Dans les coulisses du C2RMF, clinique de pointe pour nos chefs-d’œuvre


Direction le Pavillon Flore. Son nom vient du Triomphe de Flore (vers 1866), haut-relief de Jean-Baptiste Carpeaux qui orne sa façade (côté Pont Royal). À l’extrême gauche du bâtiment, des escaliers. Tout le monde descend ! Passé l’entrée, plus de réseau. À droite, une salle de lecture peuplée d’ouvrages spécialisés. À gauche, accès privé à des bureaux qui donnent, en contrebas, sur un large couloir jalonné de studios photo et de laboratoires d’analyses. En effet, avant de restaurer une œuvre d’art, il s’agit de l’étudier scrupuleusement afin de déterminer la meilleure façon de la traiter.

Avant de restaurer une œuvre d’art, il s’agit de l’étudier scrupuleusement afin de déterminer la meilleure façon de la traiter.

Avant de restaurer une œuvre d’art, il s’agit de l’étudier scrupuleusement afin de déterminer la meilleure façon de la traiter.

i

Au bout du couloir, un monte-charge accueille les œuvres ensuite soumises à une batterie d’examens, d’une observation attentive à l’œil nu à une série de prises de vue, sous lumière naturelle mais aussi rayons infrarouge, ultraviolet, X… Les images issues de ces séances photo permettent de collecter un certain nombre d’informations sur la technique des artistes et l’état des pièces étudiées. Le rayonnement IR, par exemple, favorise la détection de dessins préparatoires au carbone sous la surface picturale. Généralement, on multiplie les clichés, entre autres méthodes d’analyses, afin de ne pas avoir à prélever de la matière et, par conséquent, de ne pas risquer d’endommager un objet.

200 restaurateurs par an

Trêve de discussions, passage à l’action ! Près de 200 restaurateurs se succèdent par an au C2RMF, sans compter la douzaine de fonctionnaires qui travaillent sur place. Les ateliers ad hoc, divisés en six filières (archéologie, sculpture, peinture, arts décoratifs, arts graphiques et art contemporain), se trouvent juste à côté. Il suffit de ressortir du centre de recherche, de longer la façade du Pavillon Flore jusqu’à l’entrée de l’École du Louvre, à gauche, pour y s’y rendre. Notre visite exclut les arts graphiques, dirigés par une personne qui n’était pas disponible, et l’art contemporain, chasse gardée du site versaillais.

Au sous-sol se déploient les ateliers de restauration réservés à la sculpture. Là, Laetitia Barragué-Zouita, conservateur (sic) du patrimoine, nous présente une statue de sainte Barbe datant du XVe siècle récemment nettoyée en vue de la réouverture prochaine du musée de Cluny. Son manteau, initialement multicolore, aurait été intégralement repeint avant le XVIIe siècle. Le défi était de restituer la polychromie initiale de l’œuvre sans détériorer son état. Mission accomplie ! Trop fragile par endroits, le rouge d’origine fusionne ponctuellement avec un second repeint, la couche intermédiaire n’étant pas exactement de la même couleur.

Lire aussi article :  Streets Of Rage, les tentatives de reboot de Sega
Gros plan sur un plâtre de Rodin en cours de décrassage.

Gros plan sur un plâtre de Rodin en cours de décrassage.

i

Dans la cabine adjacente reposent plusieurs plâtres, en cours de décrassage. La technologie laser y est utilisée, afin de désintégrer les croûtes de pollution noires qui viennent se déposer sur certains objets. La coloration beige-orangé d’un modèle de fonte de Rodin trahit la présence d’une gomme-laque qui facilite le démoulage. Étape à suivre : trouver pour cette œuvre un système de montage car elle ne tient, pour le moment, pas debout.

Le rez-de-chaussée abrite la filière archéologie, où collaborent trois conservateurs, dont Sarah Busschaert, chargée des antiquités grecques, étrusques et romaines. Céramiques et métaux. Telles sont les deux spécialités traitées au sein des sept ateliers où transitent près de 400 objets par an. Ici, pas de retour en arrière. Il s’agit de figer l’objet dans son état actuel et non de lui redonner, comme en sculpture ou en peinture, son apparence originelle. Deux restaurateurs internes complètent l’équipe archéologique, dont Manuel Leroux. Fasciné par le silex, il se destinait à une carrière d’archéologue, avant de se spécialiser dans la conservation-restauration des métaux. Nous l’avons rencontré devant un casque de parade découvert à Autun en 1910. Son sujet de recherche actuel porte sur le nettoyage des métaux à l’aide de gomme-laque.

