Outre-mer – En Polynésie, la sécurité alimentaire dépend de la desserte maritime


Améliorer l’autonomie alimentaire est un enjeu majeur dans les îles dépendantes des importations maritimes, comme la Polynésie française : « Si jamais il n’y avait plus de desserte pendant un, deux ou trois mois, qu’adviendrait-il de notre sécurité alimentaire ? », s’interroge Philippe Couraud, directeur de l’agriculture dans cette collectivité d’outre-mer.

Quelle est la part des produits alimentaires importés en Polynésie par rapport à ceux produits localement ? 

« 30 % des produits alimentaires achetés en magasin sont locaux. Mais si on intègre l’autoproduction, on évalue à 50 % la part de l’alimentation produite localement.

Les exportations sur les produits agricoles, qui ne sont pas tous alimentaires (Coprah, vanille, monoï, tamanu, rhum…), représentent environ 700 millions de francs Pacifique Fcfp par an (5,8 millions d’euros). Chaque année, on importe 40 milliards Fcfp (61 millions d’euros) de biens alimentaires.

35 % de la viande porcine consommée localement est produite localement. Sur les œufs, on est autosuffisants. Il y a parfois quelques tensions sur le marché des œufs, par exemple quand une exploitation ferme pour raison sanitaire, mais pas de pénurie en ce moment.

On produit aussi des fruits et légumes, mais beaucoup de légumes ne pourront jamais être produits localement. Pourquoi importer des pommes ? On pourrait s’en passer. Il y a des communes qui bannissent les fruits importés dans les menus des cantines. Mais pour le moment, elles ne sont pas majoritaires. On a démontré pendant cette période qu’on peut le faire sans dépenser plus, en évitant le gaspillage, en gérant bien les quantités servies.

La difficulté reste l’approvisionnement. Ça suppose plus de production, plus de surfaces cultivées.

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On va présenter en milieu d’année un plan de transition alimentaire sur 10 ans, pour consommer local et mieux consommer, notamment moins de sucre. »

Quelles sont les freins au développement de l’agriculture et de l’élevage ? Les terres ou la vocation des hommes ?

« Sur les terres, il y a encore de la marge : on a estimé à 800 hectares les terres qu’on pourrait utiliser. 500 hectares du Territoire et 300 hectares de terrains privés. Il y a donc un volet foncier, c’est vrai. Il y a peu de place à Tahiti et Moorea, mais aux Marquises, aux Îles-Sous-Le-Vent et aux Tuamotu, il y a des surfaces plus importantes.

Le secteur agricole attire toujours. On a de bons dispositifs d’installation. On veut maintenir 15 000 actifs dans 1 000 exploitations.

3 000 d’entre eux vont partir dans les 10 ans qui viennent, il faut les remplacer. Et on peut imaginer une agriculture avec encore plus d’actifs. »

Quelles difficultés rencontrez-vous pour accroître l’autonomie alimentaire ? 

« J’ai l’impression qu’il y a une perception différente des enjeux de l’alimentation depuis la crise Covid. Ce n’est plus une hypothèse d’école : si jamais il n’y avait plus de desserte pendant un, deux ou trois mois, qu’adviendrait-il de notre sécurité alimentaire ? Il y a une vraie prise de conscience, notamment dans les atolls des Tuamotu, pour s’affranchir des importations et donc produire localement.

La crainte, c’est la rupture d’approvisionnement. Je n’ai pas de visibilité sur les approvisionnements. Tout est compliqué en matière de fret. Ce sont les suites de la crise Covid.

A terme, la guerre en Ukraine pourrait aussi poser des problèmes sur les céréales : on n’a rien qui vient d’Ukraine mais il y a des tensions sur le marché des céréales, il y a même de la spéculation et par cascade, comme on ne pèse pas grand-chose, les fournisseurs peuvent donner la préférence à de très gros clients. »

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