« Face au soleil » au musée Marmottan Monet
Le pitch : Heureux propriétaire du chef-d’œuvre de l’impressionnisme Impression, soleil levant (Claude Monet, 1872), le musée Marmottan Monet y répond en dressant un inventaire des apparitions du soleil dans les arts, depuis l’Antiquité et jusqu’à l’art contemporain.
Ce qu’on a aimé : Consacrer une exposition au soleil alors que l’hiver arrive, voilà qui a de quoi réchauffer les cœurs ! D’autant que la liste d’artistes est appétissante : Dürer, Rubens, Turner, Courbet, Signac, Miró… Au fil de la visite, on apprécie – surtout en famille – le propos didactique, qui rappelle l’importance du soleil dans l’Égypte antique, évoque les dieux qui l’incarnent dans la Grèce puis la Rome antiques, parle de son importance dans les jeux de tarots, de sa place primordiale dans une Europe qui découvre l’héliocentrisme (théorie popularisée par Copernic qui veut que ce soit le Soleil, et non la Terre et l’homme, qui soit au centre de l’univers)… jusqu’à sa présence périphérique chez Gérard Fromanger.
Dommage : Comme toujours à Marmottan, le parcours est rapide… Sans doute beaucoup trop, le sujet étant si vaste qu’il pourrait avoir motivé une exposition au musée du Louvre. Et si le casting est impeccable (quoiqu’en manque de femmes), beaucoup d’œuvres déçoivent, car ce ne sont ni les plus belles de Turner, ni les plus frappantes de Sonia Delaunay ou de Paul Signac qui ont été ici retenues, ou obtenues. On quitte donc le musée avec la sensation d’une exposition un peu manquée. M.C.-L.
« Alice Neel, un regard engagé » au Centre Pompidou
Le pitch : Peintre américaine méconnue de son vivant, Alice Neel (1900–1984) a passé sa vie à travailler une peinture engagée, notamment à travers des portraits de féministes (comme l’historienne de l’art Linda Nochlin), de figures homosexuelles ou de communistes (Harold Cruse).
Ce qu’on a aimé : Tous ses portraits. Si ses œuvres de jeunesse abordent des thèmes sociaux majeurs avec une grande sensibilité mais une technique maladroite et des figures fantomatiques d’une laideur triste (Degenerate madonna, 1930), les portraits qu’elle multiplie dans les années 1970 témoignent d’une très grande maîtrise et d’une acuité bouleversante. Notamment ses peintures de couples, où transparaît un amour sincère et non-conformiste, parfaitement en résonnance avec l’air du temps (Geoffrey Hendricks and Brian, 1978). Des citations bien senties accompagnent la plupart d’entre eux, sortes de sous-titres vivants qui donnent l’impression que l’artiste est là, et qu’elle murmure à notre oreille.
Dommage : La scénographie n’invite pas à une déambulation prédéfinie dans l’exposition, et on peut assez rapidement se sentir un peu perdu, hésiter et revenir sur ses pas… Cela dit, une telle mise en scène se défend aussi, sa liberté répondant à celle de l’artiste exposée. M.C.-L.
Alice Neel, un regard engagé
Du 5 octobre 2022 au 16 janvier 2023
Centre Georges Pompidou • Place Georges Pompidou • 75004 Paris
www.centrepompidou.fr
« Walter Sickert. Peindre et transgresser » au Petit Palais
Le pitch : Le Petit Palais dédie à l’inclassable peintre anglais Walter Sickert (1860–1942), ami de Degas et de Whistler, une grande rétrospective organisée avec la Tate Britain.
Ce qu’on a aimé : Nus inquiétants, jeux de miroirs au théâtre, vues de cathédrales et de bains de mer, peintures inspirées de coupures de presse… Très fourni, avec un fil chronologique semé de focus thématiques – on apprécie entre autres l’ambiance sonore et feutrée de la salle dédiée à ses tableaux de music-halls –, le parcours met en évidence toute la richesse de son œuvre. Si bien que ses peintures, pas toujours faciles d’accès, finissent par convaincre les réfractaires, tant l’artiste (qui va jusqu’à annoncer Francis Bacon et Edward Hopper) se révèle versatile et toujours audacieux.
Dommage : Un nu de Lucian Freud qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, et l’omission d’une information pourtant intéressante : les nus londoniens de Sickert lui ont valu d’être soupçonné d’être un tueur en série, et plus précisément Jack l’Éventreur, dont les meurtres l’obsédaient. J.B.
