L’art au Palais de l’Élysée : visite guidée


Depuis sa construction en 1722 pour le comte d’Évreux, lieutenant général des armées du roi Louis XV, le Palais est admiré pour son architecture et ses agencements intérieurs. Après la mort de ce dernier, nombre de personnalités se sont appropriées les lieux. Leur mode de vie et leurs goûts se sont alors traduits dans l’architecture du Palais, nécessitant parfois des modifications intérieures et des agrandissements, agrémentés de nouveaux décors.

Après la marquise de Pompadour, qui porta à son paroxysme le raffinement de ses décors, la duchesse de Bourbon l’agrandit et l’embellit pour les somptueuses réceptions qu’elle y donnait. Plus tard, Caroline, sœur de l’empereur Napoléon Ier, et son époux, Joachim Murat, y entamèrent des travaux et firent appel aux plus grands artistes de l’époque. Le Palais prend le visage qu’on lui connaît aujourd’hui après les grands travaux menés par Napoléon III et l’impératrice Eugénie. Le président Mac-Mahon, en 1874, choisit le palais de l’Élysée comme résidence officielle du chef de l’État, qui devient un haut lieu de la République. Découvrez les plus beaux salons du Palais, vitrine du goût français.

Salon des aides de camp : sobriété et audace

Salon des aides de camp

© Présidence de la République, France.

Une fois franchi le vestibule d’honneur et le salon des Tapisseries, le visiteur peut diriger ses pas vers le salon Murat face à lui, ou en direction du salon des Aides de camp sur sa gauche. Il tient son nom de sa fonction sous Joachim Murat – lui-même aide de camp de Napoléon Ier devenu son beau-frère par son mariage avec sa sœur Caroline. Les Murat furent propriétaires du Palais entre 1805 et 1808. Cette élégante pièce, avec ses boiseries héritées du XVIIIe siècle et ornées de masques féminins et de trumeaux de glace à trophées, a fait l’objet d’une restauration majeure en 2018. Les dorures appliquées au XIXe siècle sur les boiseries ont été déposées et laissent place à une peinture blanche d’une très grande sobriété, qui souligne les décors des dessus-de-porte. Commandées par Napoléon III et réalisées par Charles Landelle, ces peintures représentent les allégories des quatre Éléments et celles de la Paix. La cheminée est une réplique de celle de Louis XV pour sa chambre à Versailles. Si le salon fut utilisé sous la présidence du général de Gaulle comme salle du Conseil des ministres, il est aujourd’hui dédié à l’accueil des invités. Le Mobilier national a proposé ici un ensemble des plus audacieux. Les assises du designer Thierry Lemaire remplacent les anciens fauteuils classiques. Le tapis tissé par la manufacture de la Savonnerie d’après un carton du peintre Zao Wou-Ki et le set de tables basses du bronzier Franck Evennou finalisent l’élégance de l’ensemble.

Salon Pompadour : entre tradition et modernité

Salon Pompadour

© Présidence de la République, France.

Si la marquise de Pompadour, favorite du roi Louis XV, n’a pas fait les grands travaux qu’elle projetait de mener lors de son acquisition du palais en décembre 1753, un certain nombre d’éléments d’aménagement et de décor témoignent de son goût raffiné. Dans cette ancienne chambre de parade qui porte son nom, où elle recevait ses amis, ne demeurent que de très belles boiseries et les deux colonnes de l’alcôve en hémicycle qui abritait son lit. C’est là que le président de la République accorde ses entrevues et, plus rarement, des dîners officiels. Le 18 novembre 1989, soit quelques jours après la chute du mur de Berlin, s’y était ainsi tenu un conseil des chefs d’État européens, qui fut déterminant pour l’avenir du continent. L’ameublement y varie souvent. Aujourd’hui, c’est un ensemble résolument contemporain, proposé par le Mobilier national, qui y est présenté, associant un canapé dessiné par Thierry Lemaire, trois tables aux lignes sobres, caractéristiques du vocabulaire des architectes et designers Daniel et Michel Bismut, une sculpture épurée de Jean Arp (1959), un tapis du sculpteur Étienne Hajdu. Ce dernier, réalisé entre 1987 et 1988, joue sur le contraste entre différentes techniques de tissage (tapisserie et point noué). Sa couleur bleu vif fait écho à la tapisserie Femme au miroir, d’après Joan Miró.

