Géopolitique – Le marché des céréales se joue en mer Noire, l’angoisse monte sur les engrais


Les prix mondiaux des céréales ont retrouvé cette semaine leur niveau élevé de juin, dopés par la recrudescence des bombardements russes en Ukraine, tandis qu’en Europe, l’inquiétude monte face au coût astronomique des engrais.

Si les prix mondiaux des produits alimentaires ont poursuivi leur baisse en septembre pour le sixième mois consécutif, celui des céréales est remonté par rapport à août, a alerté l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui a rappelé vendredi que 45 pays, dont 33 en Afrique, avaient « besoin d’une aide alimentaire extérieure ».

Mercredi, la tonne de blé tendre dépassait les 354 euros en séance sur Euronext, en hausse de plus de 5 % sur un mois, à un niveau comparable à la fin juin. A près de 340 euros la tonne, le maïs suivait la même tendance. Les marchés s’attendaient en outre, mercredi, à une révision à la baisse de la production de la graminée aux Etats-Unis, dans le rapport mensuel du ministère américain de l’Agriculture attendu dans la soirée.

« Le marché navigue à vue, focalisé sur la situation en mer Noire. L’inquiétude est double : à la fois liée au risque d’escalade militaire mais aussi au devenir du corridor maritime qui permet des exportations agricoles d’Ukraine depuis le mois d’août », a déclaré à l’AFP Edward de Saint-Denis, courtier chez Plantureux & Associés.

Ce corridor a permis à Kiev d’exporter par bateaux quelque 7 millions de tonnes de produits agricoles, vers l’Europe, le Moyen-Orient et, en moindre proportion, vers l’Afrique, selon les données du Centre de coordination conjointe (JRC) à Istanbul, qui autorise et contrôle les trajets. Un vrai succès. Aux portes du Bosphore, mardi, 150 cargos patientaient à la sortie et à l’entrée du détroit, depuis neuf jours en moyenne, avant de passer l’inspection qui valide leur voyage, a constaté l’AFP.

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En dépit de critiques de Moscou, qui estime être entravé dans ses exportations agricoles du fait des sanctions, le blé russe s’impose sur le marché : moins cher que les grains européens et notamment français, en dépit des taxes à l’exportation – que Moscou envisage de lever pour favoriser la vente de son exceptionnelle récolte. L’Algérie aurait ainsi acheté entre 4 et 500 000 tonnes de blé pour des chargements en novembre, quasi exclusivement à la Russie, a indiqué mercredi le cabinet Inter-Courtage.

Risques sur les engrais

L’Onu a appelé lundi à prolonger d’un an l’accord sur les exportations de céréales, qui arrive à échéance le 19 novembre, après quatre mois de fonctionnement. Les négociateurs des Nations unies espèrent pourvoir étendre l’accord « pour inclure plus d’engrais ».

Alors que vont démarrer dans une grande partie de l’Europe les semis de blé, l’inquiétude monte quant à la disponibilité mondiale en fertilisants, dont la Russie est un pourvoyeur important.

Du fait des prix élevés du gaz – qui constituent 90 % des coûts de production des engrais azotés comme l’ammoniac et l’urée -, plusieurs grandes usines de fabrication de fertilisants minéraux ont ralenti ou arrêté leur production, de la Pologne à la Norvège. Concernant l’ammoniac, « 70 % de la production européenne est à l’arrêt depuis le mois d’août », a alerté l’association Fertilizer Europe mi-septembre.

« Des ruptures d’approvisionnement » ne sont « pas complètement exclues », a prévenu Nicolas Broutin, directeur de Yara France, leader européen des engrais azotés. « La principale crainte des agriculteurs est d’acheter un engrais très cher aujourd’hui et de voir ensuite les prix des céréales baisser. Nous leur conseillons de se couvrir pour la saison 2023, car les prix devraient rester élevés dans les prochains mois et même peut-être augmenter si l’hiver est froid », du fait de la consommation de gaz, a expliqué à l’AFP Alexandre Willekens, expert en engrais au cabinet Agritel.

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La solution azotée est aujourd’hui à 700 euros la tonne et les ammonitrates (granulés) à 970 euros, soit environ 300 % d’augmentation en deux ans, a-t-il relevé. En Vendée, dans l’ouest de la France, Régis Bonnin, agriculteur-éleveur, a joué la prudence, craignant « des ruptures de livraisons si tout le monde achète en même temps », et a couvert 95% de ses besoins. « C’est fou! Cela m’a coûté 100 000 euros pour moins de 100 tonnes, alors qu’il y a deux ans, c’était 30.000 », a-t-il dit à l’AFP.



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