
Au Salon de Montrouge, Laurie Charles à cœur ouvert

Laurie Charles, Vue des œuvres de Laurie Charles au 66e Salon de Montrouge
Sa maladie auto-immune a changé son regard sur son propre corps. Il y a huit ans, après avoir été diagnostiquée, Laurie Charles (née en 1987), artiste plasticienne diplômée des Beaux-Arts de Bordeaux, choisit d’explorer son corps de l’intérieur : ses os, ses muscles, ses organes, et de le remettre au centre de ses fresques autofictionnelles. Une centaine de vagins sur du papier peint mauve, un corps de femme en pleine opération, des spermatozoïdes XXL en forme de cuillère… Avec des couleurs pop, sur ses grandes toiles, tissus ou émaux, Laurie Charles réinvente aussi une histoire de la médecine, à son goût trop masculine. D.G.
Au Salon de Montrouge, Camille Sart et l’art de la reconstitution

Camille Sart, Enfants assistés, enfance exploitée
Méticuleux, documenté et engagé : le travail de Camille Sart s’inscrit dans une démarche artistique de reconstitution. Avec ses maquettes de dortoirs, bâtis comme de grandes tours, il nous raconte une histoire oubliée. Celle d’une enfance maltraitée au XIXe siècle, dans les hospices et les usines de textile. À travers cet hommage, Camille Sart fait écho à sa propre histoire familiale, traumatique. Celle-ci est au cœur d’une immense carte mentale qui se déploie autour de trois notions : injustice, institution et traumatisme. Rétablir les faits : voilà ce qui guide l’artiste. Un travail précis et précieux. J.C.
66e Salon de Montrouge
Du 13 octobre 2022 au 1 novembre 2022
Beffroi de Montrouge • Avenue de la République • 92120 Montrouge
www.beffroidemontrouge.com
À Offscreen, Mustapha Azeroual sculpte la lumière

Mustapha Azeroual, Radiance #8 (Finisterae), 2022
Saisir l’insaisissable : le projet semble utopique. Pourtant, c’est celui de Mustapha Azeroual (né en 1979), représenté par la galerie Binome. Le photographe autodidacte n’a qu’une obsession : faire de la lumière la matière première de ses œuvres. En actualisant les techniques historiques de la photographie et du tirage, il réalise une prouesse inédite : fixer, sculpter et archiver la lumière. La dimension abstraite de son travail s’efface à mesure que l’on comprend qu’en matérialisant la lumière, l’artiste nous parle du sensible. Devant Radiance, nous sommes face à une œuvre mouvante. Il faut se déplacer pour faire l’expérience de la lumière qui prend forme sur toute une palette de couleurs, du lever au coucher du soleil. La photographie prend alors un relief inattendu. Éblouissant. J.C.
Du 20 octobre 2022 au 23 octobre 2022
Hôtel Salomon de Rothschild • 11 Rue Berryer • 75008 Paris
www.hotelsalomonderothschild.com
À AKAA, Assoukrou Aké, ou la gravure dimension monumentale

Assoukrou Aké, Chant de seuil, 2022
Broux de noix et crayon graphite sur contreplaqué gravé • 122 cm ø • Théo Pitout. Courtesy Ellipse Art Projects
Né en 1995 en Côte d’Ivoire, le jeune Assoukrou Aké a été choisi par Ellipse Art Projects pour son prix annuel, et bénéficie d’un joli solo show sous la verrière du Carreau du Temple. L’artiste explique s’inspirer de motifs traditionnels de l’art occidental, tout en les faisant dialoguer avec l’Histoire africaine et des contes traditionnels, qu’il grave sur de grands panneaux de bois couverts d’acrylique. À mi-chemin entre le dessin, la sculpture et la peinture, son travail veut s’inscrire dans la droite lignée d’immenses graveurs comme Nicolas Poussin, Pierre Paul Rubens ou Gustave Doré, tout en portant un regard sans concession sur la colonisation européenne et sa violence. M.C.-L.
Le Carreau du Temple, stand B1 Ellipse Art Projects
À AKAA, Morgan Mahape et ses perles bluffantes

