« L’objectif est de limiter l’errance de diagnostic du Covid long et la souffrance des patients »


Fatigue inhabituelle, douleurs thoraciques, palpitations cardiaques, difficultés de concentration et de mémoire, insomnie… Qu’elles aient été hospitalisées ou non, certaines personnes peuvent ressentir des symptômes du Covid-19 plus de quatre semaines après avoir été infectées. Ces séquelles persistantes sont souvent gênantes voire handicapantes au quotidien.

C’est pourquoi, dès fin 2020, l’accompagnement de ces patients atteints de ce que l’on nomme communément « le Covid long » a été particulièrement suivi par le ministère des Solidarités et de la Santé. Ce dernier a entre autres mis à la disposition des professionnels de santé des recommandations organisationnelles au fur et à mesure de l’avancée des connaissances, ainsi que des bonnes pratiques de prise en charge et de soulagement de ces séquelles.

Entretien croisé avec Julien Carricaburu, conseiller médical auprès de la directrice générale de l’offre de soins, Maxime Putton et Élodie Senaux, cadres à la direction générale de l’offre de soins. Tous trois suivent le dossier « Covid long » pour la direction générale de l’offre de soins, service du ministère français chargé de la santé (DGOS), partie prenante de l’équipe « suivi des patients Covid ».

Pouvez-vous définir en quelques phrases le « Covid long » ?

Julien Carricaburu. – « Covid long » est un terme grand public, le plus souvent utilisé par commodité par les patients et certains professionnels, pour décrire des symptômes qui perdurent après une infection aiguë à Sars-Cov2.

Si, dans la plupart des cas, les signes de l’infection disparaissent en quelques semaines (2 à 3), pour certains patients les symptômes persistent, réapparaissent après une amélioration, voire d’autres symptômes nouveaux surviennent.

Il n’existe pas de définition consensuelle internationale sur les termes à utiliser et les durées précises à partir desquelles on passerait de « Covid en cours » à « Covid persistant » puis « Covid long ». On peut toutefois retenir, en pratique, la présence de symptômes persistants au-delà de quatre semaines après l’infection initiale, et le fait que ces symptômes ne sont pas expliqués par une autre maladie.

« D’une manière générale, sur le « Covid long », on en apprend tous les jours parce que la maladie, elle-même, n’a pas révélé tous ses secrets ! »

Existe-il une liste exhaustive des symptômes du « Covid long » ?

Julien Carricaburu. – On peut retenir que ces symptômes sont fluctuants, multiples et nombreux. Ils peuvent concerner tous les organes du corps (du haut du crâne jusqu’au bout des pieds) et sont par ailleurs divers d’une personne à l’autre.

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On les regroupe habituellement en plusieurs « rubriques » : neurologiques, fatigue, troubles cardiaques respiratoires, douleurs musculaires ou articulaires, atteinte du gout de l’odorat, du système digestif, troubles cutanés…

L’étude d’un groupe de patients français a permis de lister 53 manifestations de la maladie. Les symptômes les plus fréquents mesurés lors des différentes études restent : la fatigue, la fatigabilité à l’effort (jusqu’au malaise), les difficultés respiratoires, les plaintes neuro-cognitives (troubles de la concentration, manque du mot, fatigue mentale, maux de tête), perte du goût et/ou de l’odorat, troubles digestifs…

À noter également, que les troubles psychiques comme l’anxiété, la dépression ou le stress post-traumatique, sont à rechercher systématiquement, même s’ils ne sont pas spontanément exprimés par le patient.

D’une manière générale, sur le « Covid long », on en apprend tous les jours parce que la maladie, elle-même, n’a pas révélé tous ses secrets !

Connaît-on la proportion des malades atteints de « Covid long » vs « Covid classique » ?

Julien Carricaburu. – Il est objectivement complexe de déterminer une proportion des malades atteints de « Covid long ».  

D’une étude à l’autre, tout est fonction de la définition précise de cette maladie (très variable d’un individu à l’autre) et de sa sévérité initiale chez les patients, du nombre de sujets étudiés et des critères de délai retenus pour les mesures.

Ainsi, la proportion de « Covid long » peut varier de 10 à 40 % pour des patients non hospitalisés, et de 25 à 75 % pour des patients hospitalisés.

Ce que l’on peut tout de même dire, c’est que plus les patients ont contracté des formes sévères, plus ils ont été hospitalisés, plus ils sont à risques de présenter des symptômes persistants après l’infection.

« Plus les patients ont contracté des formes sévères, plus ils ont été hospitalisés, plus ils sont à risques de présenter des symptômes persistants après l’infection. »

Comment un « Covid long » est-il diagnostiqué ? Au bout de combien de temps ?

