Encoreunestp, dans le flux des réseaux sociaux


Il le reconnaît lui-même : Nicolas Davoine, mieux connu sous le pseudo encoreunestp, est accro aux réseaux sociaux. Ancien directeur d’une agence de communication, il a changé de vie il y a quelques années en se consacrant à plein temps à son activité artistique. Celle-ci a débuté dans la rue, où il accrochait des miroirs reprenant le cadre d’Instagram – et permettait ainsi à chacun d’y saisir, fugitivement, un selfie-autoportrait. À l’espace Fondation EDF, où il a déjà exposé en 2017 lors de « La Belle Vie numérique ! », il montre une installation et une vidéo.

encoreunestp, #NotiTweety 2.0

encoreunestp, #NotiTweety 2.0, 2020

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Techniques mixtes • 14 cages, dimensions variables • © encoreunestp

Pour #Notitweety, l’artiste a installé dans la double hauteur de la fondation 14 cages à oiseaux : suspendues au plafond et réparties dans l’espace, elles flottent au-dessus des visiteurs comme autant de pensées. Dans chacune des cages, un petit oiseau bleu symbolise le réseau social Twitter, et porte la capture d’écran d’un tweet fantaisiste inventé par l’artiste. À l’origine de l’œuvre, un constat : Twitter a connu, aux débuts des années 2010, une très grande liberté d’expression, qui a permis, pêle-mêle, l’essor des Printemps arabes aussi bien que les moqueries des membres de la Ligue du LOL. Aujourd’hui, le réseau social au petit oiseau n’hésite plus à censurer les pépiements de ses inscrits, voire à bloquer leur compte.

L’installation que l’on découvre ici n’est pas tout à fait nouvelle. Dès 2013, l’artiste a commencé à installer, dans la rue, des sculptures d’oiseaux bleus en dehors de leurs cages, symboles de cette liberté absolue des réseaux sociaux. « L’œuvre a évolué en même temps que Twitter, constate-t-il. J’ai rapatrié mes oiseaux, qui rentrent dans leurs cages. » Et d’insister : il ne s’agit pas ici de porter un jugement, de donner un avis sur la question des réseaux sociaux, mais de mettre en évidence une situation.

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encoreunestp, #NotiTweety 2.0

encoreunestp, #NotiTweety 2.0, 2020

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Techniques mixtes • 14 cages, dimensions variables • © encoreunestp

Quant aux tweets créés pour l’occasion, ils témoignent d’une surdose de fausses informations, répandues sur les réseaux à une vitesse folle. C’est le sujet de son œuvre vidéo, montrée à quelques mètres des cages : « Make truth great again » y est inscrit en lettres capitales, en clin d’œil au slogan de campagne de Donald Trump, « Make America great again ». À l’intérieur des lettres défilent des tweets d’internautes voulant rétablir la vérité en réponse aux fake news. Réunis en communauté, ces internautes se sont donnés pour mission de fact-checker, autrement dit de vérifier chaque mensonge proféré par le président.

encoreunestp, #NotiTweety 2.0

encoreunestp, #NotiTweety 2.0, 2020

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Techniques mixtes • 14 cages, dimensions variables • © encoreunestp

En moyenne, nous explique-t-il, 5,2 fausses informations sont diffusées par seconde ; ces réponses (sous forme de capture d’écran) adoptent ici le même rythme frénétique et apparaissent donc très rapidement sur l’écran. La boucle de la vidéo dure dix minutes et lui a demandé six mois de travail intensif, à guetter les résultats de 36 sites de fact-checking. « Je voulais que le visiteur prenne conscience qu’il se prend cinq fake news par seconde dans la tête. » Et, qui sait, lui souffler l’envie de vérifier toutes les informations qui lui arrivent… Tout en laissant chacun « faire son bout de chemin seul », explique l’artiste. Et de conclure : « L’art est assujetti au questionnement. »



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