Virée nocturne avec Clément Cogitore au Centquatre


De 2017 à 2019, Clément Cogitore (né en 1983) a été partout. Au cinéma avec son documentaire Braguino, au Centre Pompidou où il a reçu le très prestigieux prix Marcel-Duchamp, à l’Opéra de Paris où il a mis en scène les Indes galantes avec la chorégraphe Bintou Dembélé… En quelques mois seulement, l’ancien étudiant du Fresnoy et des Arts décoratifs de Strasbourg sortait du cercle confidentiel de l’art contemporain pour devenir une star hyperactive et multi-supports, montrée dans le monde entier. Impressionnant ! Mais il est bon, après quelques mois plus discrets, de le revoir revenir à l’os de sa pratique sous les verrières du Centquatre : une salle, cinq vidéos. Et c’est tout – mais c’est déjà beaucoup.

Clément Cogitore, Vue de l’exposition « Clément Cogitore. Project Room » au CENTQUATRE

Clément Cogitore, Vue de l’exposition « Clément Cogitore. Project Room » au CENTQUATRE

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Ancien résident du lieu, Clément Cogitore a travaillé durant presque deux ans dans un atelier à deux pas de la salle où il expose aujourd’hui. Il y a préparé les Indes galantes, multiplié les répétitions avec des danseurs, et voulait marquer son départ en réunissant quelques œuvres anciennes, « peu montrées à Paris » explique-t-il. « Pas un parcours rétrospectif », mais « cinq pièces qui n’ont pas ou très peu de narration, avec l’envie de les faire dialoguer entre elles ». Plongées dans l’obscurité, démarrant l’une après l’autre et parfois diffusées toutes en même temps, les vidéos sont projetées sur des écrans flottants : un ballet d’images mouvantes, rythmé par des bandes-son éprouvantes et sombres.

Lascaux, Julian Assange, Rainer Maria Rilke

Sur les écrans, des images de la place Tahrir au Caire (Tahrir, 2012), qui alternent à toute allure manifestants et policiers dans un choc violent et stroboscopique. À deux pas, on assiste à l’embrasement joyeux d’un concert (Élégies, 2014) : la caméra se tourne vers la foule, des centaines de mains anonymes brandissent leur téléphone et donnent l’impression d’un ciel vibrant de constellations de lumières. En sous-titres, un poème de Rainer Maria Rilke, les Élégies de Duino (1923), confère aux images une dimension sublime, quasi-mystique. Juste à côté, on observe médusé l’activiste Julian Assange dansant fiévreusement dans une boîte de nuit quasiment vide (Assange Dancing, 2012)… Puis nos yeux filent vers un film de la grotte de Lascaux (Lascaux, 2017), dont les précieuses images documentaires (les parois peintes ont depuis été mangées par les champignons) sont perturbées par le vol hasardeux de papillons.

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Clément Cogitore, Vue de l’exposition « Clément Cogitore. Project Room » au CENTQUATRE

Clément Cogitore, Vue de l’exposition « Clément Cogitore. Project Room » au CENTQUATRE

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Faire se frotter l’intime et le collectif, l’individu et la mémoire, va chez Clément Cogitore de pair avec une exploration de la nuit.

Enfin, et c’est peut-être la vidéo la plus hypnotique des cinq, un camion file dans la nuit noire (Travel(ing), 2005). Sur son dos, que la caméra suit de près, sont projetées des images du même camion parcourant la même route durant la journée… Ici, jour et nuit se confondent dans une trajectoire unique, ritualisée par l’artiste comme un chemin sacré. « Rituel » est d’ailleurs un mot-clé pour comprendre son travail, qui utilise toutes sortes d’images – parfois de lui, parfois trouvées – habitées d’une force presque religieuse. L’artiste donne à voir « des personnages dans des situations ou des formes scénographiques où ils sont à la fois seuls et ensemble ». Faire se frotter l’intime et le collectif, l’individu et la mémoire, va chez Clément Cogitore de pair avec une exploration de la nuit : « Je travaille avec cette porosité que permet l’obscurité », d’où adviennent des images dans un éclat lumineux…

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Clément Cogitore. Project Room

Du 2 avril 2022 au 29 mai 2022

www.104.fr



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