Quand les Mérovingiens craquaient pour de fabuleux bijoux


Fibule de la Dame de Quaregnon, Namur

Fibule de la Dame de Quaregnon, Namur

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Service public de Wallonie, Agence wallonne du patrimoine © SPW AWaP

Des temps obscurs, perdus entre l’Empire romain déchu et les lumières de la Renaissance… Si c’est ainsi que beaucoup voient encore le Moyen Âge, ces préjugés sont largement remis en cause par les recherches des spécialistes. Et notamment par les nombreux artefacts découverts dans les sépultures mérovingiennes, qui témoignent du raffinement de l’ère de Clovis. En tête de ces trésors ? De somptueux bijoux nommés fibules.

Paire de fibules en forme d’oiseaux

Paire de fibules en forme d’oiseaux

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© RMN Grand Palais (musée d’Archéologie nationale) / Franck Raux

Le mot vient du latin fibula, qui signifie « agrafe ». Car ces broches métalliques, qui servaient à fixer un vêtement, étaient tout simplement l’équivalent (en beaucoup plus orné) de l’épingle à nourrice. Et une précieuse alternative au bouton qui, bien qu’il semble avoir existé durant l’Antiquité, n’a commencé à être utilisé dans l’habillement qu’à partir du XIIIe siècle ! Présentes dès la fin de l’âge du bronze, ces attaches ont séduit les Étrusques au VIIe siècle avant J.-C., puis les Romains au Ier siècle, avant de conquérir les orfèvres mérovingiens, qui en ont fait leur exercice de style favori.

Large de seulement quelques centimètres, ce petit objet utilitaire arboré par les femmes devient une véritable vitrine du savoir-faire mérovingien et le point d’accroche esthétique des tenues vestimentaires, renseignant sur la richesse et le statut social de son porteur. Quand elles ne sont pas discoïdes, c’est-à-dire rondes et décorées de spirales, torsades ou autres motifs, les fibules prennent la forme d’un S, d’un carré, d’un oiseau ou d’un cheval. Au VIe siècle, elles se portent par paire à la base du cou ou sur la poitrine pour fermer une tunique ou un manteau. D’autres, de forme allongée et ansées, se fixent au niveau de la ceinture ou du bassin afin de maintenir ensemble les deux pans d’un vêtement.

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Bijoux de la Reine Arégonde, détail, paire de fibules

Bijoux de la Reine Arégonde, détail, paire de fibules

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© RMN Grand Palais (musée d’Archéologie nationale) / Jean Gilles Berizzi

En argent, en alliage de cuivre ou, parfois, en or pour les plus prestigieuses, ces folles créations s’ornent d’incrustations de nielle (un sulfure métallique de couleur noire), de fils d’or ou d’argent, de feuilles d’or, de motifs gravés, de gemmes antiques réutilisées ou de verroteries colorées. Comble du luxe, certaines intègrent des grenats, pierres semi-précieuses de couleur rouge, importées au VIe siècle d’Inde ou du Sri Lanka. Une preuve flamboyante de l’étendue des échanges commerciaux de l’époque, qui se ramifiaient déjà jusqu’à des contrées très lointaines, situées parfois à 8 000 kilomètres de distance !

Moules de fonderie et objets associés, Namur

Moules de fonderie et objets associés, Namur

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Service public de Wallonie, Agence wallonne du patrimoine © SPW AWaP

Presque aussi respecté qu’un guerrier, l’orfèvre utilise souvent la technique très en vogue de montage « en cloisonné », retrouvée notamment sur les fibules de la reine Arégonde. Pour cela, il façonne des motifs en alvéoles avec de fines bandes d’or, qu’il sertit ensuite de grenats taillés sur mesure. Pour plus de sophistication, il place une feuille d’or au motif gaufré sous le grenat translucide, afin de réfléchir la lumière et rehausser l’éclat de la pierre. Cette alliance entre l’or et la couleur rouge éclatante du grenat est caractéristique des plus belles réalisations de l’époque mérovingienne.

Poignées d’épée en or et grenat, bracelets, bagues, boucles d’oreilles ornées de pendentifs, coiffes féminines, armes incrustées de fins décors damasquinés de cuivre, d’argent ou d’or… À ces fibules s’ajoutent de nombreux autres bijoux et ouvrages remarquables d’orfèvrerie. Parmi eux, de précieuses épingles servant à fixer une coiffure ou une coiffe, parfois dotées d’une tête d’oiseau aux yeux de grenat, ou incorporant un bijou antique, comme celle de la reine Arégonde.

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Bijoux de la Reine Arégonde, ensemble

Bijoux de la Reine Arégonde, ensemble

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© RMN Grand Palais (musée d’Archéologie nationale) / Jean Gilles Berizzi

Autres merveilles mérovingiennes, les perles de verre ou d’ambre. Ocre, vert absinthe, noir strié de blanc… Les sites funéraires de Gaule contiennent des milliers de ces petites créations multicolores : ainsi, à Ciply, 139 sépultures comptabilisaient au total 1 572 perles ! 84 % d’entre elles étaient en verre, le reste essentiellement en ambre, cette fameuse résine de conifère fossilisée de couleur orangée. Les artisans de l’ère de Clovis rivalisent de créativité, en étirant par exemple des fils de verre d’une autre couleur à la surface de la perle pour créer des spirales, zigzags et autres motifs psychédéliques. Un art surprenant qui mérite d’être savouré à la loupe !

Du 22 octobre 2022 au 22 mai 2023



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