Walter Sickert (1860-1942). Peindre et transgresser
Du 14 octobre 2022 au 29 janvier 2023
Petit Palais • Avenue Winston Churchill • 75008 Paris
www.petitpalais.paris.fr
« Sam Szafran. Obsessions d’un peintre » à l’Orangerie
Le pitch : Plus de 60 fusains, aquarelles et pastels composent au musée de l’Orangerie cette rétrospective consacrée à l’artiste figuratif Sam Szafran (1934–2019), né à Paris dans une famille d’immigrés juifs polonais et rescapé de justesse de la rafle du Vel d’Hiv.
Ce qu’on a aimé : Escaliers en spirale étirés comme des anamorphoses, ateliers où dansent des flocons de neige et des ribambelles de bâtons de couleurs, invasions étourdissantes de feuillages délicats… Les œuvres virtuoses de cet inlassable expérimentateur, dont les cadrages s’inspirent de la photographie et du cinéma, expriment avec une poésie mélancolique les turbulences de son âme, hantée par l’extermination de sa famille par les Nazis. Un voyage intérieur bien mis en valeur par le parcours, qui déploie en son cœur un triptyque envoûtant digne du Vertigo d’Hitchcock, et se clôt sur ses grandes explosions végétales prêtes à tout engloutir.
Dommage : Il est regrettable qu’il ait fallu attendre la mort de l’artiste, disparu en 2019, pour lui rendre ce bel hommage. On aurait aussi aimé voir davantage de ses premiers pastels sur le thème des choux – des œuvres surprenantes proches de l’abstraction, dont un seul exemple nous est présenté. Mais rien de grave. À défaut de choux, on cherche des poux ! J.B.
Sam Szafran. Obsessions d’un peintre
Du 28 septembre 2022 au 16 janvier 2023
Musée de l’Orangerie • Jardin des Tuileries – Place de la Concorde • 75001 Paris
www.musee-orangerie.fr
« Venise révélée » au Grand Palais immersif
Le pitch : Baptême du feu pour le Grand Palais immersif installé dans une partie de l’Opéra Bastille. Pour son exposition inaugurale, l’institution a choisi un sujet on ne peut plus rassembleur : Venise, et ses dessous secrets révélés grâce à des relevés 3D inédits effectués par la société Iconem, spécialisée dans la numérisation du patrimoine en péril.
Ce qu’on a aimé : La volonté de sensibiliser le public aux menaces qui pèsent sur la Sérénissime et l’ambition de remettre du savoir au cœur de ces grands shows numériques si plébiscités.
Dommage : On se retrouve moins immergés dans la lagune que submergés par un flot (parfois confus) d’informations géologiques, historiques, architecturales… À ce trop-plein de pédagogie s’ajoute une esthétique très technique, déshumanisée, due à l’imagerie en nuage de points sur laquelle repose presqu’exclusivement l’exposition. On finit par croire que Venise est déjà engloutie et qu’on en explore le fantôme sur écran (à peine) géant… Si une petite salle présentant des extraits d’Assassin’s Creed II donne un peu de chair à la cité des Doges, elle est déconnectée du reste de l’exposition et offre une jouabilité très limitée. L’interactivité déçoit globalement : quelques écrans tactiles permettent de zoomer dans des œuvres ou de jouer les passe-murailles. Mais là encore, rien de spectaculaire, ni même d’éclairant. La magie de l’immersif laisse place à un exposé trop scolaire et indigeste ; on en oublierait presque la splendeur étourdissante de la vraie Venise. F.G.
Du 21 septembre 2022 au 19 février 2023
Grand Palais Immersif • Place de la Bastille • 75012 Paris
grandpalais-immersif.fr
« CAPITALE(S) – 60 ans d’art urbain à Paris » à l’Hôtel de Ville de Paris
Le pitch : Paris est magique ! L’Hôtel de Ville revient sur soixante ans d’art urbain dans la capitale en invitant 70 artistes. Où l’on remonte aux premiers graffitis de Gérard Zlotykamien, dit Zloty, dans les années 1960, aux affiches lacérées de Jacques Villeglé, et aux pochoirs pionniers de Blek le Rat… Avant que, dans le sillage du mouvement hip-hop importé des USA par des « blazes » (noms) comme Bando, des bombes (de couleurs) n’exp(l)osent place Stalingrad, sur les palissades des chantiers, dans les sous-sols du métro et les profondeurs des catacombes. Le parcours chronologique se poursuit avec de fameux anonymes (ou presque) des années 2000 : de Banksy à Invader en passant par JR… Toute la clique du street art est là, y compris la jeune génération.
