Les lampes Akari : des lucioles de papier dans tous les foyers


Suspendues à l’avant des bateaux qui naviguent paisiblement dans la nuit, des lanternes s’allument et illuminent les eaux dormantes. Soudain, les cormorans se précipitent vers les poissons, attirés par la lueur du feu… Sur la rivière de Nagara, à Gifu, la traditionnelle pêche au cormoran se célèbre lors d’une merveilleuse cérémonie. Les lanternes de pêcheurs, fabriquées à la main depuis des siècles, y sont enflammées sous les yeux émerveillés des visiteurs…

Isamu Noguchi dans son atelier, 10th Street, Long Island City

Isamu Noguchi dans son atelier, 10th Street, Long Island City, vers 1965

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© The Isamu Noguchi Foundation and Garden Museum / ADAGP 2020

Des créations ancestrales qui inspirent le sculpteur nippo-américain Isamu Noguchi (1904–1988) lors de sa visite à Gifu, en 1951. Alors invité par le maire de la ville – soucieux de relancer l’industrie locale après la Seconde Guerre mondiale –, il se passionne pour ces lampions créés à partir de papier d’écorce de mûrier aussi nommé « papier washi ». Un matériau si robuste qu’il est utilisé pour les cloisons des maisons traditionnelles japonaises, mais aussi pour des parapluies, des éventails, des imperméables, des cerfs-volants… À la fois tenace et doux au toucher, il est idéal pour tamiser les éclairages et remplir l’espace d’une épaisse chaleur.

La technique de la pêche au cormoran, dans la région de Kyoto, au Japon

La technique de la pêche au cormoran, dans la région de Kyoto, au Japon

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© Photo Marco Cattaneo / Alamy Stock Photo

Prédestiné à explorer le papier (il est fils d’un poète japonais et d’une écrivaine américaine), Noguchi esquisse deux premiers luminaires en washi qu’il nomme « Akari », un terme japonais associant clarté et apesanteur. Semblant flotter dans les airs ou au-dessus du sol, ses sculptures lumineuses se démultiplient rapidement pour évoluer autour de trois formes principales : sphérique, en brique et en colonne. Cette dernière, pliée et ondulant de vaguelettes, semble gracieusement s’élancer vers le ciel, semblable à la Colonne sans fin du sculpteur Constantin Brâncuși (1876–1957), que Noguchi a assisté à Paris quelques années plus tôt…

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Depuis, les Akari sont toujours fabriqués selon les méthodes traditionnelles des lanternes japonaises de la ville de Gifu. Dans l’atelier d’Ozeki & Co, pas moins de six heures sont nécessaires pour parfaire chaque objet. Mais le principe est simple : sur une ossature en bois, sont collées des bandelettes de papier washi. Une par une, elles sont minutieusement appliquées puis découpées autour du moule. Une fois que la colle a séché, l’ossature peut être retirée. Et pour être expédiées plus facilement, les lampes sont pliées avant d’être emballées à plat !

Un ouvrier de l’entreprise Ozeki réalisant une lampe Akari

Un ouvrier de l’entreprise Ozeki réalisant une lampe Akari, 1978

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© The Isamu Noguchi Foundation and Garden Museum / ADAGP 2020

« L’éclat froid de la lumière électrique est transformé en lumière éternelle du soleil. »

Isamu Noguchi

« Par la magie du papier, l’éclat froid de la lumière électrique est transformé en lumière éternelle du soleil. Sa chaleur continue ainsi à réchauffer nos intérieurs pendant la nuit », affirme Noguchi. Intimement liée aux astres, la série Akari s’orne d’un logo composé d’un soleil et d’un croissant de lune. Estampillé sur les objets, il se fait gage d’authenticité tout en rappelant subtilement les idéogrammes japonais.

Isamu Noguchi, Lampe Akari BB3-33S

Isamu Noguchi, Lampe Akari BB3–33S, 1952

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Papier washi, structure bambou, pied métal • © The Isamu Noguchi Foundation and Garden Museum / ADAGP 2020 / Photo Kevin Noble

« Tout ce dont vous avez besoin pour démarrer une maison, c’est une chambre, un tatami et Akari. »

Isamu Noguchi

Désormais, plus de deux cents modèles d’Akari sont disponibles à la vente, parmi les lampes de table, lampadaires et suspensions. « Tout ce dont vous avez besoin pour démarrer une maison, c’est une chambre, un tatami et Akari », proclame le designer. Convoitées dans le monde entier jusqu’à être pâlement imitées, elles incarnent ce savant mélange de poésie, de simplicité et de fonctionnalité du design japonais. Une sorte de « traduction de l’Orient pour l’Occident », à l’image de ce que souhaitait devenir Noguchi en sculpture… Défi brillamment relevé.

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