Marchés des céréales – Pourquoi tant de volatilité ?


Les marchés céréaliers sont particulièrement instables depuis 2020, la faute à des facteurs structurels et à des perturbations géopolitiques et économiques. Sébastien Poncelet, d’Agritel, revient sur le sujet et donne des pistes pour réussir la commercialisation de ses grains malgré cette volatilité accrue.

Ces derniers mois, le marché des céréales a été marqué par des flambées inédites des cours, mais aussi par des évolutions des prix de plus en plus brusques et fortes. Comment expliquer cette volatilité inédite ? Sébastien Poncelet, expert du marché des grains et directeur du développement chez Agritel, est revenu sur le sujet à l’occasion de conférences organisées pendant le Sima.

« Ça fait longtemps qu’elle existe, la volatilité ! », annonce-t-il d’emblée. Apparue il y a une vingtaine d’années en Europe, très élevée en 2007, puis 2010 et 2012, elle s’est « endormie entre 2014 et 2019 » mais s’est intensifiée depuis 2020 et le début de la crise du Covid.

Le conflit en Ukraine est ensuite venu exacerber les tensions sur les marchés, conduisant à des variations inégalées jusqu’ici : « depuis dix mois, les prix du blé sur le contrat à terme d’Euronext affichent une amplitude quotidienne moyenne de 10 €/t ! ».

Les prix du blé affichent une amplitude quotidienne exponentielle depuis 2020 (©Agritel)

Mais au-delà des perturbations géopolitiques, la volatilité des cours provient « d’un déséquilibre fondamental entre offre et demande », explique-t-il, pointant d’un côté « le dérèglement climatique qui freine la hausse de la production mondiale » et de l’autre « une consommation en hausse, entraînée par l’augmentation de la population et l’amélioration des niveaux de vie ».

« En 2007 et en 2012, les prix ont bondi parce qu’il y avait eu ponctuellement de mauvaises récoltes, rappelle-t-il. Mais sur les deux dernières récoltes, on a battu des records de production… et pourtant les prix sont montés, car la consommation a grimpé beaucoup plus vite que la production ! On est sur quelque chose de structurel ».

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Conséquence de ce déséquilibre : hors stocks chinois, les stocks mondiaux de céréales ne représentent que 50 jours de consommation. « C’est seulement 50 jours de réserve pour nourrir les hommes, 20 % de moins que la moyenne des dix dernières années ! », alerte-t-il. Avec cette tension critique sur les stocks, « le marché est hyper nerveux : à la moindre peur de manquer, les prix grimpent ! ».

Instabilité économique et géopolitique

L’instabilité économique mondiale participe elle aussi à la volatilité des prix, note Agritel : « La forte reprise post-Covid de la demande sur l’ensemble des matières premières laisse la place à une inflation record, à de fortes hausses des taux d’intérêt et à la menace d’une récession ».

Sébastien Poncelet cite aussi l’impact des variations de la parité eurodollar sur la volatilité des cours agricoles, et le poids des spéculateurs, des financiers, des fonds d’investissements : « les fonds détiennent plus de 300 millions de fonds sur le marché à terme de Chicago. Quand ils se décideront à vendre, ça fera mal ! ».

Il s’attend à ce que la géopolitique continue d’alimenter la volatilité, en cela qu’elle peut perturber le commerce des grains. « La Russie et l’Ukraine, c’est un tiers du commerce mondial de blé, rappelle-t-il. Dès qu’il y a blocage, les prix explosent ! À la moindre peur que le corridor ferme, le marché s’envole ! »

Au-delà de la Mer noire, il invite à regarder ce qui se passe du côté de Taïwan et les tensions entre Pékin et Washington sur le sujet : « si les deux pays entrent en guerre commerciale, cela aura de grosses répercussions et entraînera un risque baissier sur les prix ».

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Transformer la volatilité en opportunité

Face à ces prix volatils, « jamais les charges n’ont été aussi élevées dans un contexte de crise énergétique en Europe », souligne Agritel, si bien que « le risque de prix devient l’enjeu économique majeur pour les exploitations agricoles ».

Mais « il y a des outils pour que la volatilité des prix devienne une opportunité et pas une menace », rassure Sébastien Poncelet, évoquant la méthode proposée par Agritel pour réussir la commercialisation de ses grains.

Une méthode qui « croise expertise des marchés et bonne gestion de l’exploitation » et se résume en plusieurs points : bien connaître son choix de commercialisation, se fixer un prix objectif, s’informer et dompter l’incertitude des marchés, identifier les contraintes de l’exploitation, comprendre et utiliser les marchés à terme et le système d’options, décider sans se laisser emporter par les émotions, écrire son plan de commercialisation…



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