L’incroyable histoire des plans-reliefs | Beaux Arts


Qui n’a jamais rêvé d’être un géant, ou un oiseau planant au-dessus des champs ? C’est l’impression que donnent ces immenses maquettes tapies dans leur bunker souterrain de 1 300 m² ! À perte de vue, des plaines verdoyantes encerclent des villes fortifiées, hérissées de citadelles en forme d’étoiles, d’églises et de ruelles bordées de milliers de bâtiments miniatures…

Rivières peintes, terrains en soie et sable teint, maisons de bois recouvertes de papier où chaque brique se retrouve dessinée… Sur ces plateaux en bois de chêne d’environ 30 à 70 m² chacun – soit, au total, plus de 400 m² de maquettes –, de minutieux artistes, aidés de géomètres et d’ingénieurs-topographes, ont reproduit les paysages et l’architecture de leur époque à l’échelle 1/600e, en respectant l’emplacement exact du moindre arbrisseau. Un précieux témoignage… et un exploit de taille, la plupart d’entre eux ayant été réalisés au XVIIe siècle, bien avant le premier vol en montgolfière, les satellites ou les drones !

Le Plan-Relief de Lille [détails]

Le Plan-Relief de Lille [détails]

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Palais des Beaux-Arts de Lille © Photo Jean-Marie Dautel

Fabriqués dans les villes conquises puis acheminés à Versailles, ces outils de stratégie militaire et de glorification du roi sont exposés au Louvre à partir de 1700.

Pour fabriquer chaque plan, il a fallu 10 hommes et quatre ans de travail. À l’origine de cette folie ? Le Roi Soleil, bien sûr ! Tout commence en 1667 : engagé dans sa toute première guerre, le jeune Louis XIV (1638–1715) se dirige avec 35 000 hommes en direction de la Flandre, alors sous domination espagnole. Après une pluie de boulets de canon et 17 jours de siège, Lille capitule. En tout, le souverain a pris possession de 11 autres places fortes du Nord.

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Dès 1668, Louvois, son ministre de la guerre, fait construire une maquette de Lille, point de départ d’une grande collection qui s’étendra à d’autres régions et se poursuivra (à moindre échelle) jusqu’au XIXe siècle sous Napoléon III. Fabriqués dans les villes conquises puis acheminés à Versailles, ces outils de stratégie militaire et de glorification du roi sont exposés au Louvre à partir de 1700. Après le plan de Lille (réalisé en 1668 par l’ingénieur Vauban, puis refabriqué en 1740) viendront notamment Calais (1691), Charleroi (1695), Bergues (1699), Tournai (1701), puis, sous Louis XV, Namur (1747) et Maastricht (1748–1752).

En pleine politique socialiste de décentralisation, le premier ministre Pierre Mauroy propose d’accueillir à Lille toutes les maquettes.

Ironie du sort, ces objets symboliques deviennent eux-mêmes des prises de guerre. En 1815, 20 d’entre eux sont enlevés par les Prussiens et suspendus à la verticale (suprême humiliation !) dans l’Arsenal de Berlin où ils subiront les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Rapatrié en 1948, le plan de Lille, abîmé et amputé, est le seul rescapé du séjour.

Mais en 1983, un nouveau conflit fait rage. En pleine politique socialiste de décentralisation, le premier ministre Pierre Mauroy propose d’accueillir à Lille toutes les maquettes (100 survivantes sur les 200 fabriquées) qui, depuis 1777, prenaient la poussière sous les combles de l’hôtel des Invalides. La droite fulmine, le président Jacques Chirac s’oppose au transfert et l’affaire passe au journal télévisé. « Sur les 100, près de 40 concernent des villes du Nord. Pas un ne concerne Paris ni la région parisienne. Lille, c’est la France » gronde Jack Lang à l’Assemblée nationale en 1985.

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La salle des plans-reliefs

La salle des plans-reliefs

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Palais des Beaux-Arts de Lille © Photo Jean-Marie Dautel

Les 100 maquettes sont acheminées à Lille… Mais l’opposition obtient leur retour à Paris, aux Invalides, où est aménagé le musée des Plans-Reliefs en 1987. Restées à Lille, une quinzaine de villes du Nord sont accueillies, en dépôt, en 1997 au Palais des Beaux-Arts, rénové et agrandi pour l’occasion. Après 10 mois de restauration complète, les voilà de retour depuis mars 2019 dans leur salle conçue par les architectes Jean-Marc Ibos et Myrto Vitart, au cœur d’une nouvelle scénographie. Après la guerre (puis le confinement), place à l’émerveillement !

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Palais des Beaux-Arts de Lille

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Et aussi… 10 merveilles du Palais des Beaux-Arts de Lille :

Les lustres de Gaetano Pesce, 1997. Dès l’entrée, admirez l’œuvre du designer italien, deux gigantesques bulles multicolores composées de centaines de tuiles de verre !

L’atrium. Bordée d’arcades, cette ancienne cour intérieure a été décorée de colonnes blanches et surmontée d’une verrière pour devenir le cœur du musée : un superbe hall baigné de lumière.

La Descente de croix de Pierre Paul Rubens, 1616-1617Peint par Rubens pour la chapelle du couvent des Capucins de Lille, ce tableau monumental trône au cœur d’une riche collection de peintures flamandes des XVIe et XVIIe siècles.

Le Parlement de Londres de Claude Monet, 1887Cette vue impressionniste est issue d’une série de 11 toiles de Claude Monet. Saisi dans diverses conditions, le Parlement de Londres se dilue dans de délicats papillotements de lumière. Magique !

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Portrait de militaire romain (Fayoum), IIe siècle av. J-C. Peint en Égypte, ce portrait sur bois d’un soldat romain couronné de lauriers d’or est l’un des trésors de la collection d’antiquités du musée.

L’Ascension des élus et La Chute des damnés de Dirk Bouts, 1470. Ces deux panneaux extraordinaires du primitif flamand dépeignent un ange aux ailes noires guidant les élus au Paradis, puis les damnés torturés en Enfer par des monstres surréalistes…

Les Vieilles et Les Jeunes de Francisco de Goya, 1808-1812. Exposées côte à côte pour un effet saisissant, ces deux vanités grinçantes de Goya révèlent tout le talent de satiriste du peintre espagnol.

L’Ombre d’Auguste Rodin, 1880. Emblématique du style de Rodin, ce corps d’homme désarticulé fait partie des 180 figures que le sculpteur destinait à son chef-d’œuvre inachevé : la Porte de l’Enfer.

La Madone d’Albe de Raphaël, XVIe sièclePour dessiner cette exquise madone à la sanguine, Raphaël, maître de la Renaissance italienne, a été contraint de faire poser un homme !

Médée d’Eugène Delacroix, 1838. Répudiée par Jason, Médée s’apprête à égorger ses deux fils… Fruit de 20 ans de recherches, cette composition est emblématique du style romantique et ténébreux de l’artiste.



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