En Bretagne – Malgré la guerre en Ukraine, la culture du blé noir résiste


« C’est un pari » : malgré la guerre en Ukraine et l’envolée des prix du blé tendre, l’emblématique galette de blé noir bretonne résiste, aidée par une centaine de nouveaux producteurs mobilisés pour sauver la filière.

Debout devant son tracteur, Damien Hervé, agriculteur et patron de la ferme des Fraux à Pipriac (Ille-et-Vilaine), plonge sa main dans un bac à semences derrière son véhicule chargé de 50 kilos de sarrasin (l’autre nom du blé noir).

En cette fin de printemps, le sol est presque trop sec : pas de quoi rassurer ce maraîcher bio de 43 ans à la peau tannée par le soleil.

« C’est un pari », explique ce producteur au sourire contagieux, avant de s’installer aux commandes de son engin et d’entamer les semis de sarrasin sur sa parcelle d’un hectare, en bord de départementale, à quelques centaines de mètres de ses serres de fraises proposées en vente directe.

Si de prime abord, la tradition semble respectée à Pipriac connue pour son « concours annuel de la meilleure galette », cultiver du blé noir n’a pourtant rien d’évident pour Damien Hervé.

Comme une centaine d’autres producteurs, le quadragénaire a répondu à un appel lancé par l’association qui coordonne la filière en Bretagne. Il s’est porté volontaire pour cultiver la fameuse « plante des 100 jours » qui doit son nom au temps nécessaire à sa maturation.

« A la base, je devais semer 2 hectares de blé noir et finalement je vais en semer 7 de plus, donc 9 en tout », explique Damien Hervé qui peut espérer une tonne de rendement par hectare.

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L’association « Tradition blé noir Bretagne » craignait de voir ses producteurs délaisser en nombre cet « or gris » au profit du froment, devenu plus lucratif depuis le conflit en Ukraine.

« Un blé tendre qui était rémunéré au producteur autour des 200 euros la tonne, monte cette année à 400 euros voire un peu plus, ce qui est énorme », explique Christine Larsonneur, directrice de l’association.

Moins volatil et négocié autour de 700 euros la tonne, le sarrasin, malgré ses nombreux atouts, peine pourtant à attirer les producteurs en Bretagne, où sa consommation atteint trois fois la moyenne nationale.

Sauver la galette saucisse

La production locale, qui s’établit à 3 000 t représente le quart de la production nationale. Mais la France continue d’importer 10 000 tonnes par an, majoritairement de Chine et d’Europe de l’Est.

Selon l’agriculteur, « la crise du Covid et maintenant la guerre en Ukraine nous rappellent à l’ordre qu’il faut des agriculteurs pour nous nourrir ».

Récoltés début septembre, ses grains, une fois transformés en farine, entreront dans la composition de l’incontournable galette salée, proposée dans les crêperies de Bretagne.

L’appel lancé il y a trois mois était pourtant loin d’être gagné. Selon l’association, les stocks permettaient de tenir jusqu’en juin 2023. Mais à terme, l’IGP (indication géographique protégée), l’une des toutes premières créées dans l’UE, était menacée.

« En mars, on s’est aperçu qu’on avait 50 % de producteurs en moins que l’année dernière. Quand on a lancé l’appel il nous manquait 150 à 200 producteurs, aujourd’hui c’est une quarantaine », explique Mme Larsonneur.

Ce succès, le sarrasin le doit d’abord à ses caractéristiques propres.

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Capable de pousser sur des terres pauvres, sans engrais ni traitement en amont, « le blé noir est intéressant à intégrer dans l’assolement, qu’il soit cultivé en bio ou en conventionnel », rappelle l’association.

L’IGP sauvée, c’est aussi le signe que « la galette saucisse qui est l’emblème de la Bretagne » pourra « perdurer », se réjouit Mme Larsonneur.

Pour Vincent Sorin, qui tient à Rennes une crêperie près du Parlement, s’il n’y a pas de rupture en farine, c’est plutôt l’inflation qui menace. « Le blé noir a pris 7 % dernièrement et c’est identique pour d’autres matières premières comme les œufs, l’huile, le beurre. Donc on va être obligés de se réadapter et augmenter nos tarifs pour pouvoir s’y retrouver », dit-il.

Et même si crêpes et galettes devaient prendre 5 à 7 %, Vincent Sorin assure que « la galette restera abordable ».



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