Quels sont les dangers des écrans sur les enfants ?


Le coup de gueule d’hommes de science !

L’objet de cet article n’est pas d’attaquer la technologie mais d’en pointer les effets indésirables avec un focus particulier sur les jeunes, les piliers de notre société actuelle et future.

La Fabrique du crétin digital

Il y a des coups de gueule que l’on peut qualifier de salvateurs. Ceux de Michel Desmurget, docteur en neurosciences et directeur de recherche en neurosciences à l’Inserm et du psychiatre et neurologue Manfred Spitzer en font partie.

L’origine de leur colère, ce sont les écrans et la place qu’ils prennent dans nos vies, et en particulier dans celles de nos enfants.

Dans l’ouvrage de Michel Desmurget au titre évocateur « La Fabrique du crétin digital », le couperet tombe : non, nos enfants ne passent pas trop de temps sur les écrans, ils en passent un temps astronomique.

Dès 2 ans, les enfants des pays favorisés cumulent en moyenne 3h d’écran par jour. Entre 8 et 12 ans, c’est 4h45 d’écran. Enfin, entre 13 et 18 ans, vous rajoutez encore 2h d’écran par jour.

Plus les enfants grandissent, moins ils ont besoin d’heures de sommeil. Les heures gagnées se retrouvent converties en heures passées devant un écran.

Si cela n’a l’air d’affoler personne, c’est en grande partie à cause de notre imaginaire collectif, pour qui le progrès technologique va dans le sens de l’Histoire, en plus d’être le socle de notre bien-être social.

Le progrès technologique comme mythe social

Rendons à César ce qui lui appartient, en reconnaissant les bienfaits indéniables du progrès technologique sur notre confort matériel. Cependant, il détient aussi sa part d’ombre, que l’on se refuse de voir par peur de contrarier notre mythe social.

Preuve en est cette fable qui donne à l’enfant du XXIème siècle un cerveau transcendé, du fait qu’il soit capable de manier un smartphone à 3 ans aussi bien que n’importe quel adulte. La technologie le rendrait plus curieux, intelligent, débrouillard et plus inventif.

Ces fables que l’on peut entendre sont issues de pseudos-experts présents dans les médias et de la bonne parole des dirigeants de sociétés numériques. Ceux-là même, à l’instar de Steve Jobs ou d’Evan Williams (fondateur de Twitter), qui interdisent à leurs propres enfants l’accès aux écrans.

Rien d’étonnant à cela. Comme Michel Desmurget, ce sont des hommes avertis des conséquences désastreuses des écrans sur le développement cognitif, émotionnel et physique des plus jeunes.

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L’impact désastreux des écrans sur l’intelligence et la santé des enfants

Pourquoi l’usage des écrans est dangereux pour un jeune cerveau ?

Pour qu’un jeune cerveau puisse se développer correctement, il a besoin de calme et de présence humaine. Or, les écrans privent les petits de l’un et de l’autre ! Le problème majeur des écrans est qu’ils envoient trop d’informations sonores et visuelles au cerveau d’un enfant de 2 ans en train de se construire. Le trop-plein d’informations l’empêche d’explorer ses sens.

Le cerveau souffre et se construit donc mal. Or, cela pose un double problème :

  • Ce sont pendant les premières années de vie que se développent les capacités de perceptions telles que le langage, la coordination motrice, les prérequis en mathématiques, les habitudes sociales et la gestion émotionnelle.
  • Mais c’est aussi à cet âge que le cerveau est le plus fragile. Il est semblable à une pâte à modeler, en train de construire ses bases et dont la texture durcira au fil des années. Ainsi, plus le tout-petit passera du temps devant les écrans, plus les séquelles subies perdureront.
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Enfin, c’est toujours par l’intermédiaire d’un autre adulte que l’enfant apprend. Aucun avatar digital ne peut remplacer un parent, ou tuteur, pour le développement social et émotionnel de l’enfant.

Pour résumer, les écrans isolent l’enfant et maltraitent son cerveau en lui envoyant des informations en continu. Les conséquences sont multiples et visibles pour qui sait observer.

