Dans les coulisses de la réouverture du musée Jacquemart-André : « Les gens sont ravis de ces conditions de visite ! »


Ce sont des ciels délavés, des vues de Venise blanches, des panoramas alpins vertigineux. Le public choisira-t-il Turner pour ses paysages lointains, ses voyages picturaux et ses lumières d’or – qui nous ont tant manqué pendant ces deux mois de confinement ? « Je pense que c’est surtout le fait de retourner dans un lieu qui soit beau, harmonieux, qui attirera », nous répond Foulques d’Aboville, directeur région Paris Île-de-France du groupe Culturespaces, propriétaire du musée et qui a rouvert le même jour son Atelier des Lumières du 11e arrondissement. De fait, nous sommes nous-mêmes un peu étourdis de commencer l’interview sous les ors de cette ancienne demeure bourgeoise transformée en musée depuis 1913…

Foulques d’Aboville, directeur région Paris Île-de-France du groupe Culturespaces, propriétaire du musée Jacquemart-André

Foulques d’Aboville, directeur région Paris Île-de-France du groupe Culturespaces, propriétaire du musée Jacquemart-André, le 27 mai 2020

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Il est vrai que les obligations sanitaires rendent les conditions de visite particulièrement confortables. On se rappelle des interminables files d’attente devant le musée, de ses salles bondées ; c’est désormais un souvenir, les visiteurs étant limités au nombre de « 15 personnes pour 15 minutes, pour une jauge de 60 personnes dans les espaces d’exposition, soit une personne pour quatre mètres carrés, comme le veulent les consignes officielles ». Et d’ajouter : « les gens sont ravis de ces conditions de visite ! ». Une leçon à tirer pour l’avenir ? Peut-être, oui. En attendant, chacun profite de ce parcours aéré en ayant pris soin de passer par un court protocole dans le hall du musée.

Déjà, il faut arriver avec son billet, pris sur internet. Il faut porter un masque, se laver les mains avec du gel hydroalcoolique disponible à différents endroits stratégiques (entrée du musée, entrée de l’exposition, sortie des toilettes…), et laisser l’employé de l’accueil prendre votre température sur votre tempe. L’accès a été aménagé : n’ayant plus besoin de passer par la billetterie, les visiteurs entrent directement par la grande porte, puis sortent par la boutique, sans se croiser. Pas de vestiaire, pas de visite de groupe, et pas d’audioguide non plus, mais une application disponible sur smartphones.

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« Je pense que c’est surtout le fait de retourner dans un lieu qui soit beau, harmonieux, qui attirera », commente Foulques d’Aboville.

« Je pense que c’est surtout le fait de retourner dans un lieu qui soit beau, harmonieux, qui attirera », commente Foulques d’Aboville., le 27 mai 2020

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« Ça a été long à se mettre en place : il a fallu imaginer tout un parcours », explique Foulques D’Aboville. Un travail fait en attendant les annonces gouvernementales : dès les premières semaines du confinement, Culturespaces a pris soin de mettre en place un dossier, établissant un musée compatible avec les mesures sanitaires.

Le temps d’attente a été long. Il y a d’abord eu un discours d’Édouard Philippe évoquant vaguement une ouverture possible des « petits musées », une expression qui a étonné voire révolté le monde de l’art… Mais c’est la date du 6 mai, enfin, qui a marqué un tournant avec un décret désignant les préfectures comme interlocuteurs des musées. Le dossier de Jacquemart-André ayant été bouclé en amont, il a donc rapidement été envoyé à la préfecture de police de Paris, qui est venue visiter son nouveau parcours, et a autorisé sa réouverture après avoir demandé l’avis de la Ville de Paris et du ministère de la Culture.

D’une façon générale, les prêteurs d’œuvres sont compréhensifs, et acceptent les dates décalées.

Du côté des employés, l’ambiance est à la bonne humeur. Françoise, agente d’accueil et de surveillance, souligne sa joie de « revoir du monde », malgré le port du masque continuel, peu confortable car « il fait transpirer ». Les conditions de travail ont légèrement changé : désormais, le passage aux vestiaires pour se mettre en tenue est un peu plus long car il faut suivre le protocole sanitaire et se désinfecter, et la pause déjeuner a perdu en convivialité ce qu’elle a gagné en distance entre les employés, soigneusement séparés. « Il faut s’habituer », conclue-t-elle avec le sourire.

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Visiteurs dans l’exposition « Turner – Peintures et aquarelles de la Tate » prolongée jusqu’au 11 janvier

Visiteurs dans l’exposition « Turner – Peintures et aquarelles de la Tate » prolongée jusqu’au 11 janvier, le 27 mai 2020

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Quant aux visiteurs, ils sont aux anges. Arrivée dès 11 h du matin (les horaires ont été aménagés au vu de l’interdiction de prendre le métro en heures de pointe hors obligations professionnelles), Yasmine nous confie sa joie de voir Turner, elle qui a des origines britanniques. Les musées lui ont-ils manqué ? « Oui et non ! Car j’ai bien aimé voir des expositions en ligne, j’ai appris des choses que je n’aurais jamais apprises ailleurs… ». Celle sur Turner n’a d’ailleurs pas échappé à la règle puisqu’elle a bénéficié pendant le confinement d’une visite virtuelle à 360° commentée par une vingtaine de personnalités telles qu’Alain Souchon ou Titouan Lamazou. Une vraie valeur ajoutée ! Venue seule, Thisou, quant à elle nous dit son « plaisir de retrouver Jacquemart-André », puis nous quitte et parcourt lentement, presque avec gourmandise, les salles des collections permanentes.

Le musée Jacquemart-André est situé dans l’hôtel particulier édifié, dans un style classique, pour Édouard André de 1869 à 1876

Le musée Jacquemart-André est situé dans l’hôtel particulier édifié, dans un style classique, pour Édouard André de 1869 à 1876, Ici le 27 mai 2020, lendemain de la réouverture

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Foulques D’Aboville nous l’avait bien dit : ici, le public est familial, habitué, « il vient deux fois par an pour voir nos expositions ». Seuls 15% des visiteurs sont étrangers – ils reviendront sans doute (on peut l’espérer !) en 2021, et découvriront ce qui était initialement prévu pour l’automne : Botticelli. D’une façon générale, les prêteurs d’œuvres – pour Turner, il s’agit de la Tate à Londres – sont compréhensifs, et acceptent les dates décalées (d’autant plus que l’exposition a été conservée dans l’obscurité pendant plus de deux mois, n’abîmant pas les œuvres). C’est pourquoi, malgré la possibilité d’accueillir maximum 480 personnes par jour au lieu des 1 800 espérées d’ordinaire, Jacquemart-André fait bonne figure. « Le tout, c’était d’ouvrir. »

Du 13 mars 2020 au 11 janvier 2021
Nouveaux horaires : 11h-19h
En provenance de la Tate Britain, une soixantaine d’aquarelles et une dizaine de peintures à l’huile – œuvres achevées, ébauches ou esquisses jalousement gardées par l’artiste dans le secret de son atelier et léguées à sa mort à la nation britannique – racontent l’itinéraire du peintre, depuis ses débuts de jeune topographe appliqué jusqu’aux folles innovations des dernières années.

www.musee-jacquemart-andre.com



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