Le « décor de paon » : le choc des couleurs


Elle s’habille en robe droite et fluide, en tenue de sport, décontractée, elle arbore une coupe de cheveux « à la garçonne », conduit des voitures et fume en public. C’est dire si la femme dans les Années folles a changé ! Paul Poiret a fait tomber les corsets qui « encageaient » les corps et Coco Chanel les sublime d’une sobre petite robe noire. À l’aise dans cette époque sur fond de jazz et de soirées endiablées, la maison Cartier va contribuer à cet élan de modernité avec une touche de couleurs. Et pas n’importe lesquelles : du vert et du bleu, un partenariat comme on n’en a jamais vu et qui marie l’Orient à l’Occident.

Nikolai Ivanovich Veselovsky et al., Les Mosquées de Samarcande

Nikolai Ivanovich Veselovsky et al., Les Mosquées de Samarcande, 1905

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Saint-Pétersbourg, pl. 3 • Coll. Archives Cartier Paris • © Archives Cartier Paris

Retour quelques années plus tôt. En 1900, Louis Cartier, aîné des trois frères ayant hérité de la maison éponyme, a 25 ans. Jeune créateur, esprit curieux, il va se passionner pour les arts venus d’ailleurs, de la Chine, du Japon mais aussi du Proche-Orient. À l’époque, les arts dits « musulmans » commencent à être exposés, à Paris au musée des Arts décoratifs en 1903, mais aussi à Munich quelques années plus tard. Le petit monde parisien ne jure aussi que par la lecture du moment : les Mille et une Nuits, conte persan multiséculaire retraduit par Mardrus en 1900. Enfin, une génération d’esthètes va pouvoir former ses yeux et étancher sa soif de connaissances et découvertes en acquérant des pièces d’arts islamiques parvenues sur le marché de l’art en Europe, notamment à la suite de révolutions. Louis Cartier va collectionner ces objets d’art de l’Islam, en particulier les manuscrits à peintures dont il est féru.

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Le souffle de l’Iran

Cartier Paris, Pendentif

Cartier Paris, Pendentif, commande de 1923

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Platine, saphirs, émeraudes, diamants • 9,9 × 3 × 1,85 cm • Collection Cartier • © Nils Herrmann / Cartier

À disposition des employés de la maison, la bibliothèque de Louis Cartier va constituer un inépuisable réservoir d’images et d’inspirations. Les motifs de l’iconographie islamique sont repris, modifiés et réinterprétés dans les carnets qui serviront à créer pendentifs, bracelets, diadèmes… Toute une géométrie pionnière de l’Art déco (triangles, étoiles…) qui sera sacré à Paris en 1925 à l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels. 

Outre ses motifs, la maison de la rue de la Paix trouve également au contact des arts de l’Islam une nouvelle palette. Bleu du saphir associé au vert de l’émeraude : ce que Louis Cartier baptise son « décor de paon » découle directement du monde iranien. Ces deux tons froids, peu orthodoxes selon le bon goût de la high society de l’époque, sont étroitement liés aux arts de l’Islam.

Cartier Paris, Étui à cigarettes

Cartier Paris, Étui à cigarettes, 1930

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Or, platine, lapis-lazuli, turquoises, diamant • 8,7 × 5,6 × 1,9 cm • Collection Cartier • © Nils Herrmann / Cartier

Fascinés par l’esthétique de sources iconographiques comme les reproductions des mosquées de Samarcande visibles dans la bibliothèque de Louis Cartier, les employés des ateliers de la maison ne tarderont pas à enrichir la gamme de bleu et de vert avec des matières exotiques. Ainsi les briquets, les nécessaires et la petite horlogerie se parent de plaques de néphrite et de jade. Viennent s’ajouter à ces accords la turquoise, pierre dure extraite des mines d’Iran, et le lapis-lazuli venu d’Afghanistan. À l’instar de cet étui à cigarettes de 1930, d’une modernité folle, que l’on peut admirer à l’exposition « Cartier et les arts de l’Islam » au musée des Arts décoratifs à Paris : en or, le précieux accessoire est incrusté de turquoise et de lapis-lazuli en motif d’ocelles… Un regard « persan » pour un « décor de paon » !

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Cartier et les arts de l’Islam – Aux sources de la modernité

Du 21 octobre 2021 au 20 février 2022

madparis.fr



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