« Si tu as du sang dans la bouche, tu risques d’en subir les conséquences. » Autrement dit, il ne faut pas calomnier. Ce dicton afghan, répété par les parents de Kubra Khademi – en France, on dirait qu’il faut tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler –, dit l’impact des mots sur l’éducation. Et sur la discipline des corps et des esprits, corsetés et empêchés dans leur libre expression.
Kubra Khademi, performeuse afghane exilée à Paris, fait une nouvelle fois craquer les coutures de la société patriarcale à travers une série de dessins inédits. Des corps de femmes, nus, ocres, s’inscrivent sur des fonds couverts de textes en persan du poète Rûmî, ou adoptent des postures dites « inconvenantes » pour les femmes – comme ce portrait à la langue si rouge qu’elle en semble lumineuse.
L’exposition s’intitule From the Two Page Book (« Issu du livre à deux pages »), et reprend une expression de femmes pour pouvoir parler du sexe et des fesses en présence d’hommes. Le langage et la littérature apparaissent ainsi comme des moyens d’émancipation ; la poésie libère et permet la subversion, la réinvention. S’inspirant des miniatures persanes, Kubra s’inscrit dans une certaine tradition, tout en s’appropriant les mots et en opérant des glissements, modifiant à sa manière (féministe !) les contes et les récits – un exemple : Rûmî et son amant soufi deviennent sous son pinceau deux femmes entremêlées… De celle qui, courageusement, traversait Kaboul en 2015 sous les insultes avec une armure tout en seins et en fesses, on n’attendait pas moins de malice et d’audace. Une claque.
From the Two Page Book
Du 30 janvier 2021 au 3 avril 2021
Galerie Eric Mouchet • 45 Rue Jacob • 75006 Paris
www.ericmouchet.com