Animaux moins lourds, développer l’export: les propositions du sénateur J. Bizet


S’il faut redonner la primauté à l’agriculture sur le droit à la concurrence européen pour redonner aux agriculteurs un pouvoir de marché, la filière bovine française doit également se transformer en profondeur pour répondre aux attentes des consommateurs, notamment en produisant des animaux moins lourds et en s’organisant pour l’export, estime le sénateur Jean Bizet dans un rapport d’information réalisé au nom de la commission des affaires européennes du Sénat.

Inverser la primauté du droit de la concurrence sur la politique agricole européenne, c’est le fil directeur du rapport de Jean Bizet, président de la Commission des affaires européennes du Sénat, qui entend par ce levier redonner aux agriculteurs un pouvoir de marché. Si la loi Egalim avait cet objectif, avec un succès mitigé, «  c’est au niveau communautaire que l’on peut résoudre un certain nombre de choses », estime le sénateur (LR) de la Manche, qui a détaillé ses propositions dans un rapport : « Agriculture et droit de la concurrence, redonner aux agriculteurs français un pouvoir de marché ».   

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Permettre aux OP et AOP de fixer les prix

Pour Jean Bizet, il faudrait « tendre vers la politique mise en œuvre aux États-Unis par le Capper Volstead Act de 1922 » et qui donne la primauté aux regroupements d’agriculteurs voire à la fixation des prix en commun. Ce que Bruxelles ne permet qu’en période de crise, comme lors de la crise du lait, en 2016. « Il n’est bien-sûr pas question d’avoir une position dominante, mais à partir du moment où l’on a une organisation de producteurs, il faut pouvoir aller jusqu’à la fixation des prix », ce que le règlement européen omnibus ne permet pas aujourd’hui, explique le sénateur.

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Si le problème est plus fort en France que dans les autres pays européens, Jean Bizet estime que le président de la République – qui « sur le plan européen, mène une bonne politique » – pourrait convaincre à Bruxelles, en ralliant par exemple certains pays d’Europe du Nord qui se montrent de plus en plus frileux lorsqu’il s’agit d’ouvrir des lignes budgétaires. Or, « les pouvoirs publics devraient comprendre que si on inversait la logique du primas de la concurrence sur l’agriculture, on n’aurait pas besoin de se battre, cadre financier pluriannuel après cadre financier pluriannuel, pour une ligne budgétaire Pac aussi conséquente, d’autant que les fonds publics vont aller en diminuant », rappelle le président de la commission des affaires européennes.

Viande bovine : l’ABA reservée aux animaux abattus avant 18 mois 

Le sénateur se focalise notamment sur l’exemple des éleveurs de bovins viande français, pour qui un regain de pouvoir sur les prix serait un premier pas vers une indispensable réforme de la filière. Pour Jean Bizet, les producteurs de viande français souffrent pour plusieurs raisons, la première étant « un décalage persistant entre l’offre et la demande de bœuf sur le marché français ». Il recommande de produire des animaux moins lourds, en favorisant la tendreté et le persillé qui correspondent davantage aux goûts des consommateurs, et donc d’abattre les bovins vers 16-18 mois plutôt que de les envoyer se faire engraisser en Italie ou en Espagne.

Certes, dans le modèle économique actuel, l’éleveur est payé au poids de l’animal, mais « c’est l’équilibre de l’exploitation qu’il faut regarder », renchérit le sénateur, et donc prendre aussi en compte les coûts économisés en gardant moins longtemps l’animal. Sans compter que « l’empreinte carbone sur un animal abattu à 25-30 mois n’est pas du tout la même que celle d’un animal abattu à 16 mois, et le consommateur est de plus en plus sensible à ça ! », ajoute-t-il.

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Or, ce filtre environnemental sera essentiel pour toucher les aides de la Pac, dans le cadre du Green Deal. Pour Jean Bizet, c’est vers ce modèle, actuellement mis en place par Carrefour, que la filière doit tendre. Il s’agit de sortir d’une difficulté économique aggravée par un déséquilibre particulièrement fort, avec un acteur majoritaire dans l’abattage-découpe, le groupe Bigard, qui « se satisfait de son modèle économique sans se préoccuper de la satisfaction des éleveurs », regrette le sénateur, qui a eu l’occasion d’auditionner les représentants du groupe.

Développer un marché à l’export

Il faut par ailleurs mettre en place une véritable stratégie de développement à l’export, estime Jean Bizet qui juge inconcevable que la filière bovine « prenne en otage les autres filières agricoles françaises », comme la viticulture ou la filière laitière, dans le cadre de l’accord Ceta. « On ne peut pas, dans les négociations commerciales internationale, se caler sur le maillon faible d’une filière qui ne veut pas se réformer », insiste-t-il, catégorique.

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Aujourd’hui, l’export est pour l’essentiel constitué de marchés de dégagement, au coup par coup, déplore le sénateur. L’abattage des animaux vers 16-18 mois pourrait aussi permettre d’harmoniser l’offre, facilitant la réponse aux demandes des clients internationaux. Pour y parvenir, Jean Bizet propose de réserver en totalité ou en partie l’aide aux bovins allaitants aux animaux abattus avant cet âge, d’autant plus qu’aujourd’hui, « les transformateurs savent que l’agri empoche cette somme. Ils intègrent ces 165 euros de prime dans le prix de la viande, elle ne va pas directement dans la poche des agriculteurs », explique-t-il. Si ces propositions ne recueilleront sûrement pas un avis très favorable de la part des professionnels agricoles, « ce sont des propositions qui n’ont jamais été faites, or ce qu’ont essayé les autres n’a pas marché », rappelle Jean Bizet, conscient des polémiques qu’elles pourront provoquer.

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