Ce qu’on a aimé : Premier bonus : l’entrée est gratuite (sur réservation) ! Autre point fort, les 28 œuvres réalisées in situ. Du vitrail de Seth aux calligraphies de Tarek Benaoum en passant par le bestiaire à la craie de Philippe Baudelocque, ces créations inédites témoignent avec brio de la vitalité du street art contemporain. Une expo pleine de couleurs, riche (comptez deux bonnes heures) et qui captivera même les enfants. On kiffe les vitrines rassemblant la panoplie du « graffeur-vandale » et la « Graff Box », installation réalisée par Cristobal Diaz qui nous plonge dans la gestuelle du calligraphe urbain.
Dommage : Avec un peu de brouhaha dans l’espace, il faut se concentrer pour écouter les très intéressantes vidéos ! M.B.
Capitale(s) 60 ans d’art urbain
Du 15 octobre 2022 au 11 février 2023
Hôtel de Ville – Paris • Quai de l’Hôtel de ville • 75004 Paris
www.paris.fr
« Frida Kahlo, au-delà des apparences » au Palais Galliera
Le pitch : Loin des clichés, le Palais Galliera propose de plonger dans l’intimité de Frida Kahlo (1907–1954) et décrypte comment l’artiste a construit sa singulière identité. Une première en France qui rassemble plus de 200 objets provenant de la Casa Azul, la maison natale de Frida à Mexico : vêtements, correspondances, accessoires, cosmétiques, médicaments, prothèses… Des effets personnels qui dormaient dans une malle depuis la disparition de l’artiste et redécouverts en 2004.
Ce qu’on a aimé : On admire les robes traditionnelles Tehuana aux motifs et couleurs flamboyants, on est frappé par des colliers précolombiens que Frida collectionnait et dont certaines jades sont maculées de peinture. Une leçon de style ! Le plus touchant étant surtout ses corsets que Frida Kahlo a peint tels des manifestes, ou cette prothèse de jambe avec son élégante bottine rouge brodée : mais pourquoi les dévoiler dès le début ?
Dommage : On regrette le manque de dialogue avec les créations des couturiers contemporains inspirés par Frida Kahlo, et comme repoussés dans la dernière salle du parcours. C’est beau, c’est étonnant mais ça manque aussi cruellement d’explications ! M.B.
Frida Kahlo. Au-delà des apparences
Du 15 septembre 2022 au 5 mars 2023
Palais Galliera – Musée de la Mode de la Ville de Paris • 10, Avenue Pierre 1er de Serbie • 75016 Paris
palaisgalliera.paris.fr
« Füssli, entre rêve et fantastique » au musée Jacquemart-André
Le pitch : Peintre culte en Angleterre où il a fait sa carrière, monument en Suisse où il est né, Johann Heinrich Füssli est peu connu en France, bien que son angoissant Cauchemar (1781) ait marqué l’imaginaire collectif. Cette exposition est la première qui lui soit consacrée chez nous depuis 1975, et rassemble sous le thème du fantastique une cinquantaine de ses œuvres dont des scènes mythologiques, d’autres de sorcellerie ou encore tirées de pièces de Shakespeare.
Ce qu’on a aimé : On a beau les avoir vu reproduites, les œuvres telles que Lady Macbeth somnambule (1784), Les Trois sorcières (1782) ou l’épique Thor luttant contre le serpent de Midgard (1790) recèlent de savoureux détails qui ne se révèlent qu’à l’œil nu. On débusque ici et là, tapis dans l’ombre, des monstres sardoniques, des fées au regard pervers, des papillons surréalistes, des spectres ambigus. « Le Suisse fou », dont on apprend qu’il a d’abord été pasteur (!) se montre un inventeur d’une modernité stupéfiante, plein d’esprit et au pinceau libre, loin des coquetteries académiques plus souvent vues au XVIIIe siècle. On est particulièrement envoûté par ses dessins plus intimes tracés avec minutie et imprégnés de ses obsessions fétichistes.
Dommage : L’exposition se montre un peu pudibonde en ne réservant qu’une toute petite salle à la part érotique fascinante de l’œuvre de Füssli. Pire : cette section scénographiée comme un boudoir se veut consacrée au sujet féminin et se trouve, en toute logique, tapissée de… rose cul-cul. Un peu déçus aussi que le Cauchemar original n’ait pas fait le voyage depuis Détroit. On se console avec deux versions peintes ultérieurement invitant à un amusant jeu des sept erreurs.
