5 pépites repérées au festival Circulation(s) au Centquatre


1. Agnieszka Sejud : la Pologne sur le motif

Dans la halle du Centquatre, c’est une avalanche de motifs aux couleurs saturées qui se déploient ad nauseam le long d’une grande fresque où la culture populaire polonaise embrasse le fait religieux. On y devine des scènes de rue mais aussi d’énigmatiques natures mortes, qui toutes racontent la Pologne contemporaine, tiraillée entre, d’une part les idéaux du rêve européen, et d’autre part la droite conservatrice au pouvoir, qui piétine les droits des femmes et des LGBT et musèle l’information. Photographe mais aussi activiste (elle a notamment documenté la mobilisation féministe contre une loi restreignant considérablement l’accès à l’IVG en 2020), Agnieszka Sejud (née en 1991) manipule ici les images pour dénoncer la propagande qui pullule sur Internet et menace tout espoir de progrès social dans son pays.

Agnieszka Sejud, Hoax. Extrait de portofolio. 2020

Agnieszka Sejud, Hoax. Extrait de portofolio. 2020

i

2. Rachele Maistrello : diamant brut

Rachele Maistrello, Green Diamond

Rachele Maistrello, Green Diamond, 2022

i

Dans les années 1990 en Chine, l’entreprise Green Diamond fabriquait des puces électroniques qui, implantées à certains endroits précis du corps humain, étaient capables de recréer chez l’homme des sensation liées à l’expérience de la nature, comme celle du soleil qui réchauffe la peau. S’il est presque aujourd’hui impossible de retrouver les traces de l’existence de cette entreprise de très haute-technologie, à la lisière du transhumanisme, la photographe Rachele Maistrello (née en 1986) a collaboré avec une ancienne salariée, qui, grâce à des documents d’archive (photographies argentiques, vieilles factures, vidéos…), lui a permis de reconstruire l’itinéraire de deux employées, Li Jian Ping et Gao Yue. Cette série aux accents surréalistes recrée, dans les locaux d’une société située à deux pas de l’ancien siège de Green Diamond, l’atmosphère de cette mystérieuse entreprise… aux frontières de la science-fiction.

Lire aussi article :  Créer une banque communautaire sur le Lightning Network

3. Elisabeth Gomes Barradas : R’nB fever

C’est la madeleine de Proust des kids des années 1990–2000. Aaliyah, Beyonce, Alicia Keys… C’est en regardant les clips de ces divas du R’nB qu’Elisabeth Gomes Barradas (née en 1993) a bâti son imaginaire, imprégné de références à la pop culture du nouveau millénaire. Dans cette série bâtie comme un hommage à ses artistes préférés, la jeune photographe crée des pochettes de disque fictives. Paillettes à gogo, accessoires de mode, maquillage : elle manipule avec brio l’esthétique « bling bling » emblématique de ces années et transforme ses modèles anonymes en véritables stars. Un pastiche délicieusement kitsch.

Elisabeth Gomes Barradas, Karen, Covers, série sur la culture du R’nB des années 2000

Elisabeth Gomes Barradas, Karen, Covers, série sur la culture du R’nB des années 2000, 2022

i

© Elisabeth Gomes Barradas

4. Diego Saldiva : la photo comme uppercut

Dans la petite ville de Harrisonburg en Virginie, les conflits se règlent sur le ring. Chaque mois, dans la « Cour de Satan », deux personnes s’affrontent en duel devant témoins qui filment la scène, afin d’assurer un verdict « honnête ». À partir de cette tradition violente, Diego Saldiva (né en 1983) envisage ces démonstrations de force et de virilité comme les bases d’un ordre social symbolique, qu’il questionne au travers de photographies prises dans les rues de Harrisonburg, où d’ordinaire, un simple regard, une simple parole, peut faire basculer la situation dans une brutalité disproportionnée. Son installation coup de poing au Centquatre immerge le visiteur dans ce quotidien sous haute tension, traversé, comme le montre le cliché d’un père avec ses enfants, par de furtifs (et rares) instants de douceurs.

Lire aussi article :  l’Europe tente d’endiguer la déferlante du variant Omicron

5. Karén Khachaturov : ô mirage, ô désespoir

De plus en plus d’études s’accordent à le dire : Instagram et consorts ne sont pas bons pour notre santé mentale. Intitulée Self Destruction, la série de Karén Khachaturov montre comment le monde numérique (et pas seulement les réseaux sociaux !) aliène les individus. La photographe met en scène, dans des compositions aux tons pastel à l’humour grinçant, notre quotidien pris au piège de la surconsommation, du narcissisme, et finalement de la solitude. Une fresque sans concession sur notre époque empêtrée dans l’angoisse et l’impuissance. Karén Khachaturov fait partie des quatre photographes mis à l’honneur dans le cadre du « focus Arménie ».

Karén Khachaturov, Self-Destruction. Festival Circulation(s), Centquatre

Karén Khachaturov, Self-Destruction. Festival Circulation(s), Centquatre, 2022

i

Arrow

Circulation(s) 2022

Du 2 avril 2022 au 29 mai 2022

www.104.fr



Source link