Émilie Perotto, sculptrice de données


Qu’y a-t-il de plus obscur… que des chiffres ? Lancés tels quels, ils semblent bien souvent mystérieux, et peuvent dissimuler dans leur rigueur mathématique d’amères réalités. Comment rendre sensible une donnée ? De cette question, Émilie Perotto (née en 1980) a tiré un projet en trois dimensions. « La sculpture peut nous aider à rendre les données moins opaques, voire moins inoffensives  », souligne l’artiste. Pour le démontrer, elle a mis face à face deux histogrammes (des graphiques hérissés de bâtons) : le premier recense les 17 plus grands producteurs d’or du monde, de la Chine au Mali. En parallèle, ces mêmes pays sont évalués selon leur taux de mortalité infantile. L’idée ? Confronter « les richesses en matière brute » à la question de la santé et du bien-vivre.

Émilie Perotto, Extrait du film portrait de l’artiste Émilie Perotto, réalisé par InstanT

Émilie Perotto, Extrait du film portrait de l’artiste Émilie Perotto, réalisé par InstanT

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Ce projet peut se décliner à l’infini, et mettre en perspective, par exemple, « la hausse des salaires des dirigeants des sociétés classées au CAC 40 avec la hausse du smic ces dernières années », imagine la sculptrice. Ces comparaisons plastiques pointent des données qui en disent long des contrastes insoutenables du monde contemporain : et si un regard rapide n’y voit qu’une sculpture aux lignes géométriques, l’œil averti peut y deviner des situations d’inégalités, d’injustices, de décalages… L’artiste a également tenu à imaginer des œuvres maniables par les visiteurs : « On vit dans un monde où notre vue est le sens le plus sollicité ; or notre compréhension passe aussi par le corps, pas uniquement par le regard, c’est pourquoi j’ai voulu remettre le toucher au premier plan de cette expérience esthétique. »

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Poids d’une sculpture ? Entre quatre et sept kilos, a estimé l’entreprise avec laquelle Émilie envisage de collaborer, soit celui d’un « gros chat », nous éclaire-t-elle. Diplômée de la Villa Arson en 2004, l’artiste est professeure depuis 2013 à l’école supérieure d’Art et de Design de Saint-Étienne, un établissement qui compte « une majorité d’étudiants en design, et pas en art » : « Cela m’a permis d’affiner ma relation à l’usage. » D’où son idée de solliciter le toucher, mais aussi de présenter ses futures sculptures posées sur des sièges empruntés aux bureaux de la MAIF, plus domestiques que de simples socles. Futures sculptures, oui, car la dotation du Prix MAIF a pour but d’aider l’artiste à donner vie à son ambitieux projet, à l’heure actuelle encore à l’état de réflexion et de maquette.

Émilie Perotto, Simulation du projet « Datasculpture »

Émilie Perotto, Simulation du projet « Datasculpture »

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Courtesy de l’artiste Émilie Perotto

Émilie Perotto collaborera pour l’occasion avec une entreprise française spécialisée dans l’impression 3D. La plasticienne souhaite faire imprimer chaque sculpture en une seule fois, et… en céramique. « Elle nous survivra, contrairement à une impression plastique », la céramique étant l’un des matériaux les plus solides (il suffit de regarder les collections archéologiques des musées !). Dans la forme comme dans le fond, Datasculpture propose donc une expérience complète, à la fois esthétique, sensible et documentaire. « Ce qui m’intéressait, ce n’était pas que j’allais amener des nouvelles technologies dans la sculpture mais l’inverse : en quoi la sculpture peut nous aider dans notre relation au numérique et aux datas. » Mission réussie !



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