Joaquín Sorolla ou les 1 001 nuances de l’été


Joaquín Sorolla à Biarritz

Joaquín Sorolla à Biarritz, 1906

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Coll. Museo Sorolla • © Fotografias Museo Sorolla, Madrid

Quel meilleur remède à la grisaille que les tableaux de Sorolla ? Son nom évoque immédiatement des plages ensoleillées où des robes éclatantes de blancheur, gonflées par le vent comme des voiles de bateau, glissent aux abords de l’eau cristalline, sur un sable éblouissant traversé d’ombres mauves… En 1900, l’année de ses 37 ans, Sorolla était déjà le peintre vivant le plus en vogue d’Espagne. Et son succès ne s’est pas démenti : aujourd’hui, l’artiste reste l’un des plus populaires de son pays avec Diego Vélasquez (1599–1660) et Francisco de Goya (1746–1828). Un parcours remarquable pour cet orphelin pauvre de Valence, recueilli à 2 ans par un oncle serrurier !

Déterminé à devenir peintre, Sorolla entre à 16 ans à l’Académie des beaux-arts de sa ville natale, puis colore des photographies dans l’atelier de son futur beau-père, Antonio García. En 1881, il voyage à Madrid pour étudier l’œuvre de Vélasquez au musée du Prado. Le célèbre auteur des Ménines (1656–1657) influencera durablement ses portraits qui puiseront dans la palette traditionnelle espagnole faite de blancs, de noirs et d’ocre, tout en affichant une pointe de modernité inspirée de peintres comme Édouard Manet ou James Whistler. S’étant vu refuser des marines, Sorolla comprend que pour se faire connaître, il doit d’abord plaire aux jurys en peignant des drames historiques. L’artiste entame donc une période réaliste « classique » qui lui vaut des médailles et une bourse pour un voyage à Rome.

Joaquín Sorolla, María au chapeau

Joaquín Sorolla, María au chapeau, 1910

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Huile sur toile • 40 × 80 cm • Coll. Particulière • Photo Fernando Maquieira

À partir de 1888, le peintre, désormais marié et apprécié dans les salons parisiens, se consacre enfin à sa véritable passion : les plages espagnoles. L’artiste s’y sent comme un poisson dans l’eau. Chaque été, sur fond de sable chaud léché par une mer étincelante, il saisit en plein mouvement des enfants nus s’ébattant dans l’écume, des promeneuses en robe blanche et des pêcheurs lançant vaillamment leurs filets dans les airs. Des plages méditerranéennes et populaires de Valence et Xábia, à celles, plus huppées, de la côte nord, comme Zarautz et Biarritz, ces visions d’une Espagne radieuse apparaissent, en pleine décadence fin-de-siècle, comme une bulle d’insouciance qui séduit ses compatriotes et le public étranger. Si bien qu’en 1900, Sorolla remporte le grand prix de l’exposition universelle de Paris.

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Décentrées, habitées par des diagonales et de grands espaces vides, ses compositions aux cadrages photographiques se font de plus en plus hardies, allant jusqu’à réserver le premier rôle à l’ombre d’une voile sur le sable. L’artiste s’autorise de larges aplats de couleur, épais et énergiques. Mer, lumière et ombre deviennent des matières palpables et gourmandes ; le sable clair prend un aspect crémeux. Parfois, le bleu, le violet ou le vert se confrontent au jaune et à l’orange. « Ces juxtapositions de couleurs pures peuvent évoquer Vincent Van Gogh ou les fauves de Collioure. Mais, chez Sorolla, elles ne sont pas arbitraires et renvoient toujours à une réalité de la nature, comme la puissante lumière orangée du soleil au cap San Antonio », remarque la commissaire María López Fernández. Simplement, l’artiste se plaît à saturer les couleurs et accentuer les contrastes de lumière et d’ombre !

Joaquín Sorolla, Reflets sur le cap

Joaquín Sorolla, Reflets sur le cap, 1905

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Huile sur toile • 93 × 64 cm • Coll. Particulière • Photo Fernando Maquieira

Intensité des tons, vitalité des gestes, dynamisme des compositions : si sa modernité est évidente, aucune étiquette (impressionnisme, réalisme, luminisme…) ne lui correspond totalement. En se nourrissant d’inspirations diverses, l’Espagnol a construit un style unique. « Sa peinture semble très facile, spontanée. Mais derrière chaque tableau, il y a un énorme travail. Sorolla peint tout le temps, y compris mentalement quand il regarde autour de lui », souligne la commissaire. Comme un chanteur faisant ses gammes, l’artiste n’arrête jamais d’observer et de dessiner la nature, sa femme, sa fille jouant, les voiles des bateaux à demi-repliées, ou les enfants courant sur la plage, qu’il crayonne inlassablement.

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Joaquín Sorolla, Le Filet

Joaquín Sorolla, Le Filet, 1898

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Huile sur toile • 50 × 69 cm • Coll. Museo Universidad de Navarra • © Manuel Castell / Universidad de Navarra

Un jeu de reflets, la transparence d’un filet de pêche, la lueur orangée du soleil couchant sur le bras d’une pêcheuse, la façon dont la lumière se pose sur la peau mouillée, luisante comme un poisson frais, ou encore l’écume, travaillée à la spatule pour s’approcher au plus près du rythme de la mer… Chaque détail est le fruit de recherches acharnées. De nombreuses esquisses à l’huile de petit format, peintes en quinze minutes, lui permettent de saisir l’atmosphère. Mais aucune ébauche ne correspond jamais au tableau final, qu’il exécute d’une seule traite, sans dessin préparatoire. Une « spontanéité construite » qu’on ne se lasse pas d’admirer !

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Joaquín Sorolla – Lumières espagnoles

Du 10 juillet 2020 au 1 novembre 2020



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