Comment Champollion a-t-il percé le secret des hiéroglyphes ?


1. Un polyglotte précoce

Léon Cogniet, Portrait de Jean-François Champollion

Léon Cogniet, Portrait de Jean-François Champollion

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Collection particulière • Photo Gaëlle Deleflie

Dernier d’une famille de sept enfants et piètre élève sur les bancs l’école… Les premières années de Jean-François Champollion, né le 23 décembre 1790 à Figeac, dans le Lot, ne présageaient pas d’une brillante carrière. C’était oublier son frère, Jacques-Joseph Champollion, de douze ans son aîné, qui avait déjà attrapé le virus de l’archéologie et qui mettra le cadet sur les rails de cette science assez nouvelle. Tout commence par l’apprentissage des langues, pour lesquelles le jeune Jean-François manifeste un don : à 13 ans, il sait déjà lire le latin, le grec, l’hébreu, étudie l’arabe, le syriaque et le chaldéen, deux langues parlées dans l’Antiquité. Puis ça sera le sanskrit, l’araméen, et le copte, une clé qui lui sera essentielle. Jean-François Champollion se plonge alors dans une civilisation à défricher et à déchiffrer : l’Égypte. « Pour l’instant, il n’y a jamais mis les pieds, sa connaissance est livresque et il passe son temps à la Bibliothèque nationale », souligne Hélène Virenque, égyptologue et co-commissaire de l’exposition à la BnF.

2. La piste de la Pierre de Rosette

Devenu professeur d’Histoire ancienne, Jean-François Champollion s’attèle à percer les secrets d’une langue complexe apparue dans la vallée du Nil il y a 5000 ans et dont les stèles et les monuments ne cessent d’intriguer les scientifiques. Un travail de titan que la BnF nous déroule à l’aide de 350 objets et documents. « Ce système mélange les sons et les idéogrammes, sans ponctuation, explique Hélène Virenque. Nous sommes face à une autre manière de penser et de décrire le monde. » À partir de 1809, Champollion planche sur la pierre de Rosette, découverte dix ans plus tôt. Conservée au British Museum, cette prise anglaise à l’armée de Bonaparte lors de l’expédition d’Égypte n’a pas fait le voyage à la BnF qui en expose un moulage. Champollion, lui, a surtout eu accès à un estampage de l’œuvre de 760 kilos : ou comment résoudre un mystère grâce à une « copie décalquée » ?

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Copie des 3 inscriptions qui se trouvent sur la pierre trouvée à Rosette

Copie des 3 inscriptions qui se trouvent sur la pierre trouvée à Rosette, 1800

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Estampage à l’encre noire sur papier • 99 cm x 75 cm • BnF, département des manuscrits • ©BnF

3. De solides fondations

Jean-François Champollion, Souverains persans, grecs et romains de l’Égypte (de Xerxès à Antonin)

Jean-François Champollion, Souverains persans, grecs et romains de l’Égypte (de Xerxès à Antonin), 1822

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BnF, département des Manuscrits • ©BnF

Sur ce bloc de granit noir est gravé le décret promulgué par le pharaon Ptolémée V en trois écritures réparties distinctement : du démotique (au centre), une écriture égyptienne cursive simplifiée, du grec (en bas) et des hiéroglyphes (en haut). Jean-François Champollion ne part pas de rien, d’autres avant lui ont déjà cherché à comprendre les hiéroglyphes. L’abbé Barthélemy (1716–1795), par exemple, qui a compris que les noms des souverains étaient ceints d’un cartouche. Ou le physicien, médecin et égyptologue britannique Thomas Young (1773–1829) qui a su lire le cartouche de Ptolémée sur la pierre de Rosette. Mais Champollion possède une corde en plus à son arc : sa connaissance des langues ! Au grec, le savant fait correspondre les sons de chaque hiéroglyphe de Ptolémée. Le copte, issu en partie de l’égyptien ancien, lui permet aussi de poser sa première pierre…

4. De la ténacité et une confirmation

En 1815, c’est vers l’obélisque de Philae, découverte sur le temple de la déesse Isis (haute Égypte), que Champollion se tourne. L’obélisque mêle aussi grec et hiéroglyphes : Champollion peut valider son hypothèse de correspondance de sons / signes formulée à partir de la pierre de Rosette. Champollion confirme aussi qu’un hiéroglyphe seul peut suffire à formuler une idée. Par exemple, le hiéroglyphe évoquant la forme d’un plan de maison, se prononce « Per » et signifie « maison ».

