Ennio Morricone et Sergio Leone : saviez-vous qu’ils s’étaient rencontrés sur les bancs de l’école ? – Actus Ciné


Sergio Leone le disait volontiers : il n’aurait certainement pas rencontré un tel succès sans sa collaboration avec l’illustre Ennio Morricone. Retour sur l’aventure commune de “Pour une poignée de dollars” de deux légendes du cinéma en devenir.

CINQUINI / BESTIMAGE

Le monde pleure le maestro Morricone. Celui qui a bercé des générations entières de cinéphiles et mélomanes n’est plus, décédé à l’âge de 91 ans. Une figure tellement importante de la musique de films et de la musique tout court, à qui l’on doit quantité de chefs -d’oeuvre absolus de BO, que l’on avait presque pu croire le compositeur immortel, du haut de ses quelques 500 musiques de films écrites au cours de sa fabuleuse carrière au long cours.

Parmi les rencontres déterminantes de celle-ci figure évidemment en bonne place celle qu’il fit avec Sergio Leone. Jamais sans doute l’oeuvre du réalisateur n’aurait eu un tel impact dans la mémoire cinéphilique des spectateurs sans le fabuleux travail de Morricone.

“C’est plus qu’un couple, c’est comme une sorte de mariage involontaire” confiait Sergio Leone à l’historien, scénariste et réalisateur Noël Simsolo, alors que Leone était invité le 24 février 1989 dans l’émission de radio Euphonia, deux mois avant sa disparition. “On se connaît depuis longtemps. Je n’aime pas du tout me répéter et expliquer les choses plusieurs fois, et avec Ennio, c’est très facile, en un regard, nous nous comprenons tout de suite. Il y a le succès que nous avons eu ensemble, l’estime que nous avons l’un pour l’autre… Il est capable de réécrire un morceau de musique quatre ou cinq fois si je ne l’aime pas du tout. […] C’est plus qu’un compositeur pour moi. Je n’aime pas du tout les mots dans les films, j’espère toujours faire un film muet, et la musique se substitue aux mots, alors on peut dire que Morricone est l’un de mes meilleurs scénaristes”.

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Une amitié qui était déjà longue d’une cinquantaine d’années, remontant aux bancs de l’école, bien avant la composition du maestro pour le film Pour une poignée de dollars. “Nous étions à l’école ensemble en 4e élémentaire, j’avais 9 ans et lui 10” lâche le cinéaste dans l’émission de radio. Lors de leur première collaboration artistique, le compositeur signait encore ses partitions sous le pseudonyme de “Don Savio”.

Après avoir signé les succès du péplum Le Colosse de Rhodes en 1961, puis dirigé la seconde équipe du film de Robert Aldrich, Sodome et Gomorrhe, Sergio Leone jette son dévolu sur le western, alors même que le genre est entré dans un déclin progressif outre-Atlantique. Ce sera un remake du film Le Garde du corps d’Akira KurosawaPour une poignée de dollars (1964), qu’il réalise sous le pseudonyme de Bob Robertson. Leone s’impose alors comme le chantre d’un style nouveau, celui du western “spaghetti”, en s’évertuant à exploser les codes du western traditionnel, parodiant les situations typiques, privilégiant la lenteur et étirant les scènes à l’excès, en usant des gros plans (colts, visages, regards) comme s’il filmait des paysages dans un récit picaresque mâtiné de sauvagerie et de cruauté.

“Ta musique sur Duel au Texas, c’est archi-nul !”

Si Leone savait précisément ce qu’il souhaitait pour sa bande originale, ce n’est pas de prime abord à Ennio Morricone qu’il songea, mais au compositeur Franco Lavagnino, qui était déjà l’oeuvre sur deux productions précédentes, Les Derniers jours de Pompéi en 1959 et Le Colosse de Rhodes. Mais les producteurs de Leone ne l’entendent pas ainsi et ne veulent pas de lui, d’autant que le budget de son western est serré, pour ne pas dire carrément étriqué. Morricone, lui, coûte moins cher. Et ils en savent quelque chose. Papi et Colombo, les producteurs de Leone, avaient déjà engagé le compositeur pour Duel au Texas (1963) et pour Le pistole non discutono (Mon colt fait la loi). Un western de Mario Caiano, tourné dans les mêmes décors qu’Il Magnifico Straniero, qui deviendra Pour une poignée de dollars. En fait, les producteurs ont imposé à Leone de réaliser son film en utilisant les mêmes endroits, presque la même équipe technique, les mêmes costumes et quelques acteurs de Mon Colt fait la loi.

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Leone et Morricone étaient donc sur les bancs de l’école ensemble, mais “C’était insuffisant pour que je l’engage. Et je dis franchement : “Ta musique pour Duel au Texas, c’est archi-nul. Du très mauvais Dimitri Tiomkin. À mon grand étonnement, il approuve : “Je suis entièrement d’accord avec toi. Mais on m’avait demandé de faire du mauvais Dimitri Tiomkin. Je l’ai fait. Il faut bien vivre”. Je lui donnai une autre chance” racontait Leone dans l’ouvrage Conversations avec Sergio Simsolo (publié chez Stock Cinéma en 1987).

Sans montrer le scénario de son film à Morricone, le cinéaste lui raconte alors l’histoire, en lui décrivant tous les plans de son futur film. Et pas question de faire de la musique hollywoodienne, bien trop symphonique et pompier à son goût. Morricone lui propose de partir sur une chanson de Woody Guthrie, Pastures of Plentry, composée en 1941 et évoquant le difficile labeur quotidien des travailleurs migrants en Amérique du Nord. Si la version proposée par Morricone est réarrangée pour le chanteur Peter Tevis, Leone n’aime pas la voix de ce dernier. Mais l’air le séduit énormément, entre les claquements de fouets, bruits de cloches, les choeurs, et même un morceau de guitare électrique.

Voici la chanson réarrangée par Morricone pour le chanteur, telle qu’elle fut écoutée par Leone..

Leone lui lâche en guise de conclusion : “Tu fais le film. Va à la plage parce que ton travail est terminé. Déniche-moi simplement un bon siffleur”. Les fondations d’une exceptionnelle collaboration étaient jetées; une des osmoses créatives les plus illustres du 7e art, avec celui qui s’était pourtant longtemps rêvé comme joueur professionnel d’échecs. So long l’artiste…

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