Pour le mois du dessin, lumière sur 6 dessinateurs à suivre de (très) près


1. Marine Wallon, le « vacillement de l’image »

Représentée par la galerie Catherine Issert de Saint-Paul-de-Vence, Marine Wallon (née en 1985) est sortie diplômée des Beaux-Arts de Paris en 2009, et développe depuis une pratique de paysage intimement liée à l’art de la vidéo. Elle s’inspire notamment de captures d’écran de films, immortalisant avec brosses et pastels des paysages variés, isolés, réinterprétés en espaces picturaux. Par téléphone, elle nous explique : « J’aime jouer avec des représentations d’espaces, du Canada ou du Chili par exemple, pour aller vers une surprise totale en termes de cadrage, de couleurs… Cette base géographique très concrète bascule vers un espace imaginaire. » Pour ce faire, elle joue avec des matières qui ne s’associent pas naturellement, comme le pastel à l’huile et la gouache. « L’image vidéo, et en particulier le cinéma expérimental m’ont beaucoup influencée pour cet entrechoquement de matières, ce vacillement de l’image… »

Marine Wallon, Point Rouge Ligne Jaune XV

Marine Wallon, Point Rouge Ligne Jaune XV, 2022

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Gouache et pastel sur papier • 45 × 65 Cm • Courtesy de l’artiste et de la Galerie Catherine Issert

2. Stella Sujin, contes et corps fragiles

Peau d’âne, le Petit Chaperon rouge, l’Ours et la Princesse… Ces figures vulnérables tirées de contes populaires ont inspiré Stella Sujin (née en 1983), qui les réunit sur le stand de la galerie Backslash autour d’un grand dessin de deux mètres de large dédié à l’histoire de sa famille paternelle. Riche d’un cursus entre art et philosophie, la Parisienne d’origine coréenne nous raconte être sensible aux désordres du monde, « la guerre, la pandémie… » : « C’est pourquoi j’ai voulu travailler autour de la vulnérabilité. En tant qu’artiste femme, je reste vigilante vis-à-vis de la mise à nu qui nous concerne, comme d’autres espèces. » Chacune de ses figures apparaît protégée – par une peau d’animal, par un ours… « Ces histoires sont une façon de se consoler, et de proposer une sorte de résilience. » La forme rejoint le fond, puisque la jeune femme adule, et maîtrise, l’aquarelle, une peinture comme hantée de larmes : « C’est un choix qui me tient à cœur. J’aime la translucidité et la mobilité de ce matériau fluide, qui permet à mon corps d’entrer dans un rapport direct avec la matière. »

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Stella Sujin, La Sorcière

Stella Sujin, La Sorcière, 2021

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Aquarelle Sur Papier • 31 X 23 cm • Courtesy de l’artiste et de Backslash, Paris

3. Mircea Cantor, dessinateur tout-terrain

Lauréat du prix Marcel Duchamp en 2011, l’artiste roumain Mircea Cantor (né en 1977) poursuit une réflexion multi-supports autour de la politique internationale, par exemple en dessinant à l’encre sur des pages de la revue The Economist. La galerie Dilecta, également éditrice, a sélectionné pour son stand un grand dessin réalisé au pochoir à la façon d’un herbier, laissant apparaître comme des spectres les contours de branches de maïs, voulant interroger « ce que c’est qu’un champ », nous détaille l’artiste quelques semaines avant l’ouverture de la foire. L’homme s’est également intéressé aux aigles dressés par les armées à attraper des drones, et les représente d’une plume légère, fortement imprégnée de l’influence de peintures chinoises, japonaises et indiennes. Un travail virtuose, furtif, profond.

Mircea Cantor, Untitled

Spay sur tatami • 120 × 170 cm • Courtesy de l’artiste et Dilecta

4. João Vilhena, de l’érotisme du regard

« Il n’y a pas de représentation qui ne soit pas érotique. » Lorsqu’on le rencontre à la galerie Alberta Pane, qui le représente au Carreau du Temple, João Vilhena (né en 1973) cite volontiers l’écrivain Georges Bataille et nous parle du « désir, opératoire face à une œuvre d’art ». C’est ce qui l’a motivé à dessiner sa voisine aperçue nue par la fenêtre (avec son accord), à composer des images de jeux de plage énigmatiques et quasi-érotiques, ou encore à s’intéresser à la stéréoscopie, qui permet grâce à un dispositif alignant deux images de créer une étonnante profondeur en trois dimensions. « Le regard fait l’œuvre », dit-il encore en citant Marcel Duchamp, et en dissertant sur l’idée du « regard scopique » qui fait de toute exposition une « exhibition », et de tout contemplateur un « voyeuriste »…

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João Vilhena, L’amour des Corps

João Vilhena, L’amour des Corps, 2019

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Pierre noire sur carton gris • 141 × 101 Cm • Courtesy Galerie Alberta Pane

5. Keita Mori sur le fil

Bien connu du Drawing Lab qui l’avait accueilli pour son exposition inaugurale en 2017 (rappelons que le Drawing Lab, le Drawing Hôtel et la foire Drawing Now font partie de la même famille !), le Japonais Keita Mori (né en 1981) bluffe avec ses dessins abstraits, où chaque trait est un fil. Sans dessin préparatoire, il s’élance sur la surface de l’épais papier Arches – ou sur les murs, l’artiste aimant travailler à l’échelle architecturale – et colle de fins fils de coton, de soie et de cuivre. Sur le stand de la galerie Catherine Putman, il montrera quelques dessins encadrés et une grande œuvre réalisée in situ, déclinaisons aériennes et multicolores de formes abstraites, évoquant des galaxies peuplées de vaisseaux futuristes. « Quand je dessine, le fil se déchire… C’est lui qui génère le dessin, par les erreurs accumulées », nous dit l’artiste, pourtant auteur d’œuvres ultra-précises. « Il n’y a pas de processus exact, c’est évolutif. »

Keita Mori, Bug Report (BR 22 11 10 B)

Keita Mori, Bug Report (BR 22 11 10 B), 2022

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Fil de coton, de soie, de cuivre et tissu sur papier • 196 × 76 cm • Courtesy Galerie Catherine Putman

6. Suzanne Husky, une ministre qui dessine

À la tête de l’imaginaire et non moins rebelle Nouveau Ministère de l’Agriculture, la plasticienne Suzanne Husky (née en 1975), représentée par la galerie Alain Gutharc, sait manier la dynamite d’un humour politique et d’un fascinant travail plastique. Tout à la fois autrice de tapisseries, de podcasts et de céramiques, l’artiste use de l’aquarelle pour illustrer les missions de son ministère, sous-titrant « Quel monde voulons-nous ? » un paysage confrontant une « piscine à coque de polyuréthane » et une « mare de castor », ou donnant formes et couleurs à un arbre peuplé d’oiseaux – tant et si bien que ceux-ci paraissent être ses fruits et ses branches. De quoi nous faire réfléchir, avec grâce et générosité.

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Suzanne Husky, Sans Titre

Suzanne Husky, Sans Titre

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Aquarelle sur papier • 76 × 57 cm • Courtesy Suzanne Husky et Galerie Alain Gutharc

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Drawing Now Art Fair 2023

Du 23 mars 2023 au 26 mars 2023

www.drawingnowartfair.com



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