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Jean-François Champollion, La Grammaire égyptienne : manuscrit autographe. Hiéroglyphes

Jean-François Champollion, La Grammaire égyptienne : manuscrit autographe. Hiéroglyphes, 1830–1832

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BnF, département des Manuscrits • ©BnF

5. Eurêka !

Encore trois ans passent et, en 1822, grâce au relevé du cartouche de Ramsès II, sur le site d’Abou Simbel, Champollion, 32 ans, tient enfin la solution. Il comprend que les hiéroglyphes phonogrammes et idéogrammes se combinent ensemble pour former des mots ! « Per » associé avec un nom (souvent celui d’un dieu), devient la « Maison de … ». Il capte aussi le sens de lecture – de gauche à droite quand les personnages représentés regardent vers la gauche et inversement ; et pour un texte vertical, de haut en bas. « Je tiens mon affaire ! » se serait-il exclamé… Sa découverte est décrite dans une lettre à Bon-Joseph Dacier, secrétaire perpétuel de l’Académie des belles-lettres, qui sera imprimée ensuite et permettra également de formaliser une grammaire égyptienne.

Jean-François Champollion et Alexandre Duchesne, Monuments de l’Égypte et de la Nubie. Sethi Ier et Hathor

Jean-François Champollion et Alexandre Duchesne, Monuments de l’Égypte et de la Nubie. Sethi Ier et Hathor, 1835–1845

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BnF, département des Manucrits • ©BnF

6. Postérité pharaonique

Sa réputation étant faite, Champollion voyage. Toujours en quête d’inscriptions à traduire, il se rend à Cambridge, à Florence, à Naples, à Genève ou à Turin, où il révèle un tableau énumérant dans l’ordre le nom des 77 pharaons dans leurs cartouches : un pas de plus pour la connaissance de l’Égypte antique ! Au faîte de sa gloire, Champollion est nommé à la division égyptienne du Musée du Louvre, puis au Collège de France… Belle revanche du médiocre élève sur les bancs de l’école. Surtout, en 1828, la grande aventure : le rat de bibliothèque gagne enfin l’Égypte. Mais Champollion est de santé fragile et ces expéditions l’épuisent. Le 4 mars 1832, il meurt, à 41 ans. Son frère, son fidèle complice, fait entrer son fonds à la Bibliothèque nationale.

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François-Charles Cécile et Charles-Louis Balzac, Karnak

François-Charles Cécile et Charles-Louis Balzac, Karnak, 1798–1812

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BnF, département des Estampes • ©BnF

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Champollion – La voie des hiéroglyphes

Du 28 septembre 2022 au 16 janvier 2023

www.louvrelens.fr

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L’aventure Champollion. Dans le secret des hiéroglyphes

Sous la direction de Guillemette Andreu-Lanoë, Vanessa Desclaux et Hélène Virenque

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Podcast « Les portraits de la BnF »

Épisode « Jean-François Champollion et la naissance de l’égyptologie »

Hélène Virenque, égyptologue et chargée de collections à la BnF, revient sur l’histoire de Jean-François Champollion et raconte comment il est parvenu à déchiffrer les hiéroglyphes égyptiens au début des années 1820.

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D’autres événements autour du bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes :

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Les Écritures du monde

Du 9 juillet 2022 au 9 octobre 2022

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François Artaud – Jean-François Champollion. Le rôle du directeur du musée de Lyon dans l’ aventure du déchiffrement des hiéroglyphes

Du 1 octobre 2022 au 31 décembre 2022

www.mba-lyon.fr

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Champollion au Collège de France

Collège de France • 11 Pl. Marcelin Berthelot • 75005 Paris

Du 15 septembre au 28 octobre 2022



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