Impertinentes, somptueuses, loufoques… 9 BD primées à Angoulême


1. Fauve d’or : des pouvoirs de la littérature

Une somme… dantesque. Ce pavé transpose en effet, sur plus de 400 pages, la Divine comédie, à travers les confessions d’un père aveugle qui raconte à son fils comment, emprisonné dans la même cellule qu’un des plus célèbres criminels du Chicago des années 1930, il a trouvé les moyens de s’évader à travers la littérature. Inspiré d’une histoire vraie, ce récit d’une descente aux enfers, dans une esthétique noire tout en hachures, emprunte autant à Edward Gorey qu’à William Blake. Et signe l’entrée triomphale des éditions Sonatine dans le neuvième art.

David L. Carlson, L’accident de chasse

David L. Carlson, L’accident de chasse

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© David L. Carlson / Sonatine

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L’Accident de chasse

Par David L. Carlson (scénario) et Landis Blair (dessin)

2. Prix Goscinny-prix du scénario : les fantômes d’Hollywood

« La vérité de l’imagination. » L’expression du poète John Keats, qui sert de refrain à L’Accident de chasse, s’applique aussi bien à cet époustouflant album écrit par Loo Hui Phang, qui retrace la biographie fictive d’un comédien métis de l’âge d’or d’Hollywood effacé de l’histoire officielle du cinéma. Les mots s’incarnent en noir et blanc dans un dessin somptueux qui revisite les films cultes des années 1930 et 1960. Une plongée dans les coulisses du mythe et de l’usine à rêves, révélant en creux l’idéologie raciste à l’œuvre pour invisibiliser les minorités.

Loo Hui Phang et Hugues Micol, Black-out

Loo Hui Phang et Hugues Micol, Black-out

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© Loo Hui Phang & Hugues Micol / Futuropolis

Par Loo Hui Phang & Hugues Micol

3. Prix spécial du Jury : un coming-out jubilatoire

Personne ne peut rester insensible aux charmes des aventures loufoques de ce super-héros travesti qui a le pouvoir de voler quand il s’habille en femme. August Crimp, alias Dragman, a pourtant dû renoncer à ses super pouvoirs, victime des discriminations du club des super-héros. Il poursuit une vie rangée de père de famille jusqu’au jour où son passé le rattrape. Derrière ce pastiche irrésistible de comics à la sauce british, croqué à l’aquarelle, se cachent les confessions délirantes d’un dessinateur qui assume désormais son identité trans, avec humour et élégance.

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Steven Appleby, Dragman

© Steven Appleby / Denöel Graphic

4. Fauve Révélation : l’apprentissage par la danse

Des corps en mouvement, des lignes noires épaisses sublimées de couleurs intenses à l’aquarelle. Maurane Mazars s’impose par la force d’un récit lumineux et documenté. Uli, un jeune danseur allemand et juif, part s’installer à New York en 1959, plus attiré par les comédies musicales que les ballets classiques. Il y tombera amoureux d’un danseur afro-américain. Une chorégraphie initiatique pour faire valser les identités dans l’effervescence de l’après-guerre et le contexte de luttes pour les droits civiques.

Maurane Mazars, Tanz !

© Maurane Mazars / Le Lombard

5. Prix de l’Audace : de l’ironie considérée comme un des beaux-arts

Digne héritière de Sempé et de Steinberg, Gabrielle Piquet s’est inspirée de la vie de Charles Hamilton, un riche oisif qui avait adopté à Édimbourg à la fin du XIXe siècle un « ermite ornemental » pour soigner sa dépression. En brodant autour de cette pratique absurde en usage à cette époque qui transforme le sage en nain de jardin, l’autrice démonte d’un trait épuré et délicat les recettes toutes faites du bonheur. Une fable ironique qui cible la vacuité existentielle de l’individualisme contemporain.

Gabrielle Piquet, La Mécanique du sage

Gabrielle Piquet, La Mécanique du sage

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© Gabrielle Piquet / Atrabile

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La Mécanique du sage

Par Gabrielle Piquet

6. Prix du public France TV : l’émancipation par le mensonge

Au début des années 1930, Anaïs Nin explore ses désirs et sa sensualité. En piochant dans la matière intime et littéraire de ses Journaux, Léonie Bischoff anime cette période charnière de l’éclosion de l’artiste, marquée par la rencontre d’Henry Miller et la découverte de la psychanalyse, dans les variations chatoyantes d’un crayon à la mine multicolore. Elle brosse le portrait d’une femme fascinante qui, face aux tabous de la société de son époque et au nom de la liberté de créer, revendique le droit aux mensonges pour transformer sa vie et ses fantasmes en œuvre d’art.

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Léonie Bischoff, Anaïs Nin. Sur la mer des mensonges

Léonie Bischoff, Anaïs Nin. Sur la mer des mensonges

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© Léonie Bischoff / Casterman

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Anaïs Nin. Sur la mer des mensonges

Par Léonie Bischoff

7. Fauve Patrimoine : les prophéties de Lynd Ward

Une récompense qui couronne l’évidence. Publiés pour la première fois en intégrale en France, les six « woodcut novels » de Lynd Ward ont été réunis en trois tomes dans un coffret somptueux, complétés par les commentaires de l’artiste lui-même et par un chapitre signé Art Spiegelman. De quoi donner la mesure de la virtuosité de ces chefs-d’œuvre gravés sur bois en noir et blanc, parus dans les années 1930 aux États-Unis. Un cinéma muet guidé par l’idéal, dont la force allégorique témoigne de la portée d’un engagement absolu et vertigineux.

8. Fauve de la série : les solitudes de Paul

Neuvième tome d’une saga québécoise d’inspiration autobiographique déjà récompensée en 2010 par le Prix du Public à Angoulême, cet épisode revient sur un moment mélancolique de la vie de Paul, l’alter-ego de l’auteur. En 2012, sa femme le quitte, sa fille s’installe à Londres, sa mère meurt du cancer et lui-même ne va pas très bien. En résulte une chronique émouvante sur le passage difficile de la cinquantaine dans un album à la ligne claire graphiquement fouillé où l’auteur nous livre son cafard avec humour et philosophie.

Michel Rabagliati, <em>Paul à la maison</em>

Michel Rabagliati, Paul à la maison

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© Michel Rabagliati / La Pastèque

9. Le Prix des lycéens : un album phénomène

Peau d’homme collectionne les prix. Plébiscité aussi bien par le public, les libraires ou les critiques, l’album s’est déjà écoulé à près de 100 000 exemplaires et sera bientôt adapté au cinéma. Il repart avec le tout nouveau Prix des lycéens créé cette année par le festival avec le ministère de l’Éducation nationale. Le succès s’explique par la finesse d’un conte qui pendant la renaissance italienne joue de travestissements pour questionner le rôle assigné aux hommes et aux femmes. Une réflexion sur le genre subtile et d’actualité.

Hubert et Zanzim, Peau d’Homme

Hubert et Zanzim, Peau d’Homme

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© Hubert et Zanzim / Glénat

Par Hubert et Zanzim

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48e Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême

Du 24 au 27 juin 2021

https://www.bdangouleme.com/



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