Fraude à la viande chevaline – Les chevaux d’une ferme-labo finissaient en boucheries : 25 prévenus jugés


Strictement exclus de la consommation humaine, des chevaux réformés d’une ferme-laboratoire de Sanofi-Pasteur avaient pourtant terminé en boucheries : dans ce vaste dossier de fraude à la viande chevaline, 25 prévenus sont jugés à partir de lundi devant le tribunal correctionnel de Marseille.

« Tromperie sur la qualité substantielle d’une marchandise », « faux dans un document administratif », entre autres chefs de renvoi : pendant trois semaines, marchands de bestiaux, grossistes en viandes et vétérinaires vont devoir s’expliquer sur ces « pratiques frauduleuses de grande ampleur » relevées par la juge d’instruction en charge de ce dossier au pôle de santé publique de Marseille.

Sur le banc des parties-civiles, les victimes : Sanofi-Pasteur, mais aussi l’ordre national des vétérinaires, des associations de consommateurs et des bouchers.

Ouverte en 2012, sur la base d’une lettre anonyme, l’enquête a notamment démontré que des chevaux de la ferme-laboratoire de Sanofi-Pasteur d’Alban-la-Romaine (Ardèche) avaient été conduits à l’abattoir de Narbonne (Aude), mais aussi dans ceux de Vérone et de Barcelone, principalement pour le compte de Patrick Rochette, un grossiste en viande narbonnais fournissant une vingtaine de bouchers dans le Sud de la France.

Ces animaux ayant servi à la fabrication de sérums antirabiques, antitétaniques ou antivenimeux, leur viande était pourtant strictement interdite à la consommation humaine.

« Principal acteur de cette fraude », selon la magistrate, Patrick Rochette récupérait ces chevaux auprès de la société Equid’Aniel, dirigée par Fabrice Daniel, commerçant et agriculteur dans le Gard.

Fournisseur exclusif de Sanofi-Pasteur, celui-ci vendait à la ferme-laboratoire des trotteurs réformés des courses hippiques, au prix de 1 000 à 1 100 euros hors taxe. Au terme de leur exploitation pour la fabrication des sérums, ces bêtes, destinées à une retraite paisible, lui étaient rétrocédées 10 euros par tête.

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Lors des transactions suivantes, la mention « équidés définitivement retirés de l’abattage pour la consommation humaine » était supprimée des documents d’identification et des fiches de traitement médicamenteux des chevaux. Puis ils étaient revendus, abattus, pour finir dans les rayons des boucheries.

Santé : « risque toxicologique » faible

Sur les 185 chevaux réformés de Sanofi dont les enquêteurs ont retrouvé la trace, 80 avaient été cédés à Patrick Rochette, 300 à 800 euros par tête. Ce chevillard négociait 200 chevaux par mois et importait et exportait depuis ou vers l’Espagne, l’Italie et la Pologne.

Selon les enquêteurs, les animaux de Sanofi-Pasteur présentaient de volumineux ganglions et kystes au niveau de l’encolure, en raison des injections répétées. Des stigmates que les spécialistes de l’abattoir ne pouvaient pas ne pas voir.

Une expertise a cependant démontré une « absence significative de risque toxicologique » pour les consommateurs de cette viande, même crue.

Mis en examen au départ pour tromperie, le vétérinaire et trois techniciens de l’abattoir de Narbonne, dont Patrick Rochette était un des principaux actionnaires, ont finalement bénéficié d’un non-lieu. S’il y a eu « un manque de diligence, voire une négligence » dans le contrôle des chevaux, « il n’est pas établi que (ces personnels) ont agi avec mauvaise foi », a noté la juge d’instruction.

Huit autres vétérinaires travaillant pour des marchands et rabatteurs de chevaux seront par contre jugés pour complicité de tromperie et faux dans un acte administratif. La plupart ont reconnu avoir fourni à leurs clients des feuillets de traitement médicamenteux vierges, ou avoir attesté de la bonne santé d’animaux destinés à l’exportation sans même les voir.

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Autant de malversations qui, selon l’accusation, ont permis de brouiller toute traçabilité de la viande.

En lien avec Patrick Rochette, deux négociants espagnols auraient permis l’abattage en Espagne de chevaux ne pouvant l’être en France en raison de ces irrégularités dans leurs documents d’identification.

Ce procès intervient quelques mois après un précédent qui avait vu comparaître 18 prévenus français, belges et néerlandais, pour escroquerie et tromperie basée sur une fraude documentaire massive de passeports équins, là aussi pour faire rentrer de la viande interdite dans la filière de l’alimentation humaine. Dans ce dossier, jugé en juin, le tribunal correctionnel de Marseille rendra son jugement mercredi.



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