Füssli, entre rêve et fantastique
Du 16 septembre 2022 au 23 janvier 2023
www.musee-jacquemart-andre.com
Musée Jacquemart-André • 158, boulevard Haussmann • 75008 Paris
www.musee-jacquemart-andre.com
« Edvard Munch. Un poème de vie, d’amour et de mort » au musée d’Orsay
Le pitch : Plus de dix ans après l’exposition-événement de la Pinacothèque, Edvard Munch (1863–1944) est de retour à Paris, cette fois au musée d’Orsay qui consacre au peintre norvégien préfigurateur de l’expressionnisme une brûlante rétrospective.
Ce qu’on a aimé : Ne vous attendez pas ici à retrouver Le Cri, du moins dans sa version la plus connue de l’œuvre, et qui de toute façon ne sort plus de Norvège depuis son vol spectaculaire en 2005. Le célébrissime motif, décliné à de multiples reprises par l’artiste, est simplement évoqué par le biais d’une lithographie. Le parcours thématique, qui rassemble une centaine d’œuvres venues de Norvège, met plutôt l’accent sur les obsessions de l’artiste, infatigable expérimentateur qui travaillait en série, déclinant une même œuvre sur un nouveau format ou support, usant parfois d’une autre palette de couleurs. Macabre, angoissante, cette plongée dans l’œuvre de Munch l’est forcément, mais elle offre aussi de somptueuses échappées, solaires et pleines de vitalité. À l’image de l’artiste, sans cesse tiraillé par ses pulsions de vie et de mort.
Dommage : S’il l’on est évidemment ébloui par cette réunion de chefs-d’œuvre, on reste un peu sur notre faim. Peu de surprises sont au rendez-vous et cette énième lecture de l’œuvre de Munch qui, se veut « globale », souffre parfois de superficialité. I.B.
Edvard Munch. « Un poème d’amour, de vie et de mort »
Du 20 septembre 2022 au 22 janvier 2023
Musée d’Orsay • Esplanade Valéry Giscard d’Estaing • 75007 Paris
www.musee-orsay.fr
« William Morris. L’art dans tout » à la Piscine de Roubaix
Le pitch : Cette saison, c’est tout le musée La Piscine de Roubaix qui se met à l’heure anglaise ! La tête d’affiche de cette programmation so british ? William Morris, figure de proue du mouvement Arts & Crafts qui, au XIXe siècle, a révolutionné les arts décoratifs – une première en France !
Ce qu’on a aimé : Évidemment centrée autour de la figure de William Morris (1834–1896), l’exposition évoque aussi largement le contexte artistique dans lequel le mouvement Arts & Crafts a puisé ses racines, réunissant ainsi quelques grands noms du préraphaélisme (Edward Burne Jones, Dante Gabriele Rossetti). On se réjouit aussi de trouver, parmi les 80 œuvres qui ponctuent le parcours, de très beaux prêts, parmi lesquels des dessins originaux de Morris provenant du Victoria & Albert Museum de Londres, ou encore L’Adoration des Mages de Burne Jones, somptueuse tapisserie venue du musée d’Orsay… Autant de chefs-d’œuvre qui célèbrent surtout l’art dans la vie de tous les jours et de chacun.
Dommage : Pas ou peu de détails finalement sur la personnalité de William Morris, artiste, poète, éditeur, typographe, chef d’entreprise, dont les idéaux révolutionnaires sont évoqués par des citations sur les cimaises. Ni d’ailleurs sur les enjeux esthétiques portés par cette personnalité hors norme. Pour cela, il faudra plutôt se tourner vers le catalogue… L’exposition fait plutôt la part belle à l’immersion, à l’image de la salle consacrée à la Maison Rouge construite dans la banlieue de Londres par Morris et son ami architecte Philip Webb, qui en évoque l’intérieur avec sa cheminée de carton-pâte (franchement pas nécessaire…). Le reste de la scénographie, d’inspiration period room, fait dialoguer des murs couleur framboise écrasée ou bleu roi avec des reproductions de papiers peints… Pas toujours, hélas, du meilleur effet. I.B.
William Morris (1834-1899) : L’art dans tout
Du 8 octobre 2022 au 8 janvier 2023
La Piscine • 23 Rue de l’Espérance • 59100 Roubaix
www.roubaix-lapiscine.com