Lire aussi article :  un corps sans tête découvert au bord d'une route

Salon de la cartographie : en totale bichromie

Salon de la Cartographie

Salon de la Cartographie

i

© Présidence de la République, France.

Ce salon porte ce nom car le président Giscard d’Estaing y fait installer des cartes géographiques représentant des lieux du monde qu’il désirait mieux connaître. Certaines d’entre  elles sont d’ailleurs toujours dissimulées derrière les lambris. Situé dans l’aile est du Palais, ce salon fut totalement réaménagé en 1972 par l’artiste Yaacov Agam pour Georges Pompidou. Agam l’a transformé en une œuvre cinétique totale où scintillaient de mille feux – du sol au plafond – des formes géométriques abstraites et colorées. Déposé par Valéry Giscard d’Estaing en 1974, l’ensemble est aujourd’hui visible dans les collections permanentes du Centre Pompidou. Les précautions prises lors de l’aménagement de la pièce avaient alors permis de retrouver intacts les décors du XIXe siècle. Aujourd’hui, ce ne sont plus les cartes qui figurent aux murs mais un ensemble d’œuvres d’art moderne. L’une, signée du père de l’art optique, Victor Vasarely, Re.Na II A (1968), répond à celle de l’artiste Jean Degottex, Aware II (1961). Toutes deux sont des dépôts du Centre Pompidou. Comme dans l’ensemble des précédents salons, les canapés sont dessinés par Thierry Lemaire tandis que les poufs sont d’Éric Schmitt sur un tapis d’Étienne Hajdu tissé en 2007. Les sculptures d’Antoine Poncet et de François- Xavier Lalanne reposent respectivement sur des consoles d’Hervé Van der Straeten et Jean-Michel Wilmotte, tandis qu’une œuvre d’Anselm Kiefer trône sur la cheminée

Salle à manger Paulin : la marque des Pompidou

Salle à manger Paulin

© Présidence de la République, France – © Pierre Paulin

La transformation des quatre premiers salons de l’aile est, alors appartements privés, fut décidée par le Président et madame Pompidou en 1971. Ainsi, la conception de l’antichambre, actuel salon de la Cartographie, fut confiée à l’artiste cinétique Yaacov Agam, tandis que l’aménagement des trois autres pièces, à savoir le salon, le fumoir et la salle à manger fut réalisé par Pierre Paulin. De cet ensemble contemporain ne reste plus que la salle à manger, Valéry Giscard d’Estaing ayant déposé au Mobilier national les autres salons. Installée à l’emplacement de l’ancienne chambre de Napoléon III, celle-ci en a gardé les proportions. Au centre se déploie un plafonnier spectaculaire constitué de vingt-deux caissons lumineux à l’intérieur desquels une grille supporte des cannes et des billes de verre, placées devant un plafond en aluminium anodisé. Le designer créa également un mobilier spécifique comprenant deux tables rondes de douze couverts à plateau de verre triplex fumé sur piètement en aluminium coulé ainsi que vingt-quatre chaises. L’art contemporain entre alors pleinement à l’Élysée.

Lire aussi article :  [Rumeur] Une version Director's Cut de Ghost of Tsushima en approche (également sur PS5)

Salon d’argent : un boudoir qui renferme les secrets de la République

Salon d’argent

© Présidence de la République, France.

Si ce boudoir est chargé d’histoire, c’est d’abord son décor singulier doré à l’or blanc qui impressionne. Avec ses dimensions modestes, Caroline Murat lui aura conservé la fonction intime de boudoir que la duchesse de Bourbon lui avait assignée dès 1797. Décors, méridiennes, chaises lyre et fauteuils gondole aux accoudoirs sculptés de cygnes, sont imaginés par Caroline Murat elle-même et réalisés par l’ébéniste Jacob-Desmalter. Ils sont restés intacts depuis leur création en 1807, seule la couleur des textiles ayant changé en 1812, pour cette teinte lilas demandée par l’empereur lui même. À l’écart, dans les appartements privés, le boudoir renferme bien des secrets. Napoléon Ier y rédigea son acte d’abdication, le 22 juin 1815, suite à sa défaite à Waterloo. Après la fin du Premier Empire, le boudoir est le théâtre d’un nouvel événement politique, devenant ironiquement le lieu de naissance du Second Empire : Louis-Napoléon Bonaparte y fomente son coup d’État du 2 décembre 1851 ! Quelques années plus tard, il abrite les amours illégitimes de Félix Faure, et c’est là que le Président aurait été victime d’une crise cardiaque dans les bras de sa maîtresse, Marguerite Steinheil. Enfin, presque un siècle plus tard, le 28 avril 1969, après l’échec du référendum sur la réforme du Sénat et la régionalisation, Charles de Gaulle quitte définitivement l’Élysée par la porte du boudoir d’Argent.