Morgan Mahape, Uthando, 2020
Perles de verre montées sur fil de pêche en nylon, soutenus par une structure en bois de noyer • 150×250 cm • Galerie Carole Kvasnevski
Morgan Mahape (né en 1983 en Afrique du Sud) crée ses œuvres avec des perles de verre enfilées sur des lignes de pêche. Ces rideaux précieux, accrochés au mur ou suspendus dans l’espace de la galerie Carole Kvasnevski (Paris), apparaissent parfaitement lisibles d’un côté comme de l’autre, et leurs lignes parallèles quoique légèrement mouvantes donnent forme à des portraits et des paysages au réalisme quasi-photographique. La technique est donc extrêmement impressionnante ! « Chaque perle représente un individu et les perles sur la ligne correspondent à un groupe de personnes », explique-t-il. Un art généreux, étonnant, hypnotique. M.C.-L.
Le Carreau du Temple, stand C15 de la galerie Carole Kvasneski
À AKAA, Hannalie Taute, la photographie rencontre la broderie

Hannalie Taute, The Puppets Bought a Ticket for a Puppet Show, 2022
Photographic Print on Board, Thread and Rubber • 88 × 119 cm • Hannalie Taute AKAA 2022 Fair Inventory
Géniale brodeuse, Hannalie Taute (née en 1977 en Afrique du Sud) présente sur le stand de la galerie Deepest Darkest (Le Cap) une série de portraits photographiques noirs et blancs, donc chaque visage a disparu sous un masque coloré, brodé par ses soins. Les postures, les vêtements et les accessoires traduisent un milieu blanc, bourgeois, que l’artiste vient questionner, subvertir et encanailler avec des visages bariolés, monstrueux, à mi-chemin entre le masque rituel, le jouet, la tenue de catch et des crânes mexicains. Implacable et riche de sens. M.C.-L.
Le Carreau du Temple, stand B12 de la galerie Deepest Darkest
Du 21 octobre 2022 au 23 octobre 2022
Carreau du Temple • 4 Rue Eugène Spuller • 75003 Paris
www.carreaudutemple.eu
À Asia Now, Park Chae Dalle et Park Chae Biole étendent leur toile poétique

Vue du Duo Show « Wandering Gazes » de Park Chae Biole et Park Chae Dalle présenté sur le stand de la Galerie Anne-Laure Buffard Inc., Asia Now 2022
Courtesy Anne-Laure Buffard Inc. © Wonwoo KIm
C’est un nuage de douceur et de délicatesse qui semble envelopper, au premier coup d’œil, le stand de la toute jeune galerie Anne-Laure Buffard (anciennement chez Nathalie Obadia). Car l’œuvre tout en transparence aux couleurs pastel des sœurs jumelles d’origine coréenne Park Chae Dalle et Park Chae Biole (nées en 1997 et passées par les Beaux Arts de Cergy) s’y déploie un peu partout, sur les cimaises mais aussi au sol, dans les airs et à travers de touts petits objets, maquettes et livrets de poésie… Si l’ensemble paraît intimement connecté, chacune des artistes a pourtant développé une pratique autonome. La première tricote des toiles rudimentaires, puis étirées pour se faire support de peintures solaires confinant parfois à l’abstraction, et écrit (plus de 1 5000 poèmes à ce jour), tandis que la seconde produit des objets hybrides mêlant peinture, installation et architecture, comme autant de fenêtre ouvertes sur l’imaginaire. Une œuvre pleine de subtilités habitée par la grâce du « sans effort ». F.G.
Cour Mansart, stand M15 Anne-Laure Buffard Inc.
À Asia Now, les hallucinations de Mu Pan au stylo Bic

Mu Pan, Brothers Are In The Same Heart (Kaede & Ayato’s Sunday Adventures – Another Journey to the West), 2022
Encore sur papier • Courtesy the Artist et galerie LJ
Au premier coup d’œil, on pense évidemment aux estampes japonaises figurant des yōkai et autres esprits d’outre-tombe venus troubler l’existence des hommes. Mais aussi aux folles hallucinations de Jérôme Bosch, l’inénarrable « faiseur de diables » dont la piété lui a inspiré des œuvres qui, du Jardin des délices à la Tentation de saint Antoine, nous font encore frémir aujourd’hui. C’est sans doute au croisement de ses références que se situe l’œuvre de Mu Pan (né en 1976), dont l’immense minutie nous a bluffés sur le stand de la galerie LJ, à Asia Now. Originaire de Taïwan, l’artiste, désormais installé à New York, puise son inspiration dans la culture chinoise et japonaise. Sa toute dernière série présentée à Asia Now s’appuie ainsi sur La Pérégrination vers l’Ouest, roman fantastique chinois du XVIe siècle. Sa particularité ? Elle est entièrement réalisée au stylo Bic ! I.B.
Galerie de la Méridienne, stand G01
À Asia Now, les métamorphoses de Stella Sujin