« Effet peeling garanti ! »

C’est à croire que tous les restaurateurs utilisent la même résine ! Dans l’atelier d’ébénisterie du quatrième étage, Frédéric Leblanc, restaurateur fonctionnaire affilié au département des arts décoratifs, évoque également le pouvoir de la gomme-laque, entre autres gels, capables de nettoyer naturellement les marqueteries. « Effet peeling garanti ! », s’amuse notre interlocuteur, accaparé par un bureau Louis XIV, acquis en 2015 à Versailles.

Lire aussi article :  QUIZ Marvel : à quels films appartiennent ces objets ?

Son rôle ? Le redresser sur le modèle de son pendant, acquis par le Metropolitan Museum de New York, en 1986. Le résultat est d’autant plus époustouflant quand on sait que la crise sanitaire l’a empêché de se rendre aux États-Unis, soit contraint à œuvrer d’après photo. Un peu plus loin, de grandes torchères de près de trois mètres de haut attendent leur tour. Disparu depuis la Commune, stocké au Mobilier national, cet ensemble provient de la salle du trône de Louis XVIII aux Tuileries et fera l’objet d’une reconstitution courant 2023 au Louvre.

Dans l’atelier d’ébénisterie, confrontation de deux pans d’un même meuble, l’un nettoyé, l’autre non.

Dans l’atelier d’ébénisterie, confrontation de deux pans d’un même meuble, l’un nettoyé, l’autre non.

i

Dernière étape, et non des moindres : rencontre avec Matthieu Gilles, responsable de la filière peinture. Tout autour, des peintures, de grands maîtres et de parfaits inconnus, plus ou moins éclatantes. Les rectangles en pointillés, visibles sur certaines toiles, délimitent des zones d’intervention (nettoyage, prélèvement…). Le Pavillon Flore accueille principalement des œuvres du Louvre. Une centaine au total, sur deux ans. Plus spacieux, les ateliers versaillais reçoivent des tableaux venus des quatre coins de la France, en particulier des grands formats.

Augmenter la durée vie des objets

Sous une énorme bâche, à plat, se cache un tableau monumental du peintre espagnol Francisco de Zurbarán : L’Exposition du corps de saint Bonaventure (1629). Son pendant, Saint Bonaventure au concile de Lyon (vers 1629), a fait l’objet d’un rentoilage, méthode qui consiste à coller une toile neuve au dos d’une toile usée. Le premier offre, en revanche, un exemple de transposition, intervention beaucoup plus risquée qui n’a plus cours de nos jours car elle implique de reporter la couche picturale sur un nouveau support. « On ne transpose plus mais on reprend à l’occasion des transpositions », explique Matthieu Gilles.

Lire aussi article :  Moins de 40% des Français disent pouvoir épargner à la fin du mois
Au département peintures, des tableaux attendent d’être examinés, nettoyés, restaurés.

Au département peintures, des tableaux attendent d’être examinés, nettoyés, restaurés.

i

Sur le terrain, il a été constaté que seuls 35% des musées de France savaient comment se protéger en cas d’incendie.

Après la recherche et la restauration, évoquées dans l’acronyme C2RMF, rendez-vous avec la conservation préventive, apparue dans les années 1970–1980, à savoir plus tardivement en France qu’en Angleterre, aux Pays-Bas ou au Canada. Cette discipline englobe « l’ensemble des actions mises en œuvre pour augmenter la durée vie des objets », nous explique la responsable, Marie Courselaud. Ces actions touchent moins l’objet que son environnement. Le département en question se compose d’une douzaine de personnes, dont six régisseurs qui orchestrent les départs et arrivées des œuvres ainsi que leur conservation et répartition entre les trois réserves du centre ; ce qui représente environ 4 000 mouvements par an.

Une grenouille sculptée dans les laboratoires du C2RMF.

Une grenouille sculptée dans les laboratoires du C2RMF.

i

L’autre moitié de l’équipe de conservation préventive joue un rôle de conseil auprès des musées, et plus particulièrement des institutions régionales à moindre effectif ou budget. Ce service d’assistance, placé sous la tutelle du ministère de la Culture, est gratuit. Comment aménager ses réserves, limiter les risques d’inondation, réconcilier un médiateur, une municipalité et un chef d’établissement en total désaccord ? Pour répondre à ces questions, formulées par l’entremise des DRACs (Directions régionales des affaires culturelles), il arrive que les agents du C2RMF entreprennent des déplacements. Sur le terrain, il a été constaté que seuls 35% des musées de France savaient comment se protéger en cas d’incendie. Le but du département serait de pousser les 75% restants à se munir d’un PSBC (Plan de Sauvegarde des Biens Culturels). Il ne s’agirait pas de voir le « cas Notre-Dame » se répandre, comme une traînée de poudre, dans toute la France…

Arrow

Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France



Source link