Marché des engrais – « C’est fou » : l’embarras du monde agricole face à la flambée des engrais


Les prix des engrais azotés flambent en même temps que le gaz qui sert à leur fabrication, semant l’inquiétude chez les agriculteurs qui se demandent s’ils auront les moyens de fertiliser leurs champs dans quelques mois.

La cuve de Thomas Brébion, céréalier à l’ouest de Paris, est vide. D’habitude, explique-t-il à l’AFP, il prend les devants, en achetant plusieurs mois à l’avance la solution azotée qu’il pulvérise dans ses champs pour nourrir ses cultures.

« Je me suis dit « C’est cher, je vais attendre un peu ». J’ai fait une bêtise. Je ne sais pas comment je vais m’organiser. J’ai payé mes semences, ensemencé, fait mon travail » mais pour la suite, « on ne maîtrise rien ».

L’an dernier, l’engrais liquide lui avait coûté 165 euros la tonne, aujourd’hui, il s’arrache entre 550 et 600 euros la tonne, soit plus du triple. « C’est fou », résume-t-il.

Les fertilisants azotés sont fabriqués à partir d’ammoniac, obtenu en combinant l’azote de l’air et l’hydrogène provenant du gaz naturel. Près de 80 % du coût de production de l’ammoniac est lié à l’utilisation du gaz. Il existe trois types de ces engrais : une solution azotée, sous forme liquide, de l’ammonitrate et de l’urée, sous forme de granulés.

Comment en est-on arrivé là ? Les causes sont multiples mais ont toutes pour origine un élément clé : l’envolée des prix du gaz naturel qui touche particulièrement l’Europe en raison de sa dépendance aux importations russes.

Une tendance aussi alimentée par le fait que « la Chine, qui fabrique de l’urée à base de charbon, essaie de produire plus vert, en se reportant sur le gaz naturel », une dynamique elle-même encouragée par la hausse du prix du charbon, souligne Isaure Perrot, analyste au cabinet Agritel.

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En cas d’embouteillage des commandes à l’entrée dans l’hiver, pointe le risque d’une pénurie, relèvent les acteurs de la filière.

« Acheter, même au prix fort »

L’envolée des cours alarme la Banque mondiale : « La hausse des prix du gaz naturel et du charbon a en effet réduit la production d’engrais, dont la hausse des prix a elle-même fait grimper les coûts des intrants pour les principales cultures vivrières », a déclaré jeudi John Baffes, économiste au sein du département Perspectives, cité dans un communiqué.

Soucieux de réduire leurs coûts de production, plusieurs fabricants européens d’engrais tournent au ralenti : le groupe norvégien Yara a réduit de 40 % sa production d’ammoniac et le chimiste allemand BASF a annoncé une réduction de sa production dans son usine d’Anvers (Belgique).

Cette disponibilité réduite des engrais se cumule avec la hausse du prix du fret, « multiplié par trois depuis le début de l’année », et avec un euro plus faible qui renchérit les importations européennes, poursuit Isaure Perrot.

Dans un communiqué commun, les grands céréaliers français estiment que le surcoût pour l’agriculture nationale, premier producteur de l’UE, « pourrait atteindre 4 milliards d’euros, sans tenir compte de la hausse des autres charges, notamment le coût du gaz nécessaire au séchage du maïs ».

La confédération européenne des producteurs de maïs a de son côté demandé à la Commission de suspendre les tarifs douaniers qui frappent les importations de solution azotée depuis 2019.

Les analystes du marché conseillent malgré tout aux agriculteurs d’acheter, même au prix fort, pour « couvrir leurs premières applications d’engrais au printemps ». Ils jugent que la crise peut avoir un impact sur les cultures pour la prochaine campagne, avec plus de tournesol et d’orge, moins gourmands en azote que blé et maïs.

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Des alternatives aux engrais minéraux existent, notamment en agriculture biologique, avec l’épandage d’azote organique sous forme de fientes de poules notamment, ou la culture de luzerne qui fixe de l’azote dans le sol.

Mais à court terme, pour l’Unifa (producteurs français de fertilisants), il n’est guère envisageable de remplacer les solutions chimiques par des engrais organiques : « Le niveau d’azote est beaucoup moins élevé en organique », affirme sa déléguée générale Florence Nys. « En terme de volumes et d’efficacité, c’est l’éolien face au nucléaire. »



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