Vue du stand de la galerie Choi&Choi avec les aquarelles de Stella Sujin (à gauche, « Sea Bishop (Évêque marin) », 2022)
Ses aquarelles sont comme des talismans. Une manière de se protéger, d’invoquer le passé ou encore de matérialiser des récits de sorcellerie rapportés par des médiums… À Asia Now, la Coréenne Stella Sujin (née en 1983), tout juste sortie de la Villa Belleville, expose un travail joliment fantastique, qui évoque autant les enluminures médiévales que l’œuvre de Kiki Smith et les estampes japonaises horrifiques, habité d’enfants fusionnant avec leurs costumes de peaux animales, d’une fleur donnant naissance à un agneau, d’une silhouette maléfique pressant un frêle oiseau… Sans oublier un grand triptyque figurant un saule pleureur peuplé de fillettes et de faucons pèlerins qui, nous explique-t-elle, raconte l’histoire de sa grand-mère atteinte de la maladie d’Alzheimer, laquelle ne retenait plus à la fin de sa vie que de lointains souvenirs d’enfance, comme cet arbre hanté. F.G.
Salon sur cour, stand S02
CHOI&CHOI gallery
Du 20 octobre 2022 au 23 octobre 2022
Monnaie de Paris • 11, quai de Conti • 75006 Paris
www.monnaiedeparis.fr
À Paris Internationale, Chalisée Naamani clashe la Renaissance

Chalisée Naamani, It’s not about the dress you wear, but it’s about the life you lead in the dress, Diane Vreeland, 2022
Technique mixte • 216 × 102 × 24 cm • Courtesy the artist and Ciaccia Levi, Paris – Milan
Attention les yeux, clash au sommet ! À Paris Internationale, sur le stand de la galerie Ciaccia Levi, Chalisée Naamani (née en 1995) orchestre une improbable rencontre entre Piero della Francesca et tout un cortège de références empruntées autant à l’univers des réseaux sociaux qu’à celui du rap. Le tout samplé, mixé et remixé sur des textiles vintage, comme autant de punchlines visuelles. Foulards noués en forme de chaîne XXL, imprimé régressif à petits cœurs et sac à main façon mauvaise contrefaçon… Voilà le maître florentin chahuté par un assemblage d’images, de mots et de formes, habillant ad nauseam des silhouettes désincarnées semblables aux fantômes d’une ère post-capitaliste en plein effondrement, venus hanter les allées de la foire… Ironie de l’histoire : celle-ci est installée dans ce qui fut au XIXe siècle l’atelier de Nadar, photographe de légende qui fit du portrait une véritable arme de guerre commerciale, sur un marché, à l’époque, déjà ultra-concurrentiel… I.B.
Paris Internationale
Galerie Ciaccia Levi, 3e étage
À Paris Internationale, l’affriolant boudoir de Shafei Xia

Shafei Xia, Like a song, like a dream, 2022
120 × 245,5 cm • Courtesy the artist & P420, Bologna / Photo credit Carlo Favero
Ici, un couple de tigres se bécote sur un canapé moelleux. Là, une femme étendue sur une peau de bête nous présente ses fesses démesurées et teintées de rose… Délicieusement licencieuses, les œuvres de Shafei Xia (née en 1989), présentées sur le stand de la galerie P420 à Paris Internationale, se dégustent comme des friandises pour les yeux. Délicate et élégante, la peinture de cette artiste originaire de Chine (qui vit désormais à Bologne, en Italie) est riche de symboles dont la charge érotique, pleinement assumée, évoquent les shunga de la période Edo. Dans son étonnant boudoir rose-bonbon, où les hommes sont aux abonnés absents, l’artiste sonde nos désirs, notre rapport au corps et à la sexualité. Les femmes font l’amour (et prennent leur pied), conduisent des orchestres (combien de cheffes d’orchestre connaissez-vous ?) ou dansent à corps et cœur perdus… Jouissif ! I.B.
Paris Internationale
Galerie P420, 3e étage
Paris Internationale 2022
Du 19 octobre 2022 au 23 octobre 2022
Studio de Nadar • 35 Boulevard des Capucines • 75009 Paris