Les fils spirituels de Chiharu Shiota au musée Guimet


Suspendues dans les airs, des nuées de fils rouges, blancs ou noirs enserrent des objets poétiques et symboliques. Barques, chaises, pianos ou clés se retrouvent pris dans d’infinis réseaux de lignes qui se croisent et s’entrelacent. Doucement envahissants, les tissages compulsifs de l’artiste japonaise Chiharu Shiota (née en 1972) inquiètent autant qu’ils bercent, grâce à leur légèreté magique évocatrice des contes merveilleux. Séduit, le musée national des arts asiatiques Guimet a offert une carte blanche à cette native d’Osaka, dont les installations ont fait le tour du monde.

Nichée dans la rotonde du dernier étage, une pluie de fils rouges attend le visiteur. Tombant par milliers du plafond, les fines cordelettes s’enroulent autour d’une multitude de meubles et accessoires de maison de poupée : chaises, lits, buffets et théières miniatures… Comme si une araignée écarlate avait patiemment emmailloté ces jouets dans sa toile, tels de petites proies. S’agrippant à ces symboles de l’intimité, du souvenir et de l’enfance pour s’en faire un cocon rassurant… mais aussi un brin oppressant !

Chiharu Shiota, Living Inside

Chiharu Shiota, Living Inside, 2021

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Courtesy de la Galerie Templon Paris – Bruxelles et Chiharu Shiota / ADAGP, Paris, 2022 / Photo : Thierry Ollivier

Repli sur le foyer et sur soi, immobilité forcée, besoin de tisser des liens avec le monde extérieur malgré l’enfermement… C’est l’expérience du confinement qui a inspiré cette œuvre, Living Inside, à cette quinquagénaire installée à Berlin depuis 1999. Si elle n’est pas sa plus spectaculaire – difficile d’égaler In silence (2008), une salle de concert figée dans un immense réseau de fils noirs arachnéens, ou The key in the hand, présentée à la Biennale de Venise de 2015 (deux grandes barques prises dans une fabuleuse nef de fils rouges à laquelle étaient suspendues des milliers de clefs) – celle-ci n’en reste pas moins intrigante.

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Chiharu Shiota, State of Being (Dress)

Chiharu Shiota, State of Being (Dress), 2022

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Courtesy de la Galerie Templon Paris – Bruxelles et Chiharu Shiota / ADAGP, Paris, 2022

La promenade se poursuit dans les collections japonaises du musée, où l’artiste nippone, également très portée sur le thème du passé et de la mémoire, a notamment glissé, face à d’antiques masques de théâtre nō d’une blêmeur maléfique, de petites robes blanches piégées dans une chrysalide de fils sombres… Comme si elle tentait, par un rituel chamanique, de remonter le fil invisible reliant le monde tangible à celui des esprits, et de capturer ces derniers dans de grands attrape-rêves. Comme eux, nous voilà pris dans ses filets !

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Carte blanche à Chiharu Shiota

Du 16 mars 2022 au 6 juin 2022

www.guimet.fr



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