Quand les écrans rendent idiots

  1. Les interactions humaines.

A 3 ans, quand un petit a passé plus de 3h sur un écran, les conséquences cérébrales se lisent dans son comportement social. En effet, il ne vous regarde pas quand vous vous adressez à lui, et ne communique pas ou ne recherche pas la présence des autres enfants. Enfin, il est soit très agité soit très passif.

  1. Le langage

Pour le développement de son langage, l’enfant a besoin qu’un adulte lui parle, lui dise de nommer des objets et l’encourage à parler. Or, passer son temps sur un écran réduit le volume et la qualité des premiers échanges verbaux.

  1. La concentration et l’attention

Nous devons à une filiale canadienne de la société Microsoft l’étude la plus récente à ce jour sur les effets négatifs des technologies numériques sur notre capacité d’attention. Si elle a été publiée sans tambour ni trompette, c’est sans doute, notamment, en raison des phrases suivantes :  » La durée moyenne d’attention s’élevait en l’an 2000 à 12 secondes; en 2013, elle n’était plus que de 8 secondes ( soit 1 secondes de moins que la durée dont est capable un poisson rouge !) » (#fakenews ? À ce jour il n’existe aucune étude mesurant les capacités d’attention d’un poisson rouge. Ce qui est intéressant ici c’est que c’est un des géants du secteur digital qui est à l’origine de cette information.)

Pour pouvoir se développer, le cerveau doit interagir avec le monde et donc être éveillé et concentré. D’après une étude publiée dans Pediatrics (une revue spécialisée très renommée), il a été démontré depuis déjà un certain temps que l’utilisation des supports avec écran est coresponsable du surgissement de troubles de l’attention type TDAH (Trouble de déficit de l’attention / hyperactivité ).

La concentration et l’attention sont importantes pour l’apprentissage. Sans elles, l’enfant rencontrera beaucoup de difficulté à mobiliser sa pensée et son énergie sur un but. Ce qui ne pourra que l’handicaper tout au long de sa vie.

  1. La dépendance

Comme tout un chacun, les enfants sont soumis aux injonctions du striatum , friand des nouvelles technologies. Mais celui-ci est encore plus puissant chez les enfants que chez les adultes.

Comme le souligne le psychiatre et neurologue Manfred Spitzer dans son livre « les ravages des écrans, les pathologies à l’ère numérique » c’est « parce que leur capacité d’apprentissage est plus forte que celle des adultes, et parce que la plasticité de leurs transmissions synaptiques est en comparaison plus grande aussi. Les petits apprennent beaucoup plus vite que les grands. À cela s’ajoute le fait que les zones du cerveau dédiées à la maitrise de soi se développent plus lentement que celles à l’origine du comportement impulsif. On observe donc au fil de la croissance une disproportion entre la capacité de vouloir quelque chose et celle d’avoir prise sur soi.

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Les médias numériques agissent sur ce déséquilibre-là comme des accélérateurs de feu : ils le renforcent et pour cette raison même exercent une influence plutôt néfaste sur le développement de la personnalité. »

Quand les écrans rendent malades

  1. Le sommeil 

Il est connu que les préadolescents et les ados manquent cruellement de sommeil à cause des écrans. Or, le sommeil, quelque soit notre âge, n’a pas de prix. Sans lui, nos capacités physiques et intellectuelles ainsi que notre gestion émotionnelle sont mises à mal.

  1. Les risques cardio-vasculaires et d’obésité

Bouger, marcher, courir et se dépenser permettent de contribuer au bon développement physique de notre organisme. Mais pas seulement. Faire du sport contribue à libérer de la dopamine, hormone du bonheur, qui nous fait du bien moralement et psychologiquement.

  1. La fatigue visuelle

Selon les médecins ophtalmologistes Yves Moreau et Marie- Anne Giacometti*, outre la nocivité de la lumière bleue, plusieurs signes fonctionnels peuvent être  associés et augmentés avec le temps passé devant un écran : picotements oculaires, flous visuels passagers, maux de tête, sensation d’avoir des petits corps étranger dans les yeux, sensation de paupières lourdes, fatigue générale, trouble de la fixation et de la concentration…Ces signes vont se faire plus important avec l’âge, avec un défaut visuel mal ou pas corrigé.

  1. Les contenus dit « à risque »

Les contenus à risque regroupent le porno ainsi que la violence psychologique ou physique diffusée sur les réseaux sociaux pouvant impacter durablement la sensibilité d’un enfant ou d’un ado.