Julien Carricaburu. – Il n’existe pas de test ou d’examen biologique ou radiologique unique qui permette de dire rapidement si le patient a un « Covid long » ou non.

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Seule une démarche globale, adaptée à chaque patient (et à la variabilité des symptômes), permet d’aboutir à une explication et un projet de prise en charge adaptée. Il s’agit d’abord de comprendre, d’examiner avec beaucoup de patience et d’empathie, de pratiquer quelques examens simples… afin d’éliminer des situations d’urgence ou de complication de maladies préexistantes.

En fonction des besoins identifiés, le médecin propose alors un plan de soins parfaitement adapté à la situation du patient. Il faut énormément discuter avec le malade et l’informer.

Il est aussi souhaitable que l’accompagnement médical et paramédical soit le plus précoce possible pour limiter l’errance de diagnostic et la souffrance des patients et de leurs proches.

Touche-t-il davantage certains publics ?

Julien Carricaburu. – Beaucoup d’incertitudes demeurent concernant ce sujet. Il en est ainsi de la compréhension des différents symptômes : leur évolution, leur présence, les facteurs qui les déclenchent ou les apaisent, l’existence de facteurs de risque… La recherche, par des études bien conduites, devra permettre d’y répondre.

On observe aujourd’hui que les principaux facteurs de risque sont :

  • la sévérité initiale de la maladie (hospitalisation en soins intensifs ou pas) ;
  • le nombre de symptômes présents à la phase aigüe.

La compréhension des mécanismes qui sont responsables des symptômes – persistance du virus dans l’organisme, réponse inadaptée de l’organisme (inflammatoire ou immunitaire), facteurs génétiques… – sera un élément important pour mieux expliquer « qui est plus ou moins exposé ou touché », et pour proposer des traitements adaptés.

Quelle est l’offre de soins à ce jour pour un « Covid long » ?

Une consultation médicale

Maxime Putton. – La complexité intrinsèque du post-Covid interdit l’organisation d’une prise en charge unique au profit d’une prise en charge personnalisée.

Ainsi, si je présente des symptômes persistants au-delà de quatre semaines de l’infection, je vais voir mon médecin traitant. Il dispose en effet de plusieurs ressources pour m’orienter dans le système de soin :

  • des recommandations, édictées par la Haute autorité de Santé en février 2021, à destination des professionnels de santé et qui décrivent, symptôme par symptôme, la marche à suivre ;
  • des informations et orientations à destination des médecins fournies, dans chaque territoire, par les cellules de coordination post-Covid.

En fonction des situations, un parcours adapté pouvant être pluridisciplinaire et aller jusqu’à un parcours hospitalier de soin de suite et de réadaptation, est mis en place.

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Quelles sont les conséquences à court, moyen et long terme d’un Covid long ?

Maxime Putton. – Là encore, les conséquences du « Covid long » pour les patients sont à ce stade imparfaitement connues. Mais elles peuvent parfois être lourdes en termes de qualité de vie. Les impacts mesurés concernent notamment la vie sociale, la vie professionnelle ou encore la vie de famille. Des groupes de patients régulièrement interrogés sur ces aspects nous en apprendront plus au cours du temps.

Autre enseignement à date : la présence des symptômes diminue avec le temps. On constate en général une amélioration en quelques mois.

« Dans le cas de symptômes prolongés de la Covid-19 liés à une infection non contrôlée, la vaccination pourrait même contribuer à la guérison. »

Quelle est la portée de la vaccination sur le « Covid long » ? A-t-elle un impact sur l’évolution du nombre de cas ?

Élodie Senaux. – La portée de la vaccination est majeure à deux titres :

  • en premier lieu elle empêche de contracter la Covid-19 et donc de développer un syndrome post-Covid ;
  • ensuite, même chez les personnes atteintes de la Covid-19, la vaccination empêche le développement de formes graves, ou nécessitant une hospitalisation, y compris en réanimation, qui sont souvent à l’origine de symptômes post-Covid longs et sévères.

Une récente étude publiée début septembre et concernant 2 millions de patients anglais, montre que les personnes infectées non vaccinées ont plus du double de probabilité de développer des formes prolongées du syndrome post-Covid comparées à des personnes infectées et complètement vaccinées.

Dans l’état actuel des connaissances scientifiques, il n’y a pas de contre-indication à la vaccination des patients présentant des symptômes prolongés de la Covid-19. Au contraire, dans le cas de symptômes prolongés de la Covid-19 liés à une infection non contrôlée, la vaccination pourrait même contribuer à la guérison.



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