Late Night sur Canal+ : Emma Thompson a-t-elle vraiment fait du stand-up ? – Actus Ciné


Dans une scène de “Late Night”, diffusé sur Canal+, l’héroïne regarde une vidéo d’un ancien spectacle comique du personnage d’Emma Thompson. Mais vous êtes-vous demandés, comme nous, si ça n’était pas en réalité un vrai sketch de l’actrice anglaise ?

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ATTENTION – L’article ci-dessous contient de très légers spoilers sur “Late Night”, diffusé depuis le 21 juin sur Canal+, puisque certaines de ses scènes et thèmes y sont décrits. Veuillez donc passer votre chemin si vous souhaitez ne rien savoir, et revenir ensuite. Pour les autres, rendez-vous après la bande-annonce.

La scène en question est cruciale dans l’avancée du récit, mais ce détail semble, à priori, anodin : en écho à une séquence antérieure où elle regardait le monologue d’une précédente émission de Katherine Newbury, Molly Patel remonte un peu plus encore dans le passé de son employeuse, pour se plonger dans l’époque où elle faisait du stand-up grâce à l’un de ses sketches visibles en ligne. Des images qui sentent bon les années 80, et pour cause : il ne s’agit pas d’une reconstitution mais bien d’un vrai spectacle d’Emma Thompson, datant de 1983. Car bien avant de se révéler au cinéma devant les caméras de Kenneth Branagh (Henry V, Dead Again) et James Ivory (Les Vestiges du jour), c’est dans la comédie et sur scène qu’elle s’est illustrée.

Inscrite à l’Université de Cambridge, où elle étudie la littérature anglaise, Emma Thompson s’est surtout distinguée au sein de sa célèbre troupe de théâtre, Footlights, qui a notamment vu la plupart des Monty Python se rencontrer. Diplômée en 1980, c’est vers le divertissement qu’elle se tourne, et se produit sur diverses scènes. Et c’est en 1983, année de la vidéo que l’on voit dans Late Night, qu’elle explose à la télévision grâce à la série Alfresco. Toujours dans le registre comique et en compagnie de certains anciens camarades, dont Hugh LaurieStephen Fry ou Robbie Coltrane, qu’elle recroisera deux décennies plus tard dans les couloirs de Poudlard, lorsqu’elle rejoint le casting d’Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban. Entre temps, l’histoire d’amour entre la comédienne et la comédie aura connu quelques remous. Et pas des moindres.

BBC (British Broadcasting Corporation)
Emma Thompson (quatrième en partant de la gauche) dans “Alfresco”

En 1988, elle lance sa propre série Thompson, composée de sketches comiques et de numéros musicaux, sur la BBC. Et elle tombe de très haut : “Thompson a été mise en pièces par les critiques”, explique l’actrice dans une interview donnée au Los Angeles Times dans le cadre de la sortie de Late Night. “Ils disaient que c’était ‘misandre’. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point ils ont été horribles, si destructeurs et profondément, inutilement misogynes. Je le sais pertinemment maintenant, mais ça n’était pas le cas alors. A l’époque, je ne pouvais tout simplement pas sortir de mon lit. Et je me suis dit ‘Très bien, je ne devrais peut-être pas faire cela.’ Et je me suis tournée vers le jeu d’actrice sérieux, ce dans quoi je suis plutôt bonne.”

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Il est vrai qu’à quelques exceptions près (Junior notamment), Emma Thompson s’est davantage illustrée dans le drame au cours des années 90, remportant un Oscar de la Meilleure Actrice pour Retour à Howards End en 1993, et un autre du Meilleur Scénario Adapté trois ans plus tard, grâce à Raison et sentiments. Avant de renouer avec la comédie de façon plus régulière à l’aube des années 2000, dans des films aussi variés que peuvent l’être Love Actually, Harry Potter 3 et Nanny McPhee. Écrit pour elle par Mindy Kaling, Late Night sonne comme une belle revanche pour cette actrice engagée, qui n’a pas sa langue sa poche et manifeste autant pour le climat que contre le Brexit, et a récemment participé au mouvement #MeToo en quittant le film d’animation Luck produit par Skydance, lorsque le studio a engagé John Lasseter, ex-patron de Pixar qui avait quitté ses fonctions à la suite d’accusation de harcèlement sexuel et de conduite inapropriée.

Ma carrière a été complètement changée par la réaction de ces critiques misogynes

De #MeToo, il en est d’ailleurs question dans Late Night, au détour d’une sous-intrigue autour d’une liaison entre Katherine et l’un de ses auteurs. Tout comme le scénario parle de féminisme, de jeunisme, de diversité ou de la difficulté à divertir en élevant le débat. Autant de sujets qui permettent au film d’aller au-delà de son postulat façon Le Diable s’habille en Prada des talk shows pour s’inscrire dans l’air du temps. Au vu de la manière dont sa carrière de comique s’est arrêtée, il est amusant de voir Emma Thompson incarner un personnage qui tient tête à toute une équipe d’hommes, alors qu’il lui est reproché d’avoir… un problème avec les femmes, ses auteurs étant tous masculins puisque leurs rares homologues féminins à avoir écrit pour elle n’ont pas fait long feu.

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Le film pointe ainsi du doigt le fait que le monde de l’humour, que connaît bien la scénariste et interprète de Molly, soit essentiellement masculin, et ne se prive pas de le rappeler à diverses occasions, comme lorsque Katherine est menacée d’être remplacée par un comique quelconque (Ike Barinholtz), qui a du succès grâce à des sketches bas du front où il est notamment question de déféquer dans une chaussure. Le happy end que nous réserve le récit est donc une victoire à plus d’un titre pour Emma Thompson, trente ans après l’arrêt brusque de sa série, obstacle qu’elle a surmonté avec brio : “J’ai été souillée dans la presse, ma carrière a été complètement changée par la réaction de ces critiques misogynes. Mais je m’en fiche. Je ne dis pas que cela n’a pas été douloureux, mais je sais que je n’aurais pas pu travailler convenablement dans un environnement factice car rien de bon n’en sortirait. C’est épuisant.”



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