Mort de la styliste Vivienne Westwood, “enfant terrible de la mode”


Boostés par le rock venu des États-Unis, les jeunes Britanniques d’après guerre font voler en éclats les carcans de l’establishment dans un mouvement culturel contestataire où musique et mode sont intimement liés. Nihiliste, antisocial, le punk londonien s’installe au 430 King’s Road. C’est là que Malcolm McLaren, le manager des Sex Pistols, et sa compagne Vivienne Westwood ouvrent une boutique en 1971. On y trouve des disques, des fanzines et des vêtements tout droit sortis de l’esprit de cette styliste débutante aux cheveux peroxydés.

Vivienne vient d’abandonner son métier d’institutrice pour fixer ce qui allait devenir le code vestimentaire de la génération No Future – vestes customisées, creepers, cuirs tailladés, pantalons bondage, zips, clous, chaînes, épingles à nourrice et autres tee-shirts envahis de slogans provocateurs. Sans oublier les images pornographiques imprimées à même le vêtement.

Fétichiste assumée

Quand la boutique, d’abord baptisée Let It Rock puis Too Fast to Live Too Young to Die, arbore enfin les trois immenses lettres roses SEX, le scandale est au rendez-vous. Vivienne est lancée. Mais considérant que le punk s’est vidé de son sens en devenant populaire, la créatrice s’en détourne dès le début des années 1980 pour se réinventer et partir à la conquête des podiums.

Elle conçoit une collection entière intitulée « +5° » (en référence au réchauffement climatique) et des vêtements à l’effigie de Rembrandt coiffé du béret de Che Guevara !

Passionnée par la peinture ancienne et les arts décoratifs, particulièrement ceux du XVIIIe siècle, grande habituée des musées (elle connaît le V&A par cœur), Vivienne Westwood se lance, pour ses premiers défilés au début des années 1980, dans une période historiciste. Elle multiplie les références à l’histoire de l’art, reproduisant des détails de portraits de Watteau ou les dessins de la toile de Jouy sur ses vêtements. Son premier défilé, intitulé « Pirates », met en scène des silhouettes arborant des tenues délirantes faites de couches de tissus colorés superposés, inspirées de la Révolution française. Particulièrement sensible au siècle des Lumières, elle en revisite les costumes, détournant les traditionnels corsets, crinolines et faux culs pour en faire les accessoires de femmes déterminées et maîtresses de leur destin. Un procédé qui va marquer l’histoire de la mode dont elle devient la reine incontestée.

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Vivienne Westwood, Veste de la collection « Les femmes ne connaissent pas toute leur coquetterie »

Vivienne Westwood, Veste de la collection « Les femmes ne connaissent pas toute leur coquetterie »

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Printemps-été 1996 • Coll. Lee Price / © Photo Pierre Verrier/ Musée des Tissus, Lyon.

La styliste se joue des codes masculins/féminins, les exacerbe, les confond, pour créer un répertoire unisexe, faisant défiler main dans la main dandys androgynes et femmes fatales tendance BDSM. Fétichiste assumée, la créatrice met les femmes sur piédestal avec ses Super Elevated Gillie, une version revisitée des chopines de la Renaissance en platform shoes de 30 centimètres de haut. Les années passent mais Queen Vivienne n’en a cure et poursuit son règne, aux côtés de ses fidèles serviteurs, son mari Andreas Kronthaler, créateur de vingt-cinq ans son cadet, avec qui elle continue d’innover, et l’homme d’affaires Carlo d’Amario qui fait décoller l’entreprise et développe la marque dans le monde entier.

« La première chose que vous devez vraiment savoir de moi, c’est que je suis née pendant la Seconde Guerre mondiale. Le rationnement et tout ce qui va avec. » Fille d’une tisseuse et d’un ouvrier, Vivienne développe très tôt une mode sensible aux notions d’écologie, de récupération et du fameux do it yourself. Quitte à faire le grand écart et assumer une forme de schizophrénie. À la tête d’une multinationale du luxe qui développe des produits dérivés et une chaîne de cafés au Japon, elle met sa création au service de ses engagements, dessine des tee-shirts pour Amnesty International, conçoit une collection entière intitulée « +5° » (en référence au réchauffement climatique), des vêtements à l’effigie de Rembrandt coiffé du béret de Che Guevara ! Elle lance le projet « Climate Revolution », collabore avec Ethical Fashion Initiative et publie en 2007 Active Resistance to Propaganda: Manifesto, pamphlet érigeant l’art comme moyen de s’ouvrir au monde et lutter contre le système…

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Distinguée en 2006 « dame de l’Empire britannique » par le prince Charles, elle fait une entrée fracassante au Victoria & Albert Museum. Et pour couronner le tout, pose nue en pleine lumière sous l’objectif de Juergen Teller à 71 ans, affirmant une audace éternelle. Royale !

Article initialement paru dans Beaux Arts Magazine n°436 en septembre 2020.



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