibles comme invisibles. Les artistes ont été nombreux, depuis les années 1930, à se passionner pour cette œuvre unique et la personnalité de son créateur, notamment André Breton, Pablo Picasso, Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely et Robert Doisneau.

L’une des galeries intérieures du Palais idéal du Facteur Cheval

L’une des galeries intérieures du Palais idéal du Facteur Cheval

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© Gil Giuglio / hemis.fr

La galerie

Il s’agit sans doute de la partie la plus spectaculaire du Palais idéal. Ce long couloir intérieur est peuplé de tout un bestiaire fantastique modelé en bas-relief. Autodidacte, le facteur Cheval se montre sensible au maniement des formes depuis son expérience de boulanger. D’une manière générale, le Palais idéal est d’une grande richesse ornementale, très inventive, mêlant références au monde réel et à l’imaginaire médiéval, mythologique, hindou, oriental…

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La tombe de Ferdinand Cheval, dit facteur Cheval, au cimetière communal de Hauterives

La tombe de Ferdinand Cheval, dit facteur Cheval, au cimetière communal de Hauterives

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Tombeau du silence et du repos sans fin 

Installé dans le cimetière communal d’Hauterives, ce tombeau attire l’œil des promeneurs par son aspect très inédit, en lien avec l’esthétique du Palais idéal. Construit en ciment, il occupa le Facteur cheval pendant huit ans. Son décor est constitué d’éléments naturels incrémentés dans l’appareil de maçonnerie. Nous retrouvons l’inspiration exotique et fantastique qui préside dans le Palais idéal. Plusieurs références au christianisme y figurent, notamment une croix et la mention JMJ (Jésus Marie Joseph). L’auteur y plaça le tombeau de sa fille, avant d’y être lui-même inhumé en 1924 avec son épouse.



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