Loi climat – Les lobbies et ONG à la manœuvre pour faire bouger les lignes du texte


Publicité, transports, engrais, viande : tous les cabinets de lobbying parisiens ont « au moins un sujet » avec le projet de loi climat en discussion à l’Assemblée. Mais ces acteurs veulent déconstruire les « fantasmes » entourant leur métier et pointent aussi l’influence des ONG environnementales.

« Tout l’intérêt, c’est que les parlementaires entendent les uns et les autres et construisent leurs amendements. Que les idées se frottent entre elles », fait valoir Fabrice Alexandre, à la tête du cabinet Communication et Institutions.

Son entreprise de conseil défend les intérêts de l’Unifa, l’organisation professionnelle des industriels de l’engrais, avec laquelle il a signé un « forfait dans la durée », pas limité à cette seule loi climat.

Pour ce texte, « on a fait un travail assez classique d’argumentation technique et de propositions d’amendements », poursuit-il, autour de l’article 62, qui vise à réduire les émissions d’ammoniac ainsi que de protoxyde d’azote des engrais azotés, et laisse planer la menace d’une « redevance » sur ces fertilisants.

Dans ses suggestions d’amendements, consultées par l’AFP, l’Unifa appelle à supprimer cet article ou « moduler » l’éventuelle redevance en fonction du « potentiel émissif d’ammoniac ».

Des amendements proches, défendus par des LR ou certains dans la majorité, n’ont pas été adoptés en commission. Mais des ONG considèrent que l’Unifa a pesé dans les arbitrages entre le ministère de l’Agriculture et celui de la Transition écologique, dans la rédaction du projet de loi.

« Leurs recommandations ont été entendues. Quelle est la valeur d’une menace de redevance ? », critique Manon Castagné, chargée du volet agriculture chez les Amis de la Terre.

Le député écologiste Matthieu Orphelin relève aussi le « lobbyisme décomplexé » du syndicat agricole FNSEA, avec un tweet de sa présidente Christiane Lambert.

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« Depuis la proposition d’une taxe sur les engrais azotés par la Convention citoyenne pour le climat, la FNSEA a dénoncé la distorsion de charge avec (les autres pays de) l’Union européenne. Résultat: pas de taxe au 1er janvier 2022 », y souligne Mme Lambert.

Des ONG environnementales très organisées

Les membres de la Convention citoyenne ont dénoncé « l’influence trop importante » des lobbies pour « diluer » leurs propositions.

Mais « c’est quoi un lobby ? On a reçu les entreprises, les syndicats, les filières économiques, qui expliquent l’impact de cette loi pour eux. On a appris à se faire notre propre jugement », assure le rapporteur général à l’Assemblée Jean-René Cazeneuve (LREM).

Sans oublier les ONG environnementales, « très organisées ». « Ce ne sont pas de petites associations. Tant mieux, car elles jouent un rôle très important », poursuit-il, évoquant du « harcèlement » par mail.

Le Réseau action climat, qui fédère des ONG, a transmis aux élus une liasse d’une trentaine de pages, consultée par l’AFP, avec des argumentaires et amendements pour aller plus loin.

« C’est facile de nous mettre sur un pied d’égalité » avec les lobbies industriels, mais « on n’a rien à vendre, nous, et leur force de frappe financière est sans commune mesure », dénonce Manon Castagné (Amis de la Terre).

Autre volet qui suscite un intense lobbying, celui encadrant la publicité de produits polluants : l’interdiction est limitée aux publicités en faveur des énergies fossiles, avec de simples « engagements volontaires » pour les autres secteurs. Le dispositif ne « sert quasiment à rien », aux yeux des écologistes.

Pascal Tallon représente le SNPTV, le syndicat des régies publicitaires. « On essaye de dire que ce n’est pas si simple de retirer la publicité. Que cela va fragiliser des secteurs, celui des médias ou de l’automobile ».

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Selon lui, la loi climat, « ce n’est pas la foire, il y avait beaucoup plus de lobbying » pour la loi Pacte sur les entreprises en 2019.

Pour rendre plus transparente l’action de 2 250 « représentants d’intérêts » (acteurs économiques, syndicats, ONG…), un répertoire existe depuis la loi Sapin II de 2016, géré par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Mais il manque de détails, selon les ONG.

Le lobbying entourant cette loi climat « n’apparaîtra dans le répertoire que l’année prochaine, quand la loi aura déjà été adoptée », déplore Kevin Gernier de Transparency International, qui réclame une actualisation du répertoire « au moins deux fois par an » et la généralisation des « agendas ouverts » au Parlement et dans les ministères, listant en « open data » les rendez-vous avec des représentants d’intérêts.



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