L’art hypnotisant du « kundan » indien, souvent copié, jamais égalé


« De tous les royaumes du monde, nul ne maîtrise à ce point l’art d’incruster les gemmes. » L’Inde est, ni plus ni moins, la perle du bijou ! C’est avec ces mots que le Persan Abd-al-Razzāq résume ses impressions lorsqu’il découvre le trône serti de pierres précieuses du roi de Vijayanagar, sur le plateau du Deccan. Une merveille qui doit beaucoup à une technique unique appelée « kundan », littéralement « or pur » en hindi. Ce savoir-faire, encore largement utilisé aujourd’hui dans les ateliers des joailliers indiens, permet de sertir les gemmes sans avoir recours à des griffes, en superposant de fines feuilles d’or. Voici comment en 4 étapes !

1. Créer la structure : un rêve de bijou

Le kundan exige des mains d’or ! La quinzaine de phases nécessaires pour réaliser un bijou est donc assurée par un artisan spécialisé. Première étape : construire une structure de base qui donnera au futur bijou serti de pierres son design. Pour cela, l’orfèvre façonne des petites alvéoles à l’aide de bandes d’or qu’il dispose ensuite sur une planche recouverte de cire. Cette base pourra être soumise au feu afin de souder les alvéoles ensemble sur une plaque d’or qui va former un cadre. Ce qui dépasse est coupé, les bords sont polis. L’or, qui peut avoir noirci au cours de cette opération, peut être plongé dans un bain d’acide. Le bijou prend forme…

Outils et travail de l’orfèvre

Outils et travail de l’orfèvre, 1850–1860

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Miniature, Cachemire • Coll. British Library • © BRITISH LIBRARY / AURIMAGES

2. Soigner le motif à faire éclore

Avant de sertir les pierres, place au décor ! Le kundan est souvent associé à l’art de l’émail, un savoir-faire que les orfèvres moghols ont diffusé en Inde à la fin du XVIe siècle, après l’avoir appris des Européens venus à Goa. L’émaillerie indienne met en œuvre la technique du champlevé, un art ancestral qui consiste à creuser des bas-reliefs et à les remplir d’émail en poudre. L’émailleur commence d’abord par dessiner son projet au crayon. Il ne faut pas se rater ! Une pointe précise viendra ensuite creuser délicatement le métal. Ces zones seront comblées de poudre à émailler de couleurs, opaques ou transparentes.

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Bague en or émaillé, Inde du Nord

Bague en or émaillé, Inde du Nord, XVIIe siècle

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3. Feu sur la couleur !

L’émailleur doit d’abord préparer ses poudres à émailler comme un peintre broyait autrefois ses couleurs pour sa palette. La poudre est une matière vitreuse, composée notamment de silice, de feldspath et de kaolin. On additionne de l’eau à la poudre avant d’appliquer la pâte obtenue au creux des zones gravées dans le métal. Intervient la cuisson, qui permet de vitrifier l’émail et de révéler tout son éclat. Elle peut s’effectuer en plusieurs étapes, avec un abaissement progressif de la température (flirtant autour de 800 °C) en fonction des couleurs : trop chauffé, le rouge vire par exemple au brun ! La pièce est ensuite débarrassée de ses impuretés et éventuelles imperfections avant d’être brossée dans une eau savonneuse.

Pendentif en forme d’oiseau, Inde

Pendentif en forme d’oiseau, Inde, XVIIe siècle

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Coll. musée Guimet – musée national des Arts asiatiques, Paris • © RMN-Grand Palais (MNAAG, Paris) / Thierry Ollivier

4. Sertir : un marteau et des feuilles d’or

Les petites alvéoles qui ont été façonnées lors de la première étape vont maintenant pouvoir accueillir les pierres. Mais d’abord, ces zones sont remplies d’une sorte de laque, en partie née des sécrétions de la cochenille, le coccus lacca. Les gemmes sont positionnées puis délicatement soumises à la chaleur d’un charbon ardent pour être scellées. Reste la touche finale qui donne son nom à ce long processus unique à l’Inde : le kundan. De fines feuilles d’or pur de quelques microns sont insérées autour des pierres et travaillées les unes après les autres au marteau. Aussi incroyable que cela puisse paraître, c’est ainsi qu’une étroite bande d’or à plusieurs couches finit par se constituer et enserrent la gemme à son emplacement. L’or pur de 24 carats est extrêmement ductile et malléable : ainsi le kundan peut être employé aussi bien pour faire des parures que des boîtes, coffrets, flacons… Bijou incontournable du trousseau de la jeune mariée dans les castes aisées, le kundan est un art toujours très vivace, notamment à Jaipur, ville historique de cet art au Rajasthan, et à Ahmedabad, dans le Gujarat.

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Collier, Inde

Collier, Inde, 1800–1950

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Coll. British Museum, Londres

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Pour aller plus loin…

Rendez-vous au cours « Un tour du monde du bijou », à L’École des Arts Joailliers

Lieu d’échanges et de partage, L’École des Arts Joailliers a été fondée en 2012. Avec le soutien de la maison Van Cleef & Arpels, cette école unique en son genre fait découvrir le bijou sous toutes ses facettes et au plus grand nombre.

Le cours « Un tour du monde du bijou » : 5 continents, 5 escales précieuses pour explorer l’évolution du bijou à travers les époques et les civilisations
Un cours de 2h30, ouvert à tous, tenu par un gemmologue et un historien de l’art
Réservations : www.lecolevancleefarpels.com

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L’École des Arts Joailliers



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