6 questions sur la crise migratoire à la frontière polonaise


FOCUS – La Pologne a annoncé ce lundi 15 novembre la construction d’un mur à sa frontière avec la Biélorussie.

Alors que des milliers de migrants sont massés devant la frontière polonaise, côté Biélorussie, la Pologne a annoncé lundi 15 novembre la construction d’un mur dès décembre pour endiguer le passage des flux. D’après le ministre de l’Intérieur polonais Mariusz Kaminski, les constructions, estimées à 350 millions d’euros, devraient se terminer d’ici le premier trimestre 2022. Quels sont les évènements qui ont mené à cette situation et quelles solutions sont envisagées par l’Union européenne pour lutter contre cette crise migratoire ? Le Figaro fait le point sur cette crise complexe, qui dure depuis plusieurs mois déjà.

Quelle est la situation à la frontière ?

Depuis l’été dernier, des milliers de migrants s’amassent aux portes de la Pologne, à sa frontière avec la Biélorussie, longue de 400 kilomètres. Ces migrants, dont de nombreuses femmes et enfants, se retrouvent dans des camps de fortune -plus de 2000 le long de la frontière-, alors que les températures descendent en dessous de 0 degré en cette période hivernale.

Migrants à la frontière de la Pologne et de la Biélorussie. HANDOUT / REUTERS

En septembre dernier, la Pologne a décrété l’État d’urgence, empêchant les non-résidents, dont les journalistes et les organisations caritatives, de se rendre en zone frontalière. Le Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Michelle Bachelet, a réclamé il y a quelques jours un accès humanitaire «immédiat»: «J’exhorte les États concernés à prendre des mesures immédiates pour désamorcer et résoudre cette situation intolérable conformément aux obligations qui leur incombent en vertu du droit international des droits humains et du droit des réfugiés».

Depuis le début de cette crise migratoire, au moins onze migrants sont décédés, dont sept du côté polonais de la frontière, selon le quotidien polonais Gazeta Wyborcza. Selon les derniers chiffres, la Pologne a enregistré au total plus de 32.000 tentatives d’entrée illégale sur son territoire, dont 17.300 au mois d’octobre.

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D’où viennent les migrants ?

Ces migrants fuient les conflits ou la misère au Proche-Orient ou en Afrique. Ils proviennent en grande majorité du nord de l’Irak et de la Syrie, pays en guerre depuis dix ans. D’après l’AFP, une Polonaise qui vient en aide aux migrants sur place a également dit avoir vu des ressortissants du Yémen, de Côte d’Ivoire et de Cuba.

Pourquoi l’UE parle d’une «attaque migratoire» ?

L’Union européenne accuse les dirigeants du Bélarus d’orchestrer l’afflux de migrants en représailles aux sanctions imposées par Bruxelles à la suite de la répression de l’opposition par le régime de Minsk. Le président Alexandre Loukachenko a réfuté ces accusations. Il avait pourtant prévenu fin mai que son pays ne stopperait plus les «drogues et les migrants» aux portes de l’Europe.

Le 27 octobre, Paris a accusé la famille de Loukachenko d’être derrière un «trafic» d’êtres humains «savamment organisé» avec des pays tiers, vers l’Union européenne, via la Turquie et Dubaï.

Alors qu’Emmanuel Macron s’est entretenu au téléphone pendant 1h45 hier avec le Président Russe, Vladimir Poutine, Clément Beaune s’est dit opposé ce mardi 16 novembre à la construction d’un mur. Le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a quant à lui exprimé sa solidarité avec la Pologne, affirmant ne «pas avoir de leçons» à lui donner.

Comment a réagi la Pologne ?

Le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a accusé le Bélarus de «terrorisme d’État» et estimé que son pays était la cible d’une «guerre d’un genre nouveau», avec des civils utilisés comme «munitions».

Comme dit plus haut, en septembre dernier, la Pologne a imposé un état d’urgence de 30 jours, qu’elle a rapidement prolongé, interdisant aux non-résidents de se rendre en zone frontalière. C’est la première fois que le pays à recours à ce type de mesure depuis la chute du communisme, en 1989.

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La Pologne a ensuite envoyé des milliers de soldats et fait construire un mur de barbelés afin de contenir les migrants du côté de la Biélorussie. Aujourd’hui, nous dénombrons 15.000 militaires.

Militaires polonais à la frontière commune avec la Biélorussie. HANDOUT / REUTERS

Si de nombreuses ONG ont critiqué la Pologne pour imposer ce nouvel état d’urgence à la frontière, son premier ministre a affirmé utiliser tous les moyens légaux, se déclarant toutefois «sensible» du sort des migrants.

Le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki et le ministre de la Défense nationale Mariusz Blaszczak rencontrent des militaires près de la frontière polonaise le 9 novembre 2021.
HANDOUT / REUTERS

En octobre, la Pologne a demandé à l’Union européenne le financement d’un mur le long de sa frontière qui coûterait 350 millions d’euros. Si les ministres de l’Intérieur de 12 pays avaient appelé la Commission européenne à aider à financer ce mur – Autriche, Bulgarie, Chypre, Danemark, Estonie, Grèce, Hongrie, Lituanie, Lettonie, Pologne et République tchèque, Slovaquie -, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a répondu à cette demande par la négative.

Quelles solutions mises en place par l’UE ?

La Commission européenne, qui avait appelé lundi 8 novembre à de nouvelles sanctions, commence à mettre ses menaces à exécution. En effet, lors d’une réunion lundi 15 novembre, les ministres des affaires étrangères de l’UE se sont mis d’accord sur une modification du régime actuel de sanctions, en l’élargissant aux pratiques qui consistent à «organiser ou contribuer aux activités du régime de Loukachenko qui facilitent le franchissement illégal des frontières extérieures de l’Union».

Actuellement, 166 personnes et 15 entités biélorusses, sont visées, dont Alexandre Loukachenko, son fils et conseiller à la sécurité nationale, ainsi que des membres du système judiciaire et des acteurs économiques.

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De plus, la Turquie et les Émirats Arabes ont déclaré que les Irakiens, Syriens et Yéménites ne seraient plus autorisés à prendre l’avion pour le Bélarus à partir de ses aéroports «jusqu’à nouvel ordre». Le gouvernement irakien a quant à lui annoncé qu’il allait procéder aux rapatriements de ses ressortissants bloqués en Biélorussie. Un premier vol est prévu jeudi.

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Comment réagit Minsk ?

Depuis le début, le président bélarusse Alexandre Loukachenko affirme qu’il n’est pas à l’origine de cette crise migratoire. Au cours de l’escalade avec l’Union européenne, ce dernier a affirmé que son pays répondrait à toute nouvelle sanction européenne liée à la crise des migrants, notamment en évoquant la possibilité de suspendre le fonctionnement du gazoduc Yamal-Europe qui traverse le Bélarus et livre du gaz russe, notamment à l’Allemagne et la Pologne.

Varsovie est allé plus loin, en accusant également Vladimir Poutine d’orchestrer la crise migratoire et Minsk de «terrorisme d’État» le 10 novembre dernier. Le 12 novembre, le Kremlin assure que ses livraisons de gaz continueront. Les armées russe et bélarusse ont toutefois mené des exercices aéroportés communs près de la frontière polonaise. Au cours de l’exercice, deux parachutistes russes sont morts.

Ce mardi 16 novembre, le président biélorusse Alexandre Loukachenko a assuré vouloir éviter que la crise migratoire à la frontière avec la Pologne, qu’il est accusé d’avoir orchestrée, ne dégénère en confrontation avec ses voisins européens.



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