Les grands peintres étaient-ils très riches ?


Ne les imaginez pas solitairement reclus dans un studio… À la Renaissance, les peintres en Italie évoluent au sein de véritables ruches ! Dans leurs botteghe – les ateliers selon le terme italien – les maîtres répondent aux commandes qui affluent des souverains, institutions religieuses ou civiques, de la guilde aux confréries, riches banquiers, marchands prospères, notaires. On y produit de tout, de la fresque au retable, en passant par des portraits… Ces « entreprises » des maîtres de la Renaissance ne connaissaient pas la crise.

D’un contrat à l’autre, combien gagnaient-ils exactement ?  Il y a bien sûr de grandes disparités entre les peintres avec « une échelle des salaires qui va de un à dix », affirme Michel Hochmann dans sa thèse consacrée aux Peintres et commanditaires à Venise (1540–1628). Dans les commandes, tout est soigneusement répertorié : le coût final de l’œuvre, les délais, la quantité de matériaux précieux à utiliser, voire une illustration de l’œuvre à réaliser. Décortiquant les archives de la Sérénissime, le spécialiste nous apprend qu’outre la renommée de l’artiste, les critères matériels jouent aussi un rôle prépondérant. Évidemment, une toile immense comme celle des Noces de Cana (662 cm2 au total) coûtera plus cher (320 ducats) qu’une figure sur un carton à 8 ducats.

Artistes de cour, les premiers salariés

Certains vivent toutefois confortablement. À l’instar des « artistes de cour » dont le statut naît à la Renaissance. La rivalité entre des cités comme Venise, Florence, Mantoue, Sienne, contribue à faire prospérer les commandes. Les puissants s’arrachent les meilleurs pinceaux qu’ils font venir à leur cour. Mieux, pour la première fois, ils perçoivent un salaire.

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Un « artiste de cour » est plus qu’un simple peintre et son champ d’action va de la décoration d’une chambre à coucher à la conception des insignes de l’armée de son mécène. Pour les meilleurs artistes, la rémunération de leur travail à la cour pouvait aller bien au-delà de l’argent liquide et inclure des réductions d’impôts, l’attribution de résidences dans des palais, des parcelles de forêt et des titres.

Palais ducal de Mantoue, détail de la décoration de la Chambre des Époux réalisée par Mantegna entre 1465 et 1474

Palais ducal de Mantoue, détail de la décoration de la Chambre des Époux réalisée par Mantegna entre 1465 et 1474

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© Photo René Mattes / hemis.fr

À l’instar de Mantegna qui rejoint la cour de Mantoue en 1458. Louis III Gonzague offre au peintre 15 ducats par mois, le loge lui et sa famille dans des appartements, lui donne nourriture et bois de chauffage en suffisance. Mantegna obtient aussi des honneurs en devenant comte. Ce qui va, bien sûr, doper sa carrière !

À Venise, Titien jouit aussi d’avantages. En sachant qu’un noble aisé peut profiter de 1 000 ducats par an, le peintre lui pouvait compter sur au moins 700 ducats par an. Ceci en particulier grâce à la charge du Fondaco dei Tedeschi, une sorte de pension de peintre de la République de Venise très enviée à l’époque. Giovanni Bellini et Tintoret en bénéficient aussi.

Rubens millionnaire

Pierre Paul Rubens, Autoportrait

Pierre Paul Rubens, Autoportrait, 1623

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Huile sur panneau de bois • 86 × 62 cm • Coll. The Royal Collection Trust, Londres • © Royal Collection Trust / © Her Majesty Queen Elizabeth II 2017

Le phénomène des peintres de cour et artistes officiels n’est bien sûr pas seulement réservé à l’Italie de la Renaissance. Il concerne d’autres pays d’Europe, de l’Espagne à la France ou encore les pays du Nord. Où l’activité des artistes va aussi s’avérer prospère.

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Rubens par exemple, à la suite du mariage entre l’infante Isabelle d’Autriche avec l’archiduc Albert d’Autriche, devient en 1609 peintre de la cour de Bruxelles. Salaire : 3 000 florins par an, dix fois plus qu’un simple artisan gagnant 300 florins annuels. C’est l’équivalent de 180 000 dollars par an ! Travaillant très rapidement dans son atelier entouré d’artisans, Rubens vend aussi beaucoup d’œuvres. On estime qu’il gagnait 100 florins par jour, multiplié par 300 jours de travail (pas de pause le samedi), on vous laisse faire le calcul ! Propriétaire d’une belle maison sur le canal d’Anvers, de châteaux, et collectionneur d’art, le peintre est mort en 1640, millionnaire !



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