Prévention des incendies – Dans les Monts d’Arrée, on fauche la lande pour éviter qu’elle flambe


L’énorme broyeur parcourt ajoncs, fougères et bruyères dans un bruit assourdissant, ne laissant derrière lui qu’un amas de brindilles et de terre. Dans les Monts d’Arrée, ravagés par les incendies estivaux, la restauration du biotope passe paradoxalement par de lourds travaux agricoles.

« Les landes gérées par les agriculteurs jouent un rôle de pare-feu naturel », décrit, au milieu des fougères, Yves-Marie Le Guen, coordinateur du programme Life Landes au parc naturel régional d’Armorique.

« Ça a un intérêt pour le risque d’incendie mais ça a aussi un intérêt pour la biodiversité », ajoute-t-il, en faisant visiter une parcelle de landes épargnée par les incendies.

Entre mi-juillet et mi-août, les feux ont détruit 2 200 hectares de végétation, soit environ 20 % du site Natura 2000 des Monts d’Arrée, le plus vaste ensemble de landes atlantiques de France.

Milieu très rare forgé par l’homme, la lande a tendance à disparaître avec l’abandon des parcelles agricoles peu productives et difficiles à entretenir.

La lande a alors tendance à se refermer, évoluant en bosquets et en fourrés, qui fournissent de la matière sèche très combustible en cas d’incendie.

Bien entretenue, la lande fauchée sert en revanche de litière aux troupeaux, qui peuvent aussi y pâturer. « C’est de la paille en moins à acheter », relève Jérémy Stéphan, éleveur bio au Gaec des Landes celtes à Loqueffret (Finistère), qui fait paître ses 240 bovins sur 70 hectares de landes.

« En Bretagne, on a eu jusqu’à un million d’hectares de landes », raconte Jean-Noël Ballot, ornithologue de l’association Bretagne Vivante, une paire de jumelles autour du cou. « Aujourd’hui, il n’en reste que 14 000 hectares, dont 8 000 dans les Monts d’Arrée », ajoute-t-il.

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« Notre panda »

Or, ce milieu est le refuge d’une biodiversité exceptionnelle, à l’image des busards Saint-Martin et cendrés ou du courlis cendré, dont il ne restait que 14 couples au dernier comptage. « C’est un peu notre panda, on essaie de le sauver », sourit M. Ballot.

Ces espèces d’oiseaux emblématiques, en cours de migration au moment des incendies, ont pour la plupart échappé au feu, au contraire de nombreux passereaux, lézards ou escargots, dont ils se nourrissent.

« L’année prochaine, les busards ne vont pas retrouver leur zone de nidification, qui a été brûlée. On va voir s’ils s’adaptent, s’ils se reportent sur d’autres sites », envisage l’ornithologue.

Sur la montagne Saint-Michel-de-Brasparts, surmontée de sa chapelle du XVIIe siècle, le paysage est encore noirci par la cendre, malgré quelques touffes vertes de molinie et de fougères.

« La fougère explose partout, sans doute favorisée par les cendres. Ça va prendre trois ou quatre ans à se rééquilibrer », estime Yves-Marie Le Guen. « La végétation a une forme de résilience. La nature va très bien s’en sortir sans l’aide de l’homme », ajoute-t-il.

Car un mois et demi après le passage du feu, on peut déjà apercevoir des silènes en fleur et un bébé vipère serpentant sur le chemin montant à la chapelle Saint-Michel.

Pour le reste, « tout ce qui relève de la main de l’homme doit être engagé très vite et terminé dans les 12 mois qui suivent cet incendie », assure à l’AFP Maël de Calan, président (divers droite) du conseil départemental du Finistère, qui s’est fixé, avec le préfet, un « objectif volontariste ».

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Dans le cadre du comité de pilotage pour la restauration du site, une réflexion est en cours pour réintroduire, sur des secteurs très précis, des espèces de fougères, de mousse ou d’orchidées très rares, actuellement conservées dans les serres du conservatoire botanique de Brest.

La montagne Saint-Michel devrait aussi être confortée de murets pour endiguer l’érosion liée aux pluies hivernales. Et, alors que le site est morcelé entre de multiples propriétaires, le département envisage d’acquérir des parcelles privées pour les entretenir plus facilement.

« A court terme, on cherche à obtenir des autorisations pour intervenir plus rapidement », explique M. de Calan. « Ensuite, on laissera à la nature le temps de faire son oeuvre. »



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