Ces objets qui ressuscitent les contemporains de Clovis


Mobilier funéraire de la Dame de Chaouilley

Mobilier funéraire de la Dame de Chaouilley

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© RMN Grand Palais (musée d’Archéologie nationale) / Hervé Lewandowski

Le monde de Clovis est encore nimbé de mystère. Comment imaginer le quotidien de ces Francs qui ont évolué à partir de la fin du Ve siècle, à l’aube du Moyen Âge ? Si loin dans le temps que de nombreux indices, comme leurs vêtements et leurs habitations, ne sont plus que poussière ? Heureusement, ces ancêtres ont laissé derrière eux de précieuses capsules temporelles : leurs tombes, qui rassemblent une telle multitude d’objets qu’elles deviennent, paradoxalement, un moyen de mieux les ramener à la vie !

Stéle funéraire

© RMN Grand Palais (musée d’Archéologie nationale) / Franck Raux

Inhumés en pleine terre, dans des cercueils en bois, en plâtre, ou, pour les plus prestigieux, dans des sarcophages en pierre calcaire ornés de motifs gravés ou sculptés, les défunts n’ont pas été laissés sans bagages. Armes, bijoux, accessoires… Entre la Loire et le Rhin, les Francs de l’ère mérovingienne sont enterrés avec tout un arsenal d’objets sélectionnés par leurs proches afin de mettre en valeur le défunt et sa famille, souligner son prestige et l’accompagner dans l’au-delà. Si le symbolisme précis du choix de ces artefacts échappe encore souvent aux archéologues, c’est dans ces bulles de conservation que la plus grande partie des créations connues de cette période (souvent fabriquées en métal) ont été dénichées.

« Les Francs sont les meilleurs forgerons de l’Occident à cette époque, si bien que les Vikings rafleront leurs réalisations ! » soulignent les commissaires scientifiques de l’exposition, Fanny Hamonic, conservatrice du patrimoine et chargée des collections du premier Moyen Âge au musée d’Archéologie nationale, et Bruno Dumézil, professeur d’histoire médiévale à la Sorbonne. En fer, en bronze ou en divers alliages, une ribambelle d’objets sonnants se dévoile sous les brosses et les truelles des archéologues. Parmi eux, de nombreuses armes en fer, plus ou moins ornées. Forgés dans ce même métal, divers outils, harnachements pour chevaux et fermoirs d’aumônières – bourse de cuir attachée à la ceinture, dans laquelle se rangeaient les pièces de monnaie et d’autres petits objets – émergent également, ainsi que des bijoux, souvent à base de perles de verre et d’alliages de cuivre travaillé. Aux bracelets, boucles d’oreilles et bagues s’ajoutent les fibules : des agrafes servant à fermer deux pans d’un vêtement, décorées de motifs créatifs et incrustées de verroteries de couleur, voire, pour les plus précieuses, de grenats importés d’Inde !

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Bijoux de la Reine Arégonde, ensemble

Bijoux de la Reine Arégonde, ensemble

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© RMN Grand Palais (musée d’Archéologie nationale) / Franck Raux

L’or et l’argent sont réservés aux défunts les plus huppés, de même que la vaisselle de bronze et la verrerie. Ainsi, la Dame de Grez-Doiceau fut inhumée vers le milieu du VIe siècle avec un coffret, un bassin en bronze et de superbes bijoux, parmi lesquels une coiffe scintillante ornée d’appliques en or. Le père de Clovis, Childéric Ier, était quant à lui accompagné d’un véritable trésor constitué d’objets en or, grenat, agate et cristal de roche.

Retrouvée en 1959 par l’archéologue Michel Fleury dans le sous-sol de la basilique Saint-Denis, la reine Arégonde, épouse de Clotaire Ier (498–561) et mère de Chilpéric Ier, était vêtue de somptueux atours : coiffée d’un long voile comprenant un samit de soie byzantin, elle portait par-dessus sa tunique un manteau en soie teint au pourpre (une coloration issue de coquillages, extrêmement luxueuse en raison du coût de sa fabrication et qui de ce fait était, déjà dans l’Empire romain, réservée à l’élite et symbole de pouvoir), doté de bordures ornées d’un galon de fils de laine et de soie, lui-même cousu sur une doublure de soie violette, et d’emmanchures rehaussées d’un samit de soie sassanide décoré de motifs géométriques de rosettes en « fils d’or » (en réalité de fines tôles d’or enroulées autour de fils de soie). Sans oublier de précieuses boucles d’oreilles, une paire de fibules au décor cloisonné de grenats et une large ceinture de cuir garnie d’une plaque-boucle et d’une contre-plaque somptueusement décorées – l’un des plus beaux joyaux de l’exposition !

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Mobilier funéraire du « Chef » de Chaouilley

Mobilier funéraire du « Chef » de Chaouilley

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© RMN Grand Palais (musée d’Archéologie nationale) / Jean Gilles Berizzi

Armes, briquets, aumônières, éperons… Les objets retrouvés auprès des hommes nous brossent le portrait de valeureux conquérants se déplaçant à cheval et maîtrisant le feu, le travail du métal, le commerce et la guerre. Du côté des femmes, fibules, aiguilles, hachoirs, boules de cristal, clés, outils de filage et pyxides (petites boîtes à fards ou à bijoux) donnent à voir des maîtresses de maison maniant l’art du tissage, de la cuisine et de la mode pour les plus fortunées.

Mais de nombreuses zones d’ombre demeurent, à commencer par l’identité des défunts qui reste la plupart du temps inconnue – Childéric et Arégonde constituant de très rares exceptions. La circulation des objets est déjà si dense à l’époque qu’un artefact à décor chrétien ou étranger n’est pas forcément un indice de la religion ou de l’origine de son propriétaire. Même la fonction ou le métier du disparu sont difficilement identifiables. Parfois, un ensemble d’outils parait indiquer un forgeron ou un orfèvre, tandis qu’une lyre pointe en direction d’un musicien ou d’un amateur de musique…

Panoplie de garçonnet, Namur

Panoplie de garçonnet, Namur

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Service public de Wallonie, Agence wallonne du patrimoine © SPW AWaP

Pour dater les tombes, les chercheurs se lancent dans de véritables enquêtes policières. En l’absence d’inscriptions spécifiques ou de pièces de monnaies frappées au nom de rois ou d’empereurs connus, la dendrochronologie peut aider à dater l’abattage de l’arbre qui a fourni le bois du cercueil. S’y ajoutent d’autres méthodes comme la datation au carbone des matières organiques, la sériation typo-chronologique des objets (on identifie des types d’artefacts liés à telle ou telle période) et la stratigraphie (étude de la stratification des roches sédimentaires et de l’âge des terrains). Une fascinante chasse au trésor qui est encore loin d’avoir livré tous ses secrets…



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