Jardin d’hiver : la verrière « pavoisée »

Installation de Daniel Buren dans le Jardin d’Hiver

Installation de Daniel Buren dans le Jardin d’Hiver

i

© Présidence de la République, France – © DB-ADAGP, Paris, 2023.

Réalisée en 1881 sous la IIIe République, la verrière vient couvrir le passage qui relie l’hôtel d’Évreux et ses jardins. Le jardin d’hiver fut un temps une serre, qui abritait des plantes rares, avant de devenir l’un des lieux privilégiés pour les réceptions et les conférences de presse. Au même titre que la salle des Fêtes, la verrière est restaurée en 2018 : elle se débarrasse de ses lourds rideaux, avant d’accueillir aujourd’hui une installation de Daniel Buren, Pavoisé, posée avec la complicité du designer Ora-ïto. L’artiste a habillé des couleurs du drapeau français les quelque 250 mètres carrés de la verrière, illuminant et transformant au fil de la journée et de la course du soleil le lieu aux couleurs de la République. « Pour moi, la couleur c’est la lumière et vice-versa », confiait Daniel Buren à propos de son œuvre.

Lire aussi article :  100.000 décès prématurés liés aux phtalates dans le plastique

Salon vert : de salle à manger impériale à salle de réunion présidentielle

Salon Vert

© Présidence de la République, France.

Autrefois, elle était la salle à manger de l’impératrice Eugénie, et servit également de salle pour les Conseils des ministres sous le général de Gaulle. Le parquet en point de Hongrie, les boiseries ornées d’arabesques d’esprit Louis XV, chers à l’impératrice, témoignent du raffinement de ces appartements autrefois privés. Cette pièce a connu une importante campagne de restauration à l’été 2022. Aujourd’hui transformée en salle de réunion, elle sert occasionnellement pour des visioconférences. Au centre de la pièce, l’imposante table de Kristian Gavoille créée en 1996, mélange matières nobles comme l’acajou à de la résine verte de son piétement. Les assises appartiennent à la célèbre série « Cab » de Mario Bellini, où les chaises sont constituées d’un revêtement en cuir naturel tendu et fixé sur une structure en acier.

Salon doré : le bureau du Président

Salon doré

© Présidence de la République, France.

Au cœur de l’hôtel d’Évreux, se trouve le salon Doré qui, depuis Charles de Gaulle, abrite le cabinet de travail officiel de tous les présidents excepté Valéry Giscard d’Estaing qui choisit le salon d’Angle attenant. Cette vaste pièce, ouverte par trois portes-fenêtres prolongées par un balcon donnant sur le parc, appartient aux anciens appartements de l’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, qui avait investi et redécoré l’ensemble du premier étage, qui en conserve encore la trace. On retrouve ainsi le chiffre du couple impérial « NE » sur les dessus-de-porte qui, depuis 1898, enlacent ceux de la République française. Le salon Doré a été entièrement restauré pendant l’été 2020, à l’initiative du Président et de la Première dame. Le décor ancien y est combiné avec des pièces contemporaines, dont les tons sombres adoucissent le doré éclatant des boiseries. Le traditionnel bureau d’époque Louis XV estampillé Cressent a été remplacé par un long bureau noir dessiné par Thierry Lemaire qu’accompagnent des fauteuils de Philippe Starck et d’Ora-ïto. Côté salon, l’ensemble canapés et fauteuils est une création du designer Patrick Jouin, dans une même unité de noir, complété de tables basse et d’appoint de Toni Grilo. Au mur, une grande peinture de Pierre Soulages surmonte une console de Gilbert Poillerat et des lampes d’André Dubreuil.

Arrow

Retrouvez l’intégralité de notre visite guidée dans un numéro hors-série à paraître le 4 octobre.



Source link