Le mal-être digital

La combinaison des 3 paramètres cités engendre un style de vie propice au stress, à l’angoisse et à la dépression. Une étude suédoise menée auprès de 7757 jeunes gens âgés de 13 à 17 ans a permis de constater un risque élevé (presque 5 fois supérieur) de développer une dépression lorsqu’on consacre plus de 5 heures par jour à jouer sur un ordinateur.

Une autre étude américaine, menée auprès de 136 jeunes gens relève pour sa part un taux élevé de dépressions chez les consommateurs frénétiques de smartphones et de télévision.

Selon le neurologue et psychiatre Manfred Spitzer, sans surprise, ce sont les jeunes qui subissent de plein fouet les répercutions psychologiques des injonctions commerciales et sociales véhiculées par les écrans : « Ceux-ci sont l’objet d’une propagande délirante signifiant en permanence à quel point le fait de ne pas posséder ces gadgets les mettrait définitivement sur la touche. Et ils doivent faire face à ce véritable bombardement alors même qu’ils montrent bien souvent de grandes faiblesses, une détresse certaine et de fortes angoisses. »

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C’est ce qui explique les tragédies comme quand un collégien décide de s’ôter la vie après avoir été victime de cyberharcèlement .

Prenons les paris sur l’avenir : l’impact négatif des écrans sera bientôt aussi dénoncé que celui des réseaux sociaux ou de jadis la cigarette et l’alcool (on calmait les petits enfants au moyen de coton tiges imbibés d’alcool et de pavot que l’on posait sur leur langue).

Cela commence déjà à Taïwan, où le gouvernement a instauré une amende de 1400 € à tous les parents qui laisseraient leurs enfants trop longtemps devant un écran.

En France les réfractaires sont stigmatisés et présentés comme rétrogrades.

En attendant que ce sujet devienne un enjeu tout aussi sérieux, des solutions peuvent être déjà être envisagées pour protéger aux mieux les enfants.

Les 10 règles pour protéger son enfant des écrans

Pour reprendre l’expression du docteur Manfred Spitzer en matière de numérique, c’est la dose qui fait le poison !

  1. Pas d’écran pour un enfant avant ses 6 ans.
  2. Après 6 ans, l’enfant peut avoir droit entre 30 minutes à 1h d’écran par jour.
  3. Interdire les écrans le matin avant d’aller à l’école.
  4. Interdire les écrans le soir avant d’aller dormir. Cela pourrait venir perturber le sommeil de l’enfant.
  5. Interdiction également pour l’enfant d’avoir un écran dans sa chambre.
  6. Pendant son heure d’écran, vérifiez bien que le contenu de son jeu ou de son activité soit adapté à son âge.
  7. Son heure d’écran doit se passer pendant un moment isolé. Pas question que l’enfant joue sur sa tablette pendant un repas en famille où c’est l’occasion d’échanger.
  8. Montrez l’exemple vous-même en vous forçant à vous déconnecter  de votre portable, télévision ou tablette quand vous êtes en présence de votre enfant.
  9. Et, surtout, expliquez bien les raisons d’être de ces règles pour que l’enfant les intériorise. Ces règles ne sont pas là pour le frustrer, mais pour le protéger. Concerné par son bien-être, il les respectera d’autant mieux.
  10. Enfin, retardez autant que faire se peut le moment où vous allez lui acheter un téléphone. Et quand vous y viendrez, plutôt qu’un smartphone, préférez le bon vieux Nokia 3310, aussi simple qu’indestructible.

Cette liste de 10 règles de vie hygiénique permet aux enfants de mener une vie intérieure plus équilibrée et saine.

Nous n’avons pas à renoncer au progrès. Mais nous devrions peut-être commencer à l’envisager autrement que numérique. Après tout, nous n’avons pas à adopter les mythes commerciaux de la Silicon Valley…

Source : Manfred Spitzer, Les ravages des écrans. Les pathologies à l'ère numérique, éditions L'échappée & Michel Desmurget, La Fabrique du crétin digital, éditions du Seuil, 2019

* Comment prendre soin de vos yeux. Prévention et traitement pour les adultes et les enfants, Dr Yves Moreau et Marie-Anne Giacometti aux éditions Guy trédaniel





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