Les magistrats dénoncent l’acharnement de l’exécutif contre les juges


Aucune action du gouvernement accomplie en cinq ans ne trouve grâce aux yeux de l’Union syndicale des magistrats qui, au contraire, s’en inquiète, témoignant de la rupture totale avec le politique.

Habillé pour la prochaine campagne présidentielle. Le congrès national 2021 de l’Union nationale des magistrats (USM) – le principal syndicat des magistrats en France – est un cru spécial. Le discours de Céline Parisot, sa présidente, a scellé, en forme de bilan du quinquennat, la rupture totale entre les magistrats et l’exécutif. Et plus largement; les politiques.

D’emblée elle a ainsi évoqué «un contexte de polémiques permanentes sur le gouvernement des juges, de dénigrement de la justice, et de tentatives d’instrumentalisation» de la justice. «Toute procédure ouverte contre une personnalité politique serait la manifestation du «gouvernement des juges». Le droit ne devrait manifestement pas s’appliquer à certains», a-t-elle martelé.
«Parallèlement, toute procédure disciplinaire contre un magistrat serait un acte d’assainissement d’un corps irresponsable et qui a en plus le mauvais goût de lutter pour préserver son indépendance, pourtant indispensable à l’équilibre des pouvoirs en démocratie», a-t-elle dénoncé. «La volonté d’accroître notre responsabilité doit être replacée dans une perspective plus large de réformes méthodiquement entreprises pour saper l’indépendance de la magistrature», a-t-elle accusé. «Ils assument une responsabilité pénale, civile et disciplinaire, sans juridiction d’exception comme les ministres, sans immunité comme les parlementaires, sans tribune médiatique comme tous ceux que je viens de citer», a-t-elle insisté, détaillant longuement l’augmentation des poursuites disciplinaires révélée la semaine dernière par le Conseil supérieur de la magistrature.

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Incarnation et cristallisation de cette hostilité et de cette rupture, Éric Dupond-Moretti, le Garde des sceaux. S’il n’était pas invité, c’est qu’il aurait été «incongru» de lui offrir une tribune alors qu’une plainte est instruite devant la Cour de Justice de la République pour conflit d’intérêts et prise illégale d’intérêt et à cause de «son mépris affiché pour les magistrats». Balayées d’un revers de main, les augmentations budgétaires respectivement de 8% pour 2020 et 2021 que le Garde des sceaux revendique. Réduite à néant, la hausse des effectifs du monde judiciaire dont il se flatte. «9000 magistrats, est-ce un chiffre intéressant ?», raille Céline Parisot. Car «nul ne sait combien de magistrats sont nécessaires pour effectuer un travail de qualité dans des délais raisonnables.»

Des moyens matériels jugés pas à la hauteur

La présidente démystifie tout autant les efforts en moyens matériels, à commencer par l’informatique : «les résultats des projets numériques avec budgets à rallonge sont rarement à la hauteur des besoins. Les applicatifs totalement obsolètes ou l’utilisation de logiciels antédiluviens comme Word Perfect nuisent aux échanges entre professionnels et contribuent à gaspiller chaque jour un temps précieux».

Quant aux réformes engagées depuis le début du quinquennat, «plutôt que de traiter les problèmes, le gouvernement choisit soit de les régler par une disposition législative de circonstance qui lui permettra de communiquer sur son action, qu’importe sa pertinence, soit d’en reporter la responsabilité sur les juges». Et de s’inquiéter de ces lois françaises «à la fois contradictoires, complexes et inutilement nombreuses, ce qui ne contribue pas à la bonne compréhension de la justice et multiplie les risques d’erreur.» Incarnation de ce mal législatif endémique, la loi Confiance dans la justice qui vient de passer les fourches caudines de la lecture au Sénat.

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Enfin la présidente de l’USM annonce la couleur pour les futurs états généraux de la Justice, annoncés par le président la République et qui aurait dû clore ces cinq années de désamour et de divorce par une rencontre du Camp du Drap d’or à partir du 18 octobre : «La période préélectorale est de loin la moins adaptée à une réflexion sereine. Nous n’avons aucune illusion sur les résultats des états généraux de la justice, qui ne pourront trouver la moindre traduction concrète avant avril et risquent seulement de servir de tribune à certains», conclut la présidente de l’USM.



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