Call of Duty Black Ops – Cold War : entretien exclusif avec le scénariste David S. Goyer


Figurant parmi les scénaristes très courtisés à Hollywood, auteur notamment des scripts des Batman de Nolan, David S. Goyer aime le jeu vidéo, au point de lui prêter parfois sa plume, comme le dernier opus de la saga Call of Duty. Entretien exclusif.

Starz

Scénariste de la trilogie Blade, auteur des scripts de la saga des Batman de Christopher Nolan, qui a durablement imprimé sa marque dans la relecture du monde des super-héros; auteur également du scénario de Batman V Superman : l’aube de la justice; ceux de Man of Steel, Unborn, l’excellent Dark City d’Alex Proyas… David S. Goyer met sa plume au service du cinéma depuis 1990. S’il n’a évidemment pas signé ou écrit que des chefs-d’oeuvre, il reste un des scénaristes les plus courtisés à Hollywood.

A 54 ans, l’intéressé met toujours en avant sa passion pour l’univers des comics, de la SF (il est derrière le script de la série ultra attendue Fondation sur Apple+, adaptation de l’oeuvre monumentale de Isaac Asimov). Ainsi qu’une autre facette, nettement (voire pas du tout) moins connue du grand public : son vif intérêt pour les jeux vidéo. Au point d’y oeuvrer de temps à autre, comme l’excellente petite série de jeux en VR autour de la licence Star Wars.

Plus récemment, et c’est ce qui nous amène aujourd’hui, est sa collaboration avec les studios de développement Treyarch et Raven Software, sur la nouvelle itération de la licence vidéoludique Call of Duty, baptisée cette année “Black Ops – Cold War”. David S. Goyer signe en l’occurence le récit de la campagne solo du titre, qui place les joueurs au coeur de la Guerre Froide, au tout début des années 80. Si d’autres talents hollywoodiens ont déjà par le passé collaboré à l’écriture des campagnes solo des jeux Call of Duty (Stephen Gaghan notamment), l’éditeur Activision n’a pour ainsi dire jamais mis en avant leur travail; exception faite naturellement des têtes d’affiches qui ont occupé le devant de la scène avec plus ou moins de bonheur, comme Kevin Spacey pour COD : Advanced Warfare en 2014, ou Kit Harington en 2016 avec COD : Infinite Warfare.

Nous avons donc été surpris -dans le bon sens du terme- de la proposition de l’éditeur de nous offrir cette opportunité d’avoir un petit échange épistolaire – et exclusif- avec David S. Goyer.

AlloCiné : avant tout, quelle est votre connexion personnelle avec l’univers des jeux vidéo ?

David S. Goyer : Je joue depuis des décennies; depuis l’époque du jeu Asteroids et Space Invaders qui sont arrivés dans les salles d’arcade ! Depuis l’âge de neuf ans en fait, j’en ai 54 ! Quand j’ai eu 12 ans, je me souviens qu’une énorme salle d’arcade avait ouvert dans le centre commercial près de chez moi. Tous les jours, à la sortie des cours, j’y foncais avec quelques quarts de Cents pour y jouer. Plus tard, j’ai eu la première console Atari et Pong. A l’époque des premiers jeux sur CD-Rom, j’ai retourné des jeux comme Myst, Sim City. J’ai été un très gros fan des premiers jeux de la saga Metal Gear Solid, et Silent Hill.

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En parlant de la franchise COD, vous avez déjà collaboré sur les jeux “Call of Duty : Black Ops” en 2010, le chapitre suivant en 2012. Quand êtes-vous remonté à bord pour “Cold War” ?

Ca remonte à octobre 2019 en fait. Dan Vondrak, senior Creative Director chez Raven Software, a alors été mon point d’entrée et de contact. Ce sont eux, chez Raven, qui ont suggéré l’idée de me recontacter, comme ils l’avaient fait pour les précédents jeux. Ce sont donc des retrouvailles avec une franchise qui m’est effectivement familière, et je suis ravi d’être impliqué.

Activision

Vu la situation sanitaire actuelle, comment avez-vous travaillé avec le studio ?

En fait, je crois que nous n’avons eu, au tout début, qu’une seule réunion en présence physique, qui remonte justement à 2019. Après ça, tout s’est fait uniquement via Zoom. Ni plus ni moins que le reste du monde en fait. Pour être franc, les conditions de travail n’ont pas été plus difficiles que cela. Nous nous sommes logiquement adapté, avons revu nos méthodes de travail, avec de nombreuses séances sur Zoom. Ils m’ont régulièrement envoyé des Builds du jeu, pour montrer l’avancement, envoyé les différents scripts via le logiciel Final Draft. Là-dessus, j’ai fait un certain nombres de recommandations, avec des notes d’ensemble sur la ligne narrative, où est-ce qu’il faudrait aller, etc… Tout ça s’est fait sans accroc.

Pouvez-vous nous parler de votre processus pour écrire le scénario / script d’un jeu vidéo ?

La différence principale entre écrire un script pour un film d’série TV est que l’histoire suit un fil totalement linéaire, et que celui qui regarde est totalement passif. Dans le cas d’un jeu vidéo, celui qui regarde est non seulement actif, mais peut guider la narration. Dans le cas du nouveau jeu Black Ops, il est actif : les décisions et les actions que le joueur prendra auront un impact sur l’histoire.

L’aspect “montagnes russes” de la campagne solo est une des marques de fabrique de la licence. Avez-vous une sorte de Guideline ou cahier des charges concernant cet aspect ?

Je dirai, en général, que l’une des choses que j’ai essayé d’employer quand j’ai commencé mon travail de scénariste il y a 30 ans, était de toujours me demander quelle était la pire chose qui pouvait arriver à mes personnages, à tel ou tel moment. Ca rend l’histoire plus excitante. Ensuite, je vois si cela peut effectivement rentrer dedans, en tâchant de ne pas casser la ligne narrative et qu’elle survive. Les ressorts narratifs de type “complications” sont bons pour la dramaturgie. C’est vrai pour le jeu vidéo, tout comme ca l’est pour virtuellement toutes sortes de storytellings.

Activision

Il y a de grosses attentes pour ce nouvel opus. Que pouvez-nous nous dire ? Plus d’embranchements narratifs par exemple ?

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Définitivement oui, plus d’embranchements narratifs ! Pour certains d’ailleurs très dramatiques, et des fins différentes. Ainsi que quelques surprises du côté des personnages qui pourraient faire leurs apparitions… Tout comme les précédents volets “Black Ops”, on vise toujours à tirer régulièrement le tapis sous les pieds des joueurs !

Aviez-vous des références spécifiques à l’esprit en écrivant le récit du jeu ? Des films, des scènes précises…

J’ai deux exemples qui me viennent à l’esprit : le premier volet de la saga des Jason Bourne, ainsi que le film Sens unique de Roger Donaldson, sorti en 1987. [NDR : porté par Kevin CostnerGene Hackman et Sean Young, le film développe une intrigue autour d’un soit-disant espion russe infiltré au Pentagone, alors qu’il s’agit d’une fabrication du Secrétaire d’Etat à la Défense des Etats-Unis, pour détourner les soupçons pesant sur lui suite à l’assassinat de sa maîtresse].

Des scénaristes hollywoodiens capables de faire régulièrement la navette entre l’univers des jeux vidéo et le cinéma ne sont pas si nombreux; quel est votre sentiment là-dessus ?

Pour ma part, je m’efforce toujours, constamment, de m’immerger le plus possible dans un nouveau medium, et apprendre de nouvelles techniques. J’ai écrits des nouvelles, je travaille pour l’industrie des jeux vidéo. J’ai développé des projets pour la réalité virtuelle. En eux-mêmes, ces projets couvrent différentes formes de storytelling, et j’apprend toujours de précieuses leçons sur chaque medium, qui peuvent s’appliquer à d’autres mediums. Il est donc vital de se montrer ouvert à de nouvelles techniques et nouvelles formes de récits, avec cette évolution constante sur la manière de raconter les histoires.

En parlant de techniques, celle liée à la Motion Capture (et par extension la Performance Capture) est devenue de plus en plus poussée ces dernières années, permettant par exemple à des personnages de jeux vidéo d’avoir un aspect de plus en plus réaliste; voire photo-réaliste. Pensez-vous qu’on a atteint une limite avec cette technique, ou qu’il est encore possible de repousser celle-ci ? En quoi cette évolution peut-elle affecter la manière de raconter une histoire dans un jeu vidéo ?

La Motion Capture et la Performance Capture sont devenus des outils tout à fait courants dans l’industrie des jeux vidéo, et sont en passe de le devenir dans le domaine du cinéma et des séries TV. Nous utilisons exactement les mêmes techniques pour notre série à venir, Fondation. A ceci près que, dans un passé encore récent, cela coûtait extrêmement cher ! Mais, comme toute technique, et heureusement d’ailleurs, les coûts de production liés à ces technologies sont enfin devenus compétitifs et revus à la baisse. Je pense sincèrement que la Motion Capture est la technologie unique la plus importante jamais développée dans le domaine des jeux vidéo, pour rendre les choses plus vivantes et réelles. Et non, nous n’avons pas encore atteint de limite !

Activision

En 2013, lors d’une session Q&A, vous aviez cité le film “Tomb Raider” (le premier volet avec Angelina Jolie) comme étant l’unique adaptation la plus fidèle d’une licence vidéoludique au cinéma. C’est toujours votre sentiment sept ans après ? Après un certain désintérêt pour ces adaptations, l’industrie hollywoodienne, y compris les plateformes comme Netflix, semble à nouveau intéressée. Mais beaucoup de ces futures adaptations seront sous forme de séries. Qu’en pensez-vous ?

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Je pense effectivement que les séries diffusées en streaming sont le meilleur format pour adapter des licences vidéoludiques, plutôt qu’un film, parce qu’il offre un spectre narratif bien plus grand et large. Dans les jeux vidéo, tout est question de mondes et d’environnements. Beaucoup de ces jeux sont conçus avec une approche “bac à sable”, et il est extrêmement difficile d’encapsuler tout un univers et environnement de ces jeux “bac à sable” dans un storytelling de 2h.

Dernière question, à quoi jouez-vous en ce moment ?

Je craint que ma réponse ne soit vraiment très ennuyeuse ! Parce que je voyage énormément, même durant la pandémie, je suis tout le temps dans les avions… Du coup, j’ai surtout tendance à jouer à des jeux sur mon smartphone. J’aime par exemple beaucoup l’approche “low tech” et minimaliste de ce que fait le studio Rusty Lake, l’approche épurée d’un jeu comme Alto’s Odyssey aussi; un jeu comme Hitman : Go… Je joue aussi beaucoup à Minecraft avec mes enfants. Je dirai aussi que l’un de mes jeux préférés du moment, c’est ce que fait le studio Superbrothers, qui a dans son catalogue un jeu appelé “Sword & Sorcery EP”; je suis très curieux de découvrir leur prochain jeu. J’ai également passé pas mal de temps sur le jeu Subnautica avec mon fils de 10 ans; très fun [NDR : un excellent jeu d’aventure dans un monde ouvert sous-marin]. Le jeu de réflexion Monument Valley, présenté en perspective isométrique, est aussi un excellent jeu !

Propos recueillis par mail par Olivier Palaruelo le 13 novembre 2020

 



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