Macron dénonce des «crimes inexcusables pour la République»


Le président de la République s’est recueilli à la hauteur du pont de Bezons, emprunté il y a 60 ans par des manifestants algériens répondant à l’appel de la branche du FLN installée en France.

Emmanuel Macron a dénoncé samedi des «crimes inexcusables pour la République», à l’occasion d’une cérémonie officiellepour les 60 ans du massacre d’Algériens le 17 octobre 1961 à Paris, allant ainsi plus loin que la «sanglante répression» admise par François Hollande en 2012. Face à des proches de victimes parfois en larmes, le chef de l’Etat a participé – geste inédit pour un président français – à un hommage sur les berges de la Seine, à la hauteur du pont de Bezons, emprunté il y a 60 ans par les manifestants algériens qui arrivaient du bidonville voisin de Nanterre à l’appel de la branche du FLN installée en France.

Cette nuit-là, une répression – «brutale, violente, sanglante», selon les mots de l’Elysée – s’est abattue sur les manifestants qui protestaient contre l’interdiction aux Algériens de sortir de chez eux après 20H30. «Près de 12.000 Algériens furent arrêtés et transférés dans des centres de tri au stade de Coubertin, au Palais des sports et dans d’autres lieux. Outre de nombreux blessés, plusieurs dizaines furent tués, leurs corps jetés dans la Seine. De nombreuses familles n’ont jamais retrouvé la dépouille de leurs proches», a rappelé samedi la présidence française.

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Le nombre de morts du massacre est estimé par les historiens à au moins plusieurs dizaines, le bilan officiel n’en dénombrant que trois.

En 2012, François Hollande avait dénoncé une «répression sanglante». Samedi, son successeur est allé plus loin. Le chef de l’Etat «a reconnu les faits: les crimes commis cette nuit-là sous l’autorité de Maurice Papon sont inexcusables pour la République», a indiqué un communiqué de l’Elysée diffusé juste après la minute de silence et un dépôt de gerbe, faisant référence à celui qui était à l’époque préfet de police de Paris.

«La France regarde toute son Histoire avec lucidité et reconnaît les responsabilités clairement établies. Elle le doit d’abord et avant tout à elle-même, à toutes celles et ceux que la guerre d’Algérie et son cortège de crimes commis de tous côtés ont meurtris dans leur chair et dans leur âme», ajoute le communiqué.

«Chantier mémoriel»

Emmanuel Macron, premier président français né après la Guerre d’Algérie achevée en 1962, n’a pas fait de discours au pont de Bezons mais a discuté sur place avec des proches des victimes, dont certains étaient en larmes, pour rendre «hommage à la mémoire de toutes les victimes» d’une «tragédie longtemps tue, déniée ou occultée».

Ce geste, à six mois de la présidentielle, marque un nouvelle étape dans la bataille mémorielle menée par Emmanuel Macron. «Il y a eu Maurice Audin, Ali Boumendjel, le pardon aux harkis… On a plus avancé sur le chantier mémoriel en quelques mois qu’en 60 ans», assure l’historien Benjamin Stora qui a remis au chef de l’Etat en janvier une rapport sur la colonisation et la guerre d’Algérie (1954-62).

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A cette occasion, Emmanuel Macron s’était engagé à participer «à trois journées commémoratives et emblématiques»: la première a eu lieu autour du 25 septembre, journée nationale d’hommage aux Harkis, la seconde ce samedi et la troisième le 19 mars prochain pour les 60 ans des Accords d’Evian qui ont mis fin à la Guerre d’Algérie.

Samedi, des politiques de gauche, comme le député LFI Alexis Corbière et le candidat communiste Fabien Roussel, lui ont demandé de reconnaître le massacre des Algériens comme «un crime d’État». A droite, Marine Le Pen a, elle, critiqué «ces repentances à répétition insoutenables» et estimé qu’Emmanuel Macron «continue à rabaisser notre pays» alors que «l’Algérie nous insulte tous les jours».

Cette cérémonie intervient dans un contexte tendu entre Paris et Alger, après des propos de Emmanuel Macron rapportés par Le Monde qui accusait le système «politico-militaire» algérien d’entretenir une «rente mémorielle» en servant à son peuple une «histoire officielle» qui «ne s’appuie pas sur des vérités».

«Un crime d’Etat»

A l’Elysée, on assure que le chef de l’Etat souhaite avant tout «regarder l’Histoire en face», comme il l’a fait au Rwanda en reconnaissant les «responsabilités» de la France dans le génocide des Tutsi de 1994.

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Un certain nombre d’événements commémoratifs sont prévus dimanche en Seine-Saint-Denis, dont Bagnolet, Montreuil, Noisy-le-Sec où une affiche de l’artiste Ernest Pignon-Ernest, représentant les mains d’un noyé et portant les mots «un crime d’Etat, Paris le 17 octobre 1961», doit être installée dimanche sur la façade d’un immeuble.

Nanterre se joindra aux villes de Colombes, Gennevilliers, Bagneux, Malakoff et Châtillon pour une marche-souvenir qui partira de l’esplanade de La Défense et rejoindra le pont